Librairie de Charles V : miroirs des princes et traités politiques

Français 1728 : Guillaume Peyraut, De eruditione principum, traduction française

Le manuscrit rassemble quatre œuvres : la traduction française anonyme du De eruditione principum composé par le dominicain Guillaume Peyraut, Le jeu des échecs moralisé de Jacques de Cessoles, aussi traduit en français par Jean de Vignay, l’adaptation anonyme française du De consolatione Philosophiae de Boèce et le Dit des douze mois figurez, divisant la vie humaine en douze phases comparées aux mois de l’année. D’exécution luxueuse, le manuscrit a été copié par Henri de Trevou, copiste attitré du roi, et décoré par les enlumineurs proches de la cour, notamment le Maître du Couronnement de Charles VI (Besançon, BM, ms. 434 ; Paris, BnF, ms. Français 2813) et le Maître du Policratique (voir ci-dessous). La peinture de la page frontispice divisée en quatre tableaux polylobés met en scène le roi Charles V et la reine Jeanne de Bourbon. Le volume est cité dans les seuls inventaires dressés en 1380 de la Librairie du Louvre. Prêté au duc d’Anjou, il n’est plus mentionné dans les inventaires postérieurs.

Français 938 : Frère Laurent, Somme le Roi

Rédigé par le dominicain Frère Laurent en 1279 à la demande du roi Philippe III le Hardi dont il fut le confesseur, la Somme le Roi ou Livre des vices et des vertus demeura pendant tout le Moyen Âge le livre de référence des laïcs épris de perfection. On compte aujourd’hui quelque quatre-vingt-dix témoins du texte. L’ouvrage est composé de deux traités du Miroir du monde anonyme (Éloge de la vertu, Sept péchés capitaux), auxquels l’auteur a ajouté les Commandements de Dieu et les Articles de la Foi, bases de l’enseignement chrétien. Sur les dix exemplaires du texte présents répertoriés dans la Librairie du Louvre, deux sont conservés à la Bibliothèque Mazarine (ms. 870) et à la BnF (ce manuscrit Français 938). Exécuté dans l’est de la France en 1294, le manuscrit Français 938 est le seul exemplaire du XIIIe siècle qui a conservé ses quinze peintures pleine page, peintes sur des feuillets de parchemin plus épais, non intégrés aux cahiers et dont le dos est resté vierge. La peinture du verso du feuillet 8 représente la bête de l’Apocalypse, dont les sept têtes symbolisent les sept péchés capitaux et les bois les branches de l’arbre du mal ; à ses pieds gît le saint qu’elle a combattu, comme le mentionne Frère Laurent dans sa description de la bête aux f. 9v-10. Le manuscrit est cité dans les inventaires de la Librairie du Louvre entre 1380 et 1424. On perdit sa trace après la dispersion de la collection royale, avant de le retrouver sous le règne de Louis XII dans la Librairie royale de Blois, comme l’indique une mention inscrite au feuillet 2.

Français 1950 : Liber de informatione principum, traduction française

Le manuscrit est l’exemplaire de dédicace au roi Charles V par le carme Jean Golein de la traduction en français du Liber de informatione principum (2e version), miroir des princes composé entre 1297 et 1305 par un dominicain à l’intention de Louis X le Hutin, fils du roi Philippe IV le Bel. Le traducteur est représenté agenouillé sur la peinture de la page frontispice, remettant son livre au roi. Dans la bordure inférieure, les armes royales sont supportées par deux anges. De même qu’un autre miroir des princes de la Librairie du Louvre (Français 1728), le volume prêté au duc Louis d’Anjou n’est cité que dans les inventaires de 1380.

Français 24287 : Jean de Salisbury, Policratique, traduction française 

À la fois ouvrage de philosophie morale et miroir des princes, le Policratus fut composé en 1156 par Jean de Salisbury pour Thomas Beckett, chancelier du roi Henri II Plantagenêt. À la demande du roi Charles V, Denis Foulechat en entreprit la traduction, achevée en 1372. Le manuscrit est l’exemplaire de dédicace : au deuxième feuillet l’artiste, désigné sous le nom de Maître du Policratique d’après son illustration du manuscrit, a représenté le roi dans sa librairie : assis devant une roue à livres, il pointe son doigt sur le verset de l’Ecclésiastique XIV, 20 (« Beatus vir qui in sapientia morabitur et in justitia meditabitur » : « Heureux l'homme qui demeure dans la sagesse et qui médite dans la justice. »), symbole d’un gouvernement éclairé. De même que les exemplaires précédents (Français 1728 et Français 1950), l’ouvrage fut emprunté par Louis d’Anjou et sortit de la Librairie en octobre 1380.