La Librairie de Charles V : Littérature

Français 761 : Artus de Bretagne

La Librairie du Louvre comptait quelque quarante-deux exemplaires de la littérature arthurienne, la majeure partie étant constituée par le Tristan en prose et le cycle de Lancelot. Dérivant du cycle arthurien et du Tristan, ce roman en prose, composé au début du XIVe siècle dans l’entourage du duc de Bretagne, narre les aventures d’Arthur, fils de Jean (de la famille de Lancelot) et de la fille du duc de Lancastre.

Daté du second quart du XIVe siècle, le manuscrit a été illustré par le Maître de Fauvel, ainsi désigné pour sa décoration du Roman de Fauvel (Français 146). Le manuscrit s’ouvre sur une peinture occupant les trois quarts du folio, représentant Artus découvrant au cours d’une chasse Jeannette et sa mère.

Le volume, mentionné à partir de 1411 dans les inventaires royaux, entra dans la Librairie du Louvre sous le règne de Charles VI. Le volume, demeuré dans la librairie jusqu’à sa dispersion, fit vraisemblablement partie des ouvrages envoyés en Angleterre par Jean de Lancastre, duc de Bedford. Il y fut racheté par Louis de Gruuthuse, seigneur de Bruges, dont l’emblème apparaît en transparence sous les armes de Louis XII au verso du feuillet 1. Il fut cédé à la Bibliothèque du roi par Jean de Bruges, fils du seigneur de Gruuthuse.

Français 12583 : Roman de Renart

Composé de récits issus d’une longue tradition de fable ésopiques gréco-latines, le Roman de Renart est un recueil de textes disparates — dits « branches » — rédigés par divers auteurs entre 1170 et 1250. Contant les aventures de Renart dans un monde animal aux caractères singulièrement humains, le texte est le pendant satirique de la littérature épique et chevaleresque. Loin d’être linéaire, le regroupement des branches est différent selon les manuscrits.

Ce manuscrit appartient à la première famille qui commence par le Jugement de Renart et s’achève soit avec Renart empereur (Branche XI) soit avec la Mort de Renart (Branche XI). Il est incomplet du début et de la fin et s’interrompt au verso du feuillet 85 de la Branche IX. L’unique enluminure du premier feuillet met l’accent sur la mort de Renart à travers la scène de la procession de ses funérailles : l’âne Bernard tient une croix, la bière, en forme de chasse, est portée par Belin le mouton et Brun l’ours.

Bien qu’il ne soit pas mentionné dans les inventaires de la Librairie du Louvre, le manuscrit aurait fait partie, selon Léopold Delisle, des collections royales. Envoyé en Angleterre après la dispersion de la librairie, il fut donné par Jean de Bedford à son beau-frère Humphrey de Gloucester dont il porte l’ex-libris au verso du premier feuillet de garde. Le volume entra par la suite dans la librairie de Bourgogne : il y est répertorié dès 1469.

 

Arsenal, ms. 3525 : Watriquet

On doit à Watriquet de Couvin, poète de cour, qui servit notamment le connétable de France Gaucher de Châtillon (circa 1249-1329), trente-deux petites pièces ou dits composées entre 1319 et 1329. Ce manuscrit de l’Arsenal en contient vingt-sept. Cinq d’entre elles sont uniques au manuscrit : De raison et de mesure, Du fol menestrel, Des trois chanoinesses de Couloigne, Des trois dames de Paris, De faux et faucille.

Exécuté dans l’atelier parisien du libraire Thomas de Maubeuge, copié par le scribe « au long nez » (voir les manuscrits Français 10132 et Français 22548-22550 ; Bruxelles, Bibliothèque royale 9225 et 9229-30), le volume est orné de quarante peintures à encadrement vigneté, dues au Maître de Watriquet, ainsi désigné pour la décoration de ce manuscrit, et au Maître de Fauvel qui illustra les manuscrits Français 183 et Français 761 ayant appartenu à la Librairie du Louvre.

L’ouvrage est l’exemplaire de dédicace à Philippe VI de Valois et à son épouse Jeanne de Bourgogne qui sont représentés sur la scène de présentation du feuillet 1. Au verso du feuillet 25, la rubrique introduisant le Dit du roi est suivie par une peinture de l’auteur agenouillé devant le roi sur un fond fleurdelisé. Le manuscrit fit partie de la Librairie du Louvre entre 1380 et 1411. Sorti des collections royales entre cette date et 1413, il n’est plus cité dans les inventaires postérieurs.

 

 

NAF 24541 : Gautier de Coinci, Miracles de la Vierge

Recueil de poésies mariales, le texte des Miracles de Nostre Dame fut composé par le bénédictin Gautier de Coinci entre 1215 et 1230 : cinquante-huit miracles de la Vierge y sont répartis en deux livres.

Des dix exemplaires présents dans la Librairie du Louvre, deux nous sont parvenus :  le premier est conservé à la Koninklijke Bibliotheek de La Haye (manuscrit 71 A 24), l’autre a été identifié avec ce manuscrit. Exécuté entre 1328 et 1332 pour la reine Jeanne de Bourgogne (1293-1349) représentée en prière sur six feuillets (feuillet 232 verso, 235 verso, 238 verso, 241, 242, 243 verso), ce luxueux manuscrit comporte une peinture pleine page et 78 petites peintures dues à l’enlumineur Jean Pucelle (BnF Latin 10483-10484, Latin 11935 ; New York, Cloister Museum, Acc. 54. 1. 2). 

Sur la partie centrale de la peinture frontispice, la Vierge à l’enfant est assise sur le trône de Salomon, entourée de sept colombes symbolisant les sept dons du Saint Esprit. Confisqué par les Anglais à la bataille de Poitiers, le volume fut racheté par le roi Charles V. Le récolement de la Librairie du Louvre de 1411 indique que, à cette date, il avait été cédé par Charles VI au duc Jean de Berry.

Français 793 : Anséïs de Carthage ; Alexandre de Bernay, Athis et Prophilias 

Ce manuscrit rassemble deux œuvres : Anséïs de Carthage, chanson tardive composée entre 1230 et 1250, appartenant à la Geste de Charlemagne ; le roman d’Alexandre de Bernay, Athis et Prophilias, contant en près de 20 000 octosyllabes l’histoire de deux amis, l’Athénien Athis et le Romain Prophilias. Copié dans le Nord de la France, vers 1280-1300, le volume est orné de quatre initiales historiées à baguettes marginales. L’initiale « S » introduisant la chanson de geste (feuillet 1) représente le couronnement d’Anséïs par Charlemagne, après la reconquête de l’Espagne : en même temps que la couronne d’Espagne et de Cartage (Carthagène), l’empereur lui confie son épée Joyeuse. De même, une initiale historiée « S » orne le premier feuillet du second texte, mettant en scène les deux héros du roman Athis et Prophilias.

Le manuscrit, demeuré dans la Librairie du Louvre jusqu’à sa dispersion, fit vraisemblablement partie des ouvrages envoyés en Angleterre par Jean de Lancastre, duc de Bedford. Il y fut racheté par Louis de Gruuthuse, seigneur de Bruges, dont l’emblème apparaît en transparence sous les armes de Louis XII au verso du feuillet 1. Il fut cédé à la Bibliothèque du roi par Jean de Bruges, fils du seigneur de Gruuthuse.

Français 1589, Girard d’Amiens, Méliacin ou le cheval de fust

De Girart d’Amiens nous sont parvenues trois œuvres : Escanor, roman arthurien composé vers 1280, et deux chansons de geste : Charlemagne et Méliacin (ou le Cheval de fust) qui reprend le mythe du cheval enchanté des Mille et une nuits. Les trois textes étaient présents dans la Librairie du Louvre. Commandité par le futur connétable Gaucher de Châtillon, en même temps que le ms. Français 1633 qui est son jumeau, le ms. Français 1589 aurait été produit en 1285 dans l’atelier du libraire parisien Richart de l’Isle-Adam pour le roi Philippe IV le Bel. La peinture frontispice du feuillet 1, en partie copiée sur celle du manuscrit Français 1633, représente une réunion tenue à l’avènement de Philippe IV le Bel. Sept personnages entourent le jeune roi : Gaucher V de Châtillon, connétable de Champagne, deux rois et quatre reines dont Jeanne Ire de Navarre, épouse de Philippe le Bel et Marie de Brabant, veuve de Philippe III le Hardi. Le manuscrit entra par héritage dans la collection du roi Jean le Bon dont il porte l’ex-libris au feuillet 166, puis dans la Librairie du Louvre. Vendu à Jean de Bedford après la mort de Charles VI, il fut envoyé en Angleterre. Il y fut racheté par Louis de Gruuthuse, seigneur de Bruges, dont l’emblème apparaît en transparence sous les armes de Louis XII au verso du feuillet 1. Il fut cédé à la Bibliothèque du roi par Jean de Bruges, fils du seigneur de Gruuthuse.

 

Français 1421 : Roman des Sept sages de RomeMarques de Rome

Inspirée du Livre de Sindbad, la version en prose française du Roman des Sept Sages intercale, à la façon d’un roman à tiroirs, les histoires contées quotidiennement par sept sages pour éviter la mort du fils de Dioclétien, en butte à la perfidie de la seconde épouse de l’empereur. Le roman fut l’objet à partir de 1260 de continuations en prose dont le ce manuscrit est un exemple, le texte des Sept Sages y étant suivi de la première continuation anonyme, Marques de Rome, aussi désignée sous le titre de Marques le senechal.

L’enluminure du feuillet 1 présente l’empereur confiant aux sept sages l’éducation de son fils âgé de sept ans. Celle au verso du feuillet 25, introduisant le second texte, met en scène l’impératrice menaçant de trancher d’une épée le poing de Marques. La Librairie du Louvre comptait six exemplaires de l’œuvre, avec sans continuations.

Seul ce manuscrit nous est parvenu. Il est répertorié dans les inventaires de la Librairie du Louvre jusqu’en 1424. Vendu à Jean de Bedford, il fut envoyé en Angleterre. Il y fut racheté par Louis de Gruuthuse, seigneur de Bruges, dont l’emblème apparaît en transparence sous les armes de Louis XII au verso du feuillet 1. Il fut cédé à la Bibliothèque du roi par Jean de Bruges, fils du seigneur de Gruuthuse.

Français 810 : Honoré Bovet, Apparicion maistre Jehan de Meun

Satire contre les abus de l’époque composée en 1398 par Honoré Bovet, conseiller de Charles VI, le texte fut dédicacé à Louis d’Orléans, à son épouse Valentine Visconti et à Jean de Montaigu, futur grand-maître de l’Hôtel du roi. Bien que les armoiries représentées dans l’écu du premier feuillet ne soient pas exactement celles des Montaigu, ce manuscrit est considéré comme l’exemplaire qui fut offert à Jean de Montaigu le 1er janvier 1399. Dans un dessin aquarellé, le Maître de Saint-Voult (Vatican, BAV, Pal. Lat. 1988) a représenté l’auteur à genoux remettant son ouvrage à Jean de Montaigu. Dans le champ supérieur a été peint son écu. Dans la partie inférieure du feuillet est inscrite la lettre de dédicace. Après la décapitation de Jean de Montaigu le 17 octobre 1409 sur l’ordre de Jean sans Peur, ses biens furent confisqués et vingt manuscrits furent remis à la Librairie du Louvre. Le manuscrit est mentionné dans les inventaires royaux entre 1411 et 1424. De même que les ouvrages précédents (BnF, Français 761, 793, 1589), il fut acquis par Jean de Bedford après la mort de Charles VI et passa en Angleterre. Il y fut racheté par Louis de Gruuthuse, seigneur de Bruges, dont l’emblème apparaît en transparence sous les armes de Louis XII au verso du premier feuillet. Il fut cédé à la Bibliothèque du roi par Jean de Bruges, fils du seigneur de Gruuthuse.