Ouvrages de dévotion

Au XVe siècle, la xylographie a servi à produire des livrets religieux très illustrés, où l’image sert de support à l’appréhension des textes bibliques (Bibles des pauvres, Arts de mémoire) comme à l’appropriation des pratiques qui mènent à une bonne mort (Arts de mourir).

La Bible des pauvres est une bible simplifiée car elle ne contient que certains faits majeurs de l’ancien et du nouveau testament. L’ancien testament est la première partie de la bible chrétienne. Il rassemble des textes religieux hébraïques qui relatent des événements antérieurs à Jésus, tels que la création du monde (genèse) ou la vie des premiers prophètes (tels Abraham ou Moïse). Il contient plusieurs prophéties annonçant l’arrivée d’un messie rédempteur, c’est-à-dire d’un être venu pour sauver l’humanité. Le nouveau testament, seconde partie de la bible, relate uniquement la vie de Jésus Christ.

Au Moyen Âge, la mort est une pensée omniprésente dans une Europe frappée par plusieurs guerres successives et des épidémies dévastatrices. Pour pallier l’angoisse que génère l’idée de la mort, plusieurs genres littéraires et artistiques émergent, tels les danses macabres, les « vanités » et les Ars moriendi, traduits par « art de bien mourir ». Conçus sous forme de traités didactiques, comprenant des gravures et du texte en latin ou en langue vernaculaire (français, allemand, italien etc.), les Ars moriendi ont vocation à instruire et guider le mourant vers une bonne mort.

Les arts de mémoire sont des guides mnémotechniques ayant pour but de faciliter la mémorisation des quatre évangiles canoniques du nouveau testament. Les évangiles sont des textes de la bible où ont été consignés la vie et l’enseignement de Jésus. L’Église chrétienne reconnaît quatre évangiles comme canoniques, il s’agit des évangiles dits selon Matthieu, Marc, Luc et Jean, apôtres de Jésus. Les autres évangiles, compilés plus tardivement, sont dits apocryphes. Pour appréhender le contenu des arts de mémoire, les lecteurs devaient impérativement disposer d’une bonne connaissance de la bible.

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Au XIIIe siècle, le monde des lettrés, jusqu’alors très fermé et étroitement apparenté au monde des couvents, s’ouvre à l’aristocratie et à la bourgeoisie. L’émergence de ce nouveau public augmente la charge de travail des ateliers monastiques, responsables de la copie de textes. Pour répondre à une demande toujours croissante de textes fiables et de plus en plus diversifiés (bibles universitaires, traités juridiques et théologiques, manuels de pastorale, romans de chevalerie), des ateliers de copistes civils voient le jour. Mais cette solution s’avère insuffisante et d’autres moyens de reproduction d’un texte à l’identique sont recherchés.

Plusieurs tentatives ont lieu jusqu’à l’invention décisive de l’imprimerie par Johannes Gutenberg à Mayence. La gravure sur bois (xylographie), déjà utilisée pour multiplier les images pieuses, est l’une de ces tentatives et a donné lieu aux livrets xylographiques, imprimés pour la plupart entre 1440 et 1530. Leur procédé de fabrication consiste à tailler des blocs de bois, de manière à y faire apparaître un dessin en relief, accompagné de quelques mots ou de quelques lignes de texte également gravés. Ce bloc gravé était ensuite encré puis on y appliquait une feuille de papier que l’on pressait au verso avec une balle de crin (le frotton). La marque profonde laissée sur le papier par l’empreinte de la gravure explique que ces livrets soit imprimés sur une seule face. Cette technique issue de l’impression sur les étoffes ne nécessitait pas d’investissement matériel important et pouvait s’exercer de façon artisanale et itinérante, de ville en ville.

Mais la xylographie était impropre à la multiplication de textes de quelque longueur : à part dans quelques essais (grammaire élémentaire de Donat), la priorité demeure à l’image. Les livrets xylographiques sont donc pour la plupart des séries d’images munies d’inscriptions ou de légendes à caractère religieux ou parfois profane (l'Apocalypse, l'Antéchrist, Art de mourir, Bible des pauvres, grammaire de Donat, calendriers, danse macabre, almanachs). Il existe également une variante qui consiste en l’association de bois gravés accompagnés de la copie manuscrite des quelques lignes de texte : on parle alors de chiro-xylographie. Aucun de ces opuscules, tous aujourd’hui rarissimes, n’est jamais daté ni localisé. Les Xylographica commencèrent à être farouchement collectionnés par de riches amateurs de curiosités ou des érudits friands des circonstances qui entourèrent l’apparition de l’imprimerie en Europe occidentale précisément lorsqu’ils avaient presque tous disparus, au XVIIIe siècle.