Accès aux portulans par lieux de production

Retrouvez sur cette page les accès par lieux de production des cartes marines sur parchemin disponibles sur Gallica.

La Méditerranée est la matrice de la cartographie marine européenne. Les ports de Gênes, Palma de Majorque, Venise et Ancône sont les grands centres actifs aux XIVe et XVe siècles. Au XVIe siècle, apparaissent de nouveaux centres – Naples, Messine, Livourne, Marseille, etc. La production est organisée en petits ateliers et marquée par la grande mobilité des cartographes, se déplaçant d’un port à l’autre à la recherche de nouveaux débouchés –tels les Olives originaires de Majorque dont plusieurs branches essaiment en Méditerranée occidentale. Hormis quelques exceptions, les cartes et atlas issus de ces centres se concentrent sur la représentation du bassin méditerranéen et tendent à devenir des objets de luxe caractérisés par la place importante accordée aux éléments décoratifs.

Au début du XVIe siècle, la production d'atlas et de cartes marines quitte le domaine méditerranéen et se développe dans plusieurs pays de la façade atlantique tournés vers la conquête des nouveaux mondes et l’ouverture de nouvelles routes commerciales : le Portugal et  l'Espagne qui se partagent le monde dès 1494 (traité de Tordesillas), la France à partir du règne de François 1er, l'Angleterre et  les Provinces-Unies dans la seconde moitié du XVIe siècle. Les connaissances circulent d’un pays à l’autre malgré les tentatives de contrôle étatique, mais chaque pays développe un style de cartographie qui lui est propre : éclatant d’enluminure et d’or chez les cartographes portugais et normands, rehaussé de vives couleurs chez les Anglais, d’une extrême sobriété chez les Hollandais qui font des cartes un outil de navigation produit en masse.

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Gallica vous propose de découvrir des documents évocateurs des explorations et des voyages au long cours, les portulans. Ces cartes marines enluminées, réalisées sur parchemin, ont été essentielles pour la maîtrise des mers, mais ont également diffusé les représentations des nouveaux territoires découverts par les Européens à partir du XIVe siècle. De ces cartes anciennes, peu ont survécu jusqu’à aujourd’hui: la Bibliothèque nationale de France en possède la plus riche collection du monde, soit plus de 500 documents conservés principalement au département des Cartes et plans, et disponibles sur Gallica.

Les premiers portulans ont été élaborés au XIIIe siècle, et concernent la mer Méditerranée ; parmi eux, le plus ancien serait la Carte pisane, datée de la fin du siècle, et présente dans les collections de la BnF depuis 1840. C’est aussi à cette époque que naissent les conventions cartographiques typiques des portulans : l’accent est mis sur le tracé des côtes, scandé par les ports et les havres dont les toponymes sont disposés à la perpendiculaire du littoral pour une lecture facilitée. Les mers sont sillonnées de lignes géométriques, les « lignes de vents » ou de « rhumbs » indiquant la direction des points cardinaux et permettant aux marins, à l’aide du compas de mer, de s’orienter et de fixer un cap. Ces cartes comprennent également des échelles de distance, mais ne tiennent pas compte de la déformation liée à la projection du globe sur un plan, du moins avant le XVIIe siècle.

La Carte Pisane, 1300

Dès le XIVe siècle, des éléments graphiques nouveaux apparaissent: les toponymes s’accompagnent de vignettes urbaines, des éléments de reliefs surgissent. Peu à peu, toute une iconographie enluminée vient agrémenter les cartes, pour illustrer les territoires décrits: peuples, habitats, faune et flore, etc. Ce vocabulaire graphique est au départ très euro-centré: les villes asiatiques ou africaines sont représentées de la même manière que celles d’Europe, sans souci de la réalité. Un mode de représentation du monde à travers le regard européen s’élabore, que l’on retrouvera dans les arts décoratifs tout au long de l’Ancien régime: peuples nus ou couverts de parures bariolées, cannibales ou « bons sauvages », flore luxuriante, animaux exotiques et monstres marins…

Avec l’essor des explorations ibériques, puis des autres puissances maritimes européennes (France, Pays-Bas, Angleterre), une nouvelle vision du globe émerge et une nouvelle géopolitique se met en place, qui atteste des rêves hégémoniques européens, mais aussi des âpres rivalités entre pays d’Europe. Malgré le progrès des connaissances, des hypothèses géographiques héritées de l’Antiquité subsistent. Ainsi, certaines cartes décrivent un vaste continent austral, qui aurait dû, selon Ptolémée, faire pendant aux terres de l’hémisphère nord. Les cartographes du XVIIe siècle continuent d’évoquer cette terre, qui prend peu à peu les contours que nous lui connaissons actuellement, sous la forme de l’Australie (les côtes de l’île ne seront entièrement reconnues qu’en 1766 par James Cook).

Faites pour la navigation, ces cartes sont pourtant élaborées à terre, dans des villes comme Majorque, Gênes, Lisbonne, Séville, Dieppe, Marseille, Amsterdam, Londres… Les navigateurs n’emportaient à bord des navires que des versions de facture assez sobres, dont peu d’exemples ont été conservés ; les plus belles réalisations parvenues jusqu’à nous étaient souvent destinées aux souverains et mécènes. Charles V a ainsi pu recevoir vers 1375 l’Atlas catalan, superbe représentation du monde alors connu en Europe. C’est l’œuvre d’un cartographe majorquin Abraham Cresques, qui s’est inspiré principalement du récit de Marco Polo pour la partie orientale du monde. La Cosmographie universelle, achevée par le pilote havrais Guillaume Le Testu en 1556, a quant à elle été dédiée à l’amiral de Coligny.

Aux XVe et XVIe siècles, la production de portulans reflète l’expansion et la rivalité de l’Espagne et du Portugal le long des côtes de l’Afrique puis de l’Amérique. En France, entre 1530 et 1650, une école hydrographique éclot en Normandie, province alors dynamique sur les mers. Réalisés dans un esprit pratique, par des hydrographes souvent navigateurs eux-mêmes et très au courant des progrès de la cartographie (Pierre Descelliers, Jean Roze, Guillaume Le Vasseur…), ces portulans normands ont aidé à vulgariser les avancées de la science nautique moderne.

Le triomphe de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (V.O.C.) au XVIIe siècle s’exprime aussi dans sa production cartographique. Pendant toute son existence, de 1602 à 1799, elle eut son propre service cartographique et hydrographique, travaillant depuis Amsterdam et Batavia (aujourd’hui Djakarta), et fut dirigée notamment par plusieurs membres de la célèbre famille des Blaeu. Les cartes sur vélin de la Compagnie, couvrant le monde entier, peuvent être considérées comme les derniers portulans. Moins décorées, les cartes de la V.O.C sont conçues quasi-exclusivement pour la navigation, sont actualisées d’après les informations des marins et obéissent à des normes communes rigoureuses. Plusieurs dizaines de milliers de cartes furent alors réalisées, dont seules quelques centaines ont survécu.

Depuis 2010, un programme national de recherche et de numérisation concertée a pour but de localiser, identifier, signaler et numériser les portulans conservés dans les institutions culturelles françaises. Dans ce cadre, la BnF propose de numériser les cartes des établissements partenaires et/ou d’y donner accès sur un portail commun, Gallica.

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