Jean de La Fontaine (1621-1695)

Plongez dans les classiques de la littérature pour la jeunesse et redécouvrez les œuvres de Jean de La Fontaine.

La première édition des Fables choisies paraît en 1668, elle est dédiée au Dauphin âgé de sept ans. Chaque fable est illustrée par une vignette en taille-douce gravée par François Chauveau, graveur officiel du roi Louis XIV. Les Fables connaissent plusieurs rééditions et contrefaçons, preuve de leur succès immédiat. Cinq ans après leur première parution, dans le Malade imaginaire, Molière fait réciter Le corbeau et le renard à la petite Louison : le texte est donc déjà un classique de la récitation enfantine et de la distraction de salon. L’édition augmentée paraît en 1694, dédiée au jeune duc de Bourgogne, le petit-fils du roi, à qui le poète rappelle ses intentions : « les animaux sont les précepteurs des hommes dans mon ouvrage ».

Jean-Ignace-Isidore Gérard, dit Grandville, se fait connaître par des caricatures dans lesquelles il déguise des animaux en hommes pour mieux ridiculiser les travers de ces derniers. Après le rétablissement de la censure, il abandonne le dessin de presse satirique pour l’illustration d’œuvres littéraires. Des éditeurs lui proposent d’illustrer les Fables : « Ce projet m’épouvanta…[…] accoler des dessins à l’œuvre admirable poétique du si grand et si fin fablier […]. Je ne sais quel diable d’amour propre me poussant… j’acceptai ».

Quand paraissent les Fables de La Fontaine avec les dessins de Gustave Doré, l’artiste jouit déjà d’une immense notoriété, et déploie avec un grand succès son talent dans les journaux et les livres illustrés inspirés des plus grandes œuvres de la littérature universelle. Gustave Doré propose une vision sombre et assez pessimiste des fables, très souvent dramatique ou d’un fantastique assez effrayant. Les contre-plongées, les cadrages étranges, les grossissements des détails emprisonnent le regard et l’esprit du lecteur dans ces images obsédantes.

Tout au long du XIXe siècle, les éditeurs pour la jeunesse ne cessent de réinventer les fables. Ainsi, l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, figure majeure du siècle, propose Vingt fables illustrées par Eugène Lambert dans sa collection destinée aux jeunes enfants intitulée « La Bibliothèque de Mademoiselle Lili et de son cousin Lucien ».

L’artiste Louis-Maurice Boutet de Monvel renouvelle à sa façon l’album en repensant l’art de la mise en page. Son dessin linéaire, simplifié, sans indice de relief et de perspective, colorié en aplats de couleurs douces, inspiré des estampes japonaises et des albums anglo-saxons, est au service de la clarté et de la lisibilité de l’image, et de la vision d’un univers enfantin idéalisé. Pour les Fables, il construit des illustrations comme des bandes dessinées avant la lettre, en une succession de séquences bien centrées autour des personnages.

Une édition des Fables est publiée à Tokyo en 1894 par un éditeur innovant, Hasegawa Takejirô, qui destine ses productions à la clientèle étrangère. C’est l’époque où les voyageurs, les amateurs occidentaux se passionnent pour le Japon et sa civilisation. Imprimés sur papier crépon, ces deux volumes rassemblent les illustrations de 28 fables, réalisées par des artistes japonais contemporains : la transposition de ces textes bien connus du public français dans les paysages japonais transmet leur portée universelle, tout en jouant sur le charme pittoresque des motifs japonisants. L’animal est à l’honneur dans cette édition, qui puise à toute une tradition picturale très riche au Japon.

Auguste Vimar, peintre et sculpteur d’animaux, auteur-illustrateur de livres pour la jeunesse, illustre ses Fables au trait et au lavis. Son interprétation est de facture classique, mais il sait donner à ses animaux des attitudes et des expressions très drôles, qui correspondent admirablement à l’humour des descriptions et des dialogues des fables.

Le maître incontesté en matière de drôlerie animale est le père de la Vache qui rit, Benjamin Rabier. Surnommé « l’homme qui fait rire les animaux », cet artiste prolifique s’est illustré dans la littérature pour la jeunesse avec de nombreux personnages d’animaux, comme Gédéon. Pour les Fables, il organise chaque page en une série de saynètes tournant autour du texte, et déploie sa fantaisie dans un épais volume mis en vente pour les étrennes de 1906.

Henri Avelot est un peintre, illustrateur et caricaturiste dont les dessins ont été publiés dans plusieurs revues, dont La Semaine de Suzette. Sur le modèle de la Cendrillon d’Arthur Rackham, il utilise ici le procédé des silhouettes en ombres chinoises, parvenant à traduire l’esprit de la fable avec une grande économie de moyens.

Dans les éditions adressées spécifiquement à la jeunesse, et notamment dans l'imagerie populaire, il arrive fréquemment que les animaux des fables soient habillés, sans doute pour rendre leur morale plus facilement compréhensible. Voici quelques-uns de ces animaux anthropomorphisés : La cigale et la fourmi (1865), Le lièvre et la tortue ou Le loup et le chien (1875). Il arrive également que les animaux soient représentés en humains, comme dans ce Loup et l’agneau (1895). Les fables sont si populaires qu’elles fournissent également des motifs pour la publicité, par exemple pour ce Chocolat des gourmets.

La fable – ou apologue -  est un récit assez bref avec des personnages variés (animaux, hommes ou dieux), qui diffère du conte par la présence d’une moralité. Dans la série célébrant les 350 ans de la publication des Fables de La Fontaine, Gallica est revenu sur leurs sources antiques et orientales. La longue traditon de la fable est celle d'une réécriture incessante des fables précédentes. Voici des fables dont se sont saisis quelques grands illustrateurs : Les Fables d'Esope illustrées par Arthur Rackham (1913), Les Fables de Florian illustrées par Benjamin Rabier (1936) ou André Hellé (1948).

>

Jean de La Fontaine achète une charge de maître des eaux et forêts en 1652, mais se consacre davantage à ses réseaux et ambitions littéraires à Paris, où il publie de la poésie et des contes galants. Il figure parmi les protégés de Fouquet ce qui lui vaudra, après la chute de celui-ci en 1661, la méfiance de Louis XIV qui le tient à l’écart des gratifications. En 1668 paraissent des Fables choisies illustrées par François Chauveau, elles connaissent plusieurs éditions augmentées de nouvelles fables jusqu’en 1694, formant un ensemble de douze livres. Jean de La Fontaine puise dans un répertoire antique et oriental de fables animalières, notamment celles d’Esope, qui servaient couramment de support aux exercices scolaires. Il y ajoute son regard critique porté sur la société et la cour. Les Fables s’adressent aussi bien à un public lettré qu’aux enfants et ont inspiré de nombreux illustrateurs. Les éditions enfantines et scolaires se limitent à un choix de fables qui constituent peu à peu un corpus restreint, marquant les mémoires enfantines. Il s’agit d’une chance que n’ont connue aucun des écrivains du Grand Siècle : La Fontaine reste un poète extrêmement vivant.

Pour aller plus loin :

Lesage, Claire, article « Jean de La Fontaine ». Dans Isabelle Nières-Chevrel, Jean Perrot (dir.), Dictionnaire du livre de jeunesse : la littérature d'enfance et de jeunesse en France. Paris : Éd. du Cercle de la librairie, 2013.

Jean de La Fontaine : exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, 4 octobre 1995-15 janvier 1996 / sous la dir. de Claire Lesage. Paris : Bibliothèque nationale de France : Seuil, 1995.