Histoires tragiques

Lorsqu’en 1614, les Histoires tragiques de François de Rosset (1571-1630?) sont publiées, ce genre littéraire avait perdu l’engouement du public. Entre les années 1560 et 1580, il avait pourtant connu un vif succès, grâce à Pierre Boaistuau (1517?-1566) et à François de Belleforest (1530-1583). En 1559, Boaistuau avait adapté les nouvelles italiennes de Matteo Bandelo (1484?-1561). Ses Histoires tragiques reposaient sur des ressorts dramatiques similaires à ceux des canards : crimes, catastrophes, peur et rédemption. Gloire était rendue à Dieu, et la morale chrétienne servait de fil conducteur. Entre 1565 et 1582, François de Belleforest, succédant à Boaistuau dans ce projet éditorial, avait publié sept tomes d’histoires dont l’horreur divertissait autant qu’elle instruisait.

L’originalité de François de Rosset vient de ce qu’il s’est inspiré directement des canards, dont la production allait croissante à son époque. Il a ancré ses histoires dans un environnement familier, contemporain et français, sans le truchement d’une œuvre étrangère. En outre, il s’est démarqué de la littérature sentimentale alors en vogue, par la brièveté, la concentration et la violence de ses récits, par le goût du sensationnel et leur dimension insolite. Des faits divers aux nouvelles, la vérité est un élément de décoration ; elle compte moins que les effets dramatiques et les valeurs morales : « Car il faut avoüer que les accidens Tragiques & lamentables font d’excellentes leçons à l’instruction de la vie », comme le confie l’auteur dans un avis au lecteur. Les Histoires tragiques sont des histoires de canards améliorées grâce aux procédés romanesques de l’époque. Preuves du succès qu’elles ont rencontré, trente-cinq éditions paraîtront jusqu’à la fin du siècle.

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Les canards ont alimenté le genre littéraire des Histoires tragiques, en vogue au début du XVIIe siècle. À la fin des guerres de religions, dans un contexte intellectuel et moral propice, l’activité littéraire, tout en distrayant, avait aussi une fonction pédagogique. L’imagination influençait la réalité, apportant aux faits tenus pour vrais une intensité dramatique. Des informations étaient exagérées, parfois inventées, les sentiments exaltés, afin de servir l’intention morale de l’auteur.