Ecrivain critique d'art - Jean Lorrain

Ne serait-il pas le plus méconnu des grands écrivains et critiques d'art ? Ses écrits journalistiques prolifiques en tant que chroniqueur et sa verve mordante, souvent féroce, offre pourtant une lecture savoureuse de l'actualité littéraire, artistique et mondaine de la fin du 19e siècle.

Contrairement à beaucoup de ses contemporains, à commencer par Joris-Karl Huysmans, Jean Lorrain n'a publié aucun ouvrage entièrement dédié à la critique d'art, que ce soit une monographie sur un artiste ou un essai théorique. C'est dans la presse exclusivement - plus précisément dans l'hebdomadaire Le Courrier français et les trois quotidiens que sont l'Evénement, L'Echo de Paris et Le Journal (où il prend le pseudonyme de Raitif de la Bretonne) - que nous trouvons sa production d'écrits en la matière. Il y est question de comptes rendus de vernissages et de visites de galerie d'art.

La critique d'art de Jean Lorrain reste profondément associée au nom de Gustave Moreau, peintre qu'il admirait, avec qui il entretint une correspondance et qu'il présenta à Huysmans. Il était également admirateur du peintre Antonio de La Gandara, du caricaturiste et satiriste Adophe Willette et du dessinateur Sem - il sera le premier à le découvrir. Son goût pour la mythologie et les thèmes littéraires représentés en peinture le portèrent également à explorer l'oeuvre du peintre britannique Edward Burne-Jones. Jean Lorrain rejoignit Huysmans dans sa prédileciton marquée pour les arts décoratifs et l'éclectisme en matière de décoration intérieure ; il appréciait en effet le céramiste Edmond Lachenal et " le maître-joaillier de Mme Sarah Bernhardt ", René Lalique.

Certains des poèmes de Jean Lorrain témoignent de manière directe d'une inspiration picturale : dans son dernier recueil de poésie L'Ombre ardente, pensons à "Récurrence" (inspiré d'un portrait de Vinci), "Devant un cranach", "Devant un Franz Hals", "Devant un Jacquemin", "Sur un portrait - D'après la Primavera de Sandro Botticelli" et "Aveu".

Plusieurs poèmes sont en outre dédiés à Gustave Moreau, "Hercule au lac Stymphale" et "Hercule et l'Hydre", poèmes publiés également dans le Mercure de France en juin 1897. "Madrépores, Sapho Morte, Galatée, Les Sirènes" sont également composés "d'après trois Gustave Moreau". L'épilogue du Sang des Dieux est dédié au peintre, dont la toile Orphée est d'ailleurs reprise en frontispice.

Dans son roman Monsieur de Phocas, Jean Lorrain évoque les peintres Jan Toorop et Fernand Khnopff.