Les techniques d’illustration du livre imprimé

Les premières gravures européennes sont le produit d’un travail du bois parent de celui des sculpteurs. La gravure sur bois est le résultat d’un procédé de taille d’épargne, qui consiste à "épargner" les seules parties destinées à être encrées et imprimées, en faisant saillir le tracé du dessin, en relief. Ce procédé, rapide et peu coûteux, fut mis en œuvre au Moyen Âge pour décorer des textiles rapidement et à faible coût, ou encore fabriquer des cartes à jouer.

La technique de la gravure sur métal en relief est apparentée à l’artisanat de l’orfèvrerie. Son principe est le même que celui de la gravure sur bois : le dessin à imprimer est dégagé en relief par le graveur, qui travaille ici une plaque de métal plutôt que de bois.

Le premier ouvrage illustré par ce moyen est un livret de dévotion conservé à la Bibliothèque de l'État de Bavière, à Munich, connu sous le nom de "Passion Stöger". Il remonte au début des années 1460 et est peut-être antérieur aux premiers livres illustrés de gravures sur bois. La technique de la gravure sur métal en relief n'a toutefois connu qu'asez peu d'emplois dans le livre imprimé, hormis pour les livres d'Heures. L'importante demande de ces ouvrages de piété à l'usage des laïcs obligeait à une production abondante, appelant à préférer la gravure sur métal à la gravure sur bois, en raison de sa meilleure résistance à l'usure sous la presse.

La gravure en creux consiste à inciser une plaque métallique, en cuivre au XVe siècle : tel est le principe de la taille-douce. L'impression exige d'exercer sur la feuille de papier une forte pression, afin qu'elle vienne chercher l'encre déposée dans les sillons de la plaque de cuivre. Cette opération requiert une presse spécifique, dite presse à taille-douce. En conséquence, l'illustration gravée en taille-douce ne peut être imprimée en même temps que le texte ; il faut passer la feuille à imprimer sous deux presses différentes, au prix d'un délicat travail de repérage et de calage, pour que texte et illustration ne se chevauchent pas. La difficulté de ce calage explique que dans plusieurs cas, on ait renoncé à imprimer directement les figures sur la feuille portant le texte, et préféré imprimer les figures à part, pour les coller ensuite les emplacements qu'on leur avait réservés.

L'invention de l'imprimerie est loin d'avoir fait disparaître du livre les interventions manuscrites : tracé des lettrines, titres courants, marques de segmentation du texte consistant en pieds de mouche à l'encre rouge, sont réalisés le plus souvent à la main. Ces finitions constituent le travail ordinaire de "rubrication".

Le travail d'enluminure est en revanche réservé à des exemplaires de luxe. Il comprend la peinture des lettrines, des marges et de miniatures. Suivant les cas, le travail du peintre consiste à rehausser des gravures sur bois, à les recouvrir ou à créer de toutes pièces un décor sur un espace resté vierge de tout encrage.

>

Si les grandes écoles de gravure de l’Europe du Nord se développent en même temps que l’imprimerie à caractères mobiles, les techniques d’impression d’images préexistent à l’invention de la typographie. Les plus anciennes gravures européennes remontent en effet à la fin du XIVe siècle, et furent sans doute un peu moins rares que ne le laisse pressentir leur faible taux de conservation. Il s’agit le plus souvent d'images pieuses, parfois préservées pour avoir été retrouvées collées dans des coffrets ou dans des manuscrits.

Ainsi l'illustration de livres au moyen d'images imprimées précède-t-elle l'apparition de livres imprimés illustrés. Les premiers témoins de l'illustration du livre imprimé ne sont postérieurs que de quelques années à l'invention de Gutenberg. Au tout début des années 1460 apparaissent en Allemagne du Nord, en Bavière et Franconie, les premiers livres où l'illustration gravée est directement imprimée sur la feuille qui porte la composition typographique du texte. La technique employée fut d'abord celle de la taille d'épargne, sur bois et sur métal. C'est celle qui est restée majoritairement en usage dans le livre imprimé jusqu'à la fin du XVe siècle. Mais à partir de la fin des années 1470 sont également apparus des essais d'illustration au moyen de gravures en taille-douce. 

Par ailleurs, le développement de techniques d’illustration mécaniques n’a pas empêché certains imprimeurs, certains libraires ni certains possesseurs de faire enluminer des éditions imprimées, dans une grande fidélité à l’esthétique du manuscrit de luxe.