Diableries

Qui a peur des fantômes, du diable et des sorcières ? Une sélection de canards bien sûr « très véritables » des 16e et 17e siècles.

Le diable n’est jamais tout à fait absent des canards qui ne lui sont pas explicitement dédiés. Il peut avoir provoqué la naissance d’un monstre, conduit à l’hérésie ou poussé à l’adultère. Diable, démon, esprit malin, au singulier ou au pluriel, les canards ne distinguent pas entre ces trois termes dont l’époque se sert le plus couramment.

La période de floraison des canards correspond à celle de la multiplication des procès pour sorcellerie en Europe et à la publication des grands traités de démonologie de Jean Bodin, de Pierre de L’Ancre ou encore de Pierre Le Loyer. Nécromants, occultistes et magiciens n’étaient pourtant souvent que des charlatans doublés d’escrocs profitant de la crédulité de leurs victimes.

Le fantôme est souvent un messager de l’au-delà. Celui ou celle à qui il apparaît se retrouve ainsi chargé d’une mission dont l’accomplissement apportera l’apaisement et la disparition immédiate de cet esprit surnaturel. L’évocation des fantômes du château de Bicêtre se situe dans un registre plus narratif.

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La crainte du diable, liée à la damnation éternelle, remplit les canards par le biais de clichés, hérités du Moyen Âge, et assumés. Un bruit fracassant marque souvent son entrée en scène, et une odeur infecte – odeurs de souffre ou de charogne – l’accompagne. Les démons rusent, trompent, séduisent, usant d’artifices pour corrompre les hommes, les perdre à eux-mêmes, calomnier ou encore provoquer la discorde. Les canards renforcent la méfiance séculaire à l’égard de ces entités incarnant les vices : l’orgueil, le goût du luxe, la luxure, la convoitise, etc. Leurs noms sont légions (Satan, Belzébuth, Baal, Magot…), et les orthographes variées (Sathan, Belzebuc, Boël…). « Car très bien nous enseigne sainct Pierre, que nous soyons sobres & vigilans contre notre adversaire le diable, qui cherche ceux et celles qu’il pourra devorer », rappelle aux lecteurs Le Discours effroyable d'une fille enlevée, violée et tenue plus de trois ans par un ours dans sa caverne, publié en 1605.
Autre lieu commun, le diable est présenté comme étant l’ennemi de Dieu celui de l’homme. Toutefois, les relations entre hommes et démons se font fréquemment sans détour divin, à une époque où le protestantisme rompt avec l’intermédiation du clergé, et s’ancrent dans des scènes du quotidien. Ainsi, le diable s’humanise ; il est un « grand homme habillé de noir » ou s’annonce sous les traits d’une personne familière mais décédée, ainsi que l’illustre cette Histoire prodigieuse d'un gentilhomme auquel le Diable s'est apparu et avec lequel il a conversé sous le corps d'une femme morte advenue à Paris le 1er janvier 1613. Gentilhomme ou gueux, il perd ses cornes, ses griffes pour mieux se dissimuler parmi les hommes et développer la complicité de sorciers. D’autres fois, il prend la forme d’animaux sauvages ou domestiques (ours, cochon, bouc, chien, etc.).
Les canards font du diable l’adversaire terrifiant de Dieu, voire le corollaire de la vengeance divine. Il est parfois tourné en dérision, on se moque, il prête à rire – un rire burlesque ou bien cynique. Dans tous les cas, il est le contre-modèle, les canardiers invitant les lecteurs à s’en détourner afin de mener une vie vertueuse. Citons ainsi le Discours admirable d'un magicien de la ville de Moulins qui avait un démon dans une fiole, condamné d'être brûlé tout vif par arrêt de la cour de Parlement incitant à adorer "Dieu qui donne le Ciel pour un verre d'eau froide, et une eternité de contentements pour recompense d'une oeuvre de charité qu'on aura fait seulement en son nom. Et renier le Diable, qui se sert des hommes comme des chevaux de bagage, & apres les avoir fait tuer d'ahan en ce monde, n'a rien pour les faire rafraichir en l'autre qu'un estang de feu & de souffre qui n'estaindra jamais".