La persistance de la romanité en Gaule franque

Les diptyques sont des objets commémoratifs typiques de la tradition romaine et byzantine formés de deux surfaces planes rectangulaires en ivoire, en bois ou en métal reliées par des charnières. À l’origine faisant office de tablettes de cire, c’est au Bas-Empire que s’impose la pratique selon laquelle les suprêmes magistrats nouvellement élus les offrent ce type d’artefact à leurs plus fidèles partisans. Les feuillets d'ivoire sculptés dans de l’ivoire représentent le plus souvent le consul. L'iconographie reste variée. Ils sont habituellement distribués au moment de l'entrée en charge du dignitaire. Parfois ils célèbrent un empereur victorieux ou bien un haut fonctionnaire de l’Empire.

Les ateliers de copie des monastères mérovingiens se sont essayés à différentes expériences calligraphiques dont subsistent quelques centaines de manuscrits et fragments en écritures onciales et semi-onciales, de tradition antique, et en écritures cursives. Les plus anciens de ces scriptoria sont situés dans l’aire de plus grande influence romaine, dans le Sud et la vallée du Rhône (Lyon), mais d’autres sont fondés sur tout le territoire de la Gaule : Corbie, Tours, Flavigny, Bourges, Fleury, Saint-Médard de Soissons, chacun élaborant sa propre écriture, comme la minuscule anguleuse et étirée de Luxeuil, l’écriture dite az de Chelles ou la graphie saccadée de Laon.

Parchemin, 123 ff., 280 x 225 mm (Lyon, VIe siècle)

Le Code théodosien est un recueil de décisions impériales organisé en seize livres et promulgué en 438 par Théodose II (401-450) dans les deux parties de l’Empire.

Parchemin, 110 ff., 200 x 135 mm. (Nord de la France, 2e ou 3e quart du IXe siècle).

Ce recueil de codes pénaux et civils comportant de forts emprunts au droit romain et à la tradition germanique est sans doute destiné à aider un officier royal du nord de la France dans l’exercice de ses fonctions. L’écriture est une caroline de petit format parfaitement lisible.

Papyrus, 15 ff. + fragment restitué (14bis). 300 × 280/140 mm, montés sur des ff. de papier brunâtre, 390 × 435 mm. (Région burgonde, 2nd quart-milieu du VIe siècle).

Témoin des homélies et de la correspondance de l’évêque de Vienne saint Avit (v. 450-525), bien que fragmentaire, il est d’une importance fondamentale pour la connaissance que nous avons des écrits de saint Avit.

Parchemin, I + 258 ff., 305 x 205 mm. (Saint-Pierre de Corbie, début du VIIIe siècle).

De consensu evangelistarum est un ouvrage exégétique qui a connu une grande postérité. Saint Augustin, qui fait de la défense de la Bible son cheval de bataille contre les Manichéens, s’efforce d’y résoudre les contradictions inhérentes aux quatre évangiles.

Parchemin, 142 ff., 375 × 310 mm. (bassin méditerranéen, Rome ?, fin du VIe - début du VIIe siècle).

Ce Pentateuque compte parmi les témoignages les plus spectaculaires de l’art pictural qui s’est épanoui dans l’Antiquité tardive. Les spécialistes ne s’accordent pas sur ses origines : traditionnellement, son exécution est située aux alentours de 600, dans un centre du bassin méditerranéen.

Création : IVe quart du VIe siècle

Bague en or massif ; le chaton est un sol d’or franc au nom de Clotaire, de l’atelier monétaire d’Arles ; au droit, effigie du roi et légende CHLOTARIVS REX ; au revers inscription CHLOTARIVS REX, croix, globe, inscription AR (Arles?) ; 3 globules d’or aux attaches de l’anneau.

Parchemin, A-C + 291 ff., 275 x 220 mm. (Italie ou France, 1ère moitié du VIe siècle)

Selon une légende, ce Psautier aurait été rapporté par Childebert Ier d’une expédition en Espagne, avec la croix d’or et la tunique de saint Vincent, et utilisé par l’évêque de Paris saint Germain (496-576). S’il n’est pas exclu que l’arrivée du manuscrit dans l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés soit liée à son fondateur, sa présence est en tout cas attestée dès 1269, date de l’inventaire des reliques dans lequel il est mentionné pour la première fois.

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L’empreinte de la civilisation romaine se maintient bien après la déposition du dernier empereur romain d’Occident Romulus Augustule, en 476. L’envoi des insignes impériaux à Constantinople a peu d'impact en Gaule. Le pouvoir repose déjà dans les mains de généraux barbares qui se présentent tous comme romains. Constantinople est devenue la seule capitale de l’Empire et le principal relais de la tradition gréco-romaine.

Si la date de 476 ne signifie plus une rupture franche, l’Antiquité se transforme au fil des siècles principalement à cause de facteurs endogènes, tel que la christianisation, mais aussi sous l’influence des coutumes proprement germaniques.

Les Francs, en s'appropriant les structures administratives et politiques, s’inscrivent dans la continuité de la Rome impériale.

Pour les historiens de l’art qui analysent les phénomènes d’influences réciproques, il est vain de définir des ruptures. L’examen de l’art en Gaule franque montre que les œuvres antiques ont nourri de nouvelles propositions formelles, entre tradition gréco-romaine et adoption de techniques propres à l’art mérovingien - telle que la sculpture en ivoire.

De nombreux manuscrits, monnaies et objets d’art témoignent de la circulation d’œuvres produites en Italie ou à Constantinople sur le territoire de la Gaule franque.

Le Royaume franc fait l’objet tout au long du VI siècle d’une intense correspondance diplomatique de la part de Constantinople. Justin I, puis Justinien cherchent à persuader les souverains francs de soutenir leur projet de reconquête de l’Italie et de Rénovation de l’Empire.

Le caractère mixte de la société mérovingienne émerge également dans le champ de la loi. Le code théodosien reste la référence pour le droit romain. Au nord de la Loire, la loi des Francs s’impose progressivement comme seule référence.

La chute de Rome n’a pas de profonde conséquence d’un point de vue culturel, malgré la décadence évoquée par certains auteurs, tels que Sidoine Apollinaire ou Grégoire de Tours. Virgile et Cicéron restent enseignés dans les écoles urbaines et constituent toujours à cette époque le socle incontournable de la culture aristocratique. En ce qui concerne la pratique de l’écriture, de nombreux signes manifestent un usage régulier de l’écrit en Gaule mérovingienne.

La cour franque attire ainsi une élite cultivée maîtrisant l’écriture et certains souverains savaient eux-mêmes écrire. C’est le cas de Chilpéric I qui compose sa propre apologie de la foi catholique trinitaire.

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