Famille dans le feuilleton

•    Le Rayon vert de Jules Verne

Dans Le Rayon vert, le cercle familial est réduit mais il est proche et positif. La jeune Héléna est entourée de deux oncles aimants, oncle Sam et oncle Sib, personnalités complémentaires qui sont dévouées à leur nièce. De ce fait, c’est un amour familial sans tâche qui est représenté dans le roman, dès le premier chapitre : « Pour esquisse en quelques […] du clan de Melvill. »

Lors de la conclusion du roman, le choix final d’un époux plus adapté, pour la jeune fille, se fait grâce à cette situation familiale sans contrainte. Les deux hommes considèrent désormais Olivier comme un des leurs au chapitre XXII : « Après une heureuse […] les frères Melvill. »

•    La Petite Fadette de George Sand

Dès le départ, le roman présente une proximité extrême des deux frères jumeaux, comme ici au chapitre II : « Bonheur ou malheur […] leur propre tempérament. »
La séparation des deux enfants est donc difficile, leur relation restant fusionnelle par la suite, au chapitre III et suivants : « Aussitôt que Landry le vit entrer […] le plus affligé. » La jalousie que provoque l’amour de Landry pour une femme, chez son frère, ne l’empêche pas de profiter réellement de leur proximité. En réalité, cet amour fraternel est trop fort et presque dangereux comme on le voit dans le deuxième volume, au chapitre VIII : « D’abord Sylvinet […] tendresse maladive. »

•    Modeste Mignon d’Honoré de Balzac

La jeune Modeste a pour sa mère dont elle s’occupe un véritable amour. La mère est clairvoyante, capable de comprendre sa fille, du fait de leur lien familial : « On peut maintenant deviner […] ne vous en êtes pas aperçus. » De même, Modeste a de l’amour pour sa sœur, malgré ses erreurs, précisément parce qu'elles sont liées par le sang : « L’autre événement plus grave encore […] d’un ton de voix déchirant. » Cet amour a une forme de beauté, mais il est également problématique : Caroline, la fautive, aime son père et souhaite son pardon. Quant à Modeste, l’amour qu’elle conserve pour sa sœur la pousse en réalité sur la même pente dangereuse.

•    La famille Jouffroy d’Eugène Sue

Le lien filial, qui semblait oublié, se réveille brutalement chez Catherine alors qu’elle découvre l’enfant dont elle est la mère. C’est cette scène de découverte du sentiment maternel qui a lieu au chapitre XX du premier volume : « Catherine ne répondit […] de madame ! » Un autre type de tendresse maternelle s’exprime au chapitre III du deuxième volume, lorsque Madame Jouffroy voit ses espoirs pour sa fille se réaliser : « Le père d’Aurélie […]  joyeusement les mains. »

Le roman, dans son ensemble et comme son titre l’indique, s’intéresse à la famille, à ce qui crée le lien familial et, si possible, le bonheur qui l’accompagne.

•    Mémoires de deux jeunes mariées d’Honoré de Balzac

Dans la Lettre XXI (qui deviendra XX), la plus raisonnable des deux femmes, Renée, s’élève avec vigueur contre la logique qui veut que la femme soit sacrifiée dans le mariage : « Si l’amour est la vie du monde […] avec une inquiète curiosité. »

Louise représente a priori une facette complètement différente de la vie de couple : sans enfants, elle est une femme entièrement tournée vers la passion amoureuse et à de nombreuses reprises elle se déclare soulagée de n’être pas mère – incapable comme elle l’est de diviser son amour, et de supporter de partager l'amour de son amant. Il s’agit pourtant là très largement d’une posture : Louise aussi est travaillée par la question de la maternité, destin de la femme qu’elle ne peut accomplir – ce qui est à la fois une raison et un indice de son inévitable malheur. Elle le déclare ouvertement dans la fin de la Lettre XLVII (qui deviendra XLVI), qui conclut la deuxième partie (qui deviendra la première) : « Ah, Renée, si je ne suis pas morte […] la part de mes douleurs !... »

•    Le Bossu de Paul Féval

Dans ce roman, la question de la famille se pose de plusieurs façons. Il y a une question d’identité, bien sûr – la jeune Aurore étant fille secrète du duc de Nevers – mais aussi un certain nombre d’enjeux autour des sentiments ressentis, principalement entre la mère et sa fille. Ces sentiments forts sont une toile de fond, sur laquelle s’ajoutent l’amour (ou la haine) envers les autres personnages. Dans le chapitre I de la troisième partie, largement composé du journal intime d’Aurore de Nevers, celle-ci s’adresse à sa mère : « Pourquoi avait-elle écrit cela ? […] cri de mon cœur, ma mère ! »

Cette adresse vibrante peut être mise en perspective avec la représentation de la mère. Le roman en fait un personnage dont l’amour maternel est complexe mais qui finalement est entièrement dévouée à sa fille qu’elle reconnaît pour sienne instantanément. Dans cette scène du chapitre V de la dernière partie, l’amour de la mère et ses angoisses s’expriment comme de biais, auprès de l’amie d’Aurore et en passant par la violence de la jalousie : « Dona Cruz souriait parmi ses larmes. […] murmura dona Cruz. »

•    Ce qui ne meurt pas de Barbey d’Aurevilly 

Le chapitre XV de la première partie fait apparaître le rapport entre la mère et la fille, qui déjà semble conditionné par la présence d’Allan : « Pendant la maladie d’Allan […] pour en souffrir. » Les conséquences de ce lien familial dissolu sur le rapport à l’amour sont développées par la suite. La tension de la relation mère-fille parvient à son comble lors de la confrontation des deux femmes au sujet d’Allan, dans la deuxième partie, chapitre XII : « Ma mère ! ma mère ! regardez-moi […] je ne le sache pas ? »

•    Agathe et Cécile d’Alphonse Karr 

Ce roman d’Alphonse Karr peint des rapports familiaux complexes et variés. On y rencontre par exemple la famille perçue comme un poids – liant les deux frères à une tante qui ne les aime pas, et qui était en froid avec leur père. Ainsi, dans le chapitre II, le lien familial apparaît très clairement comme forcé et nécessaire, mais non apprécié : « Mais il nous faut reprendre l’histoire de Reynold […] en épousant une fille de rien. »

•    L’Enfant de Jules Vallès

Dès le chapitre I la description de la mère et de la relation avec celle-ci est dure : « La Prison […] puces de séminaire. » Plus loin, au chapitre III, le narrateur parle de son père, professeur dans son école : « Mon père faire la première étude […] au lycée du Puy… » Ce couple déséquilibré compose un environnement familial négatif. Les rapports familiaux sont donc tendus et forcés, et on le constate tout particulièrement dans l’épisode de la fête du père, au chapitre VIII : « C’est samedi prochain […] La fête de mon père ! » Les marques d’affection sont régentées et en perdent leur authenticité. 

•    Histoire de ma vie de George Sand

Au chapitre IV de la première partie, l’auteure propose un retour sur la famille de sa mère et sur ce que celle-ci en disait : « J’ai parlé d’Antoine Delaborde […] dans l’horreur de la révolution. » Plus loin, au chapitre XV de la première partie (qui correspond au chapitre II, partie II du volume), le mariage du père avec la mère de Sand est vécu comme un drame pour la grand-mère de celle-ci : « Lorsque ma grand’mère […] sacrifier à sa mère. »

Le récit de la vie familiale et la présentation des ancêtres implique aussi le récit de leur disparition. C’est le cas à la partie III, plus précisément au chapitre XIX (chapitre VI de la partie IV en volume) avec la mort de la grand-mère, attendue suite à une maladie, et qui est moins violente que la sensation de la perdre qui a précédé : « Tout le mois de décembre […] sublime de tranquillité. »

•    La Rabouilleuse d’Honoré de Balzac

Au début du chapitre IV on peut lire une description des enfants et de leurs ressemblances et dissemblances avec leurs parents : « Philippe, l’aîné […] de la préférence maternelle. » Cette description met en avant des complexités dans la dynamique familiale, car il existe un déséquilibre dans l’affection de la mère pour ses deux fils. 

•    Le Nabab d’Alphonse Daudet

Dans le roman, on retrouve la famille dans toutes ses formes : chez les Joyeuse, un bonheur complet et partagé ; chez les Jenkins le poids du mensonge ; dans le cas de Jansoulet un foyer désuni mais une mère aimante… Au chapitre V, le lecteur découvre la famille Joyeuse, le père et ses quatre filles, symboles du bonheur familial : « Tous les matins […] jusqu’au soir. » Le contraste est d'autant plus fort avec la famille du Nabab qui, de son côté, vit loin de sa femme et ses enfants. Quant à ses parents, on découvre au chapitre XI le déséquilibre de l’amour de la mère, préférant longtemps l’aîné alors qu’elle doit désormais tout à son cadet : « Celui-là, c’était l’aîné […] de l’autre côté du Rhône. » 

•    Jocaste d’Anatole France

Le roman se concentre surtout sur Hélène. C'est avec son père que la relation est la plus forte : elle l'admire profondément. Néanmoins, le début du roman revient sur l’enfance de la jeune femme et notamment sur le comportement incohérent, pour une enfant, de sa mère. L’amour maternel apparaît ainsi au chapitre II comme une suite d’actions incompréhensibles : « Il est bien vrai qu’Hélène […] tardives attentions de M. Fellaire. »

•    Rose et Ninette d’Alphonse Daudet 

Le roman commence juste après un divorce. Cette problématique amoureuse implique, dans ce roman qui porte le nom des deux filles du couple, une question familiale. Le roman s’ouvre donc sur la première rencontre du père avec ses filles après le divorce, dans son nouveau logement : « Cette gêne se dissipa […] très sévère. » On retrouve ensuite cette question tout au long du roman, par exemple lorsqu’à la fin du chapitre VIII le père exprime le désir d’habiter avec son aînée.

•    Pot-Bouille d’Émile Zola

La famille Josserand essaye de se faire donner de l’argent par un oncle bien plus riche. Ce cadeau, qui pourrait être œuvre de générosité, ne s’obtient qu’à l’aide de difficiles machinations présentées au chapitre III : « Elles avaient comploté […] ses doigts dans la sauce. » Les rapports familiaux sont dénués de tout naturel.

•    La Famille Germandre de George Sand

Dans cette famille, dont les membres ne se connaissent pas ou mal, un rapport de pouvoir est à l’œuvre au sujet du rôle de chacun à l’enterrement de l'ancêtre commun. On le voit dans cet extrait du chapitre II : « Ce fut seulement […] pas cette prétention, répondit le chevalier. » Cette rivalité s’exprime par un rapport difficile entre deux des hommes, au chapitre VI, qui met du temps à s'apaiser : « C’est une explication comme une autre […] me portent sur les nerfs. »

•    Contes de la bécasse de Guy de Maupassant

Dans « Père inconnu » on a affaire à une déconstruction de l’idée familiale. Les enfants sont réduits à un phénomène de reproduction dans cet extrait : « Le sénateur s’arrêta […] cuisinière en quelque famille. »

La nouvelle « Aux champs » pose la question de l’avenir des enfants, et de la limite qui existe entre l’amour familial et l’amour de l’argent. Les deux familles pauvres réagissent différemment à l’offre qui leur est faite par une famille aisée d’adopter leur fils : « La paysanne commençait à comprendre […] leur donner plus tard. »