Le voyage au Brésil

En 1558, le moine cordelier André Thevet, embarqué avec l’Amiral de Villegagnon, publie un texte qui connaît d’emblée un succès retentissant : les Singularités de la France antarctique, où il consigne ses observations et de nombreux témoignages.

En donnant à sa réécriture de 1575 un ton plus polémique à l’encontre des protestants, il suscite la réponse du calviniste Jean de Léry, débarqué en 1557 dans la baie de Guanabara.

Publiée en 1578 et suivie de six rééditions du vivant de l’auteur, L’Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil se révèle beaucoup plus rigoureuse et ouverte à l’étude des tribus indiennes. Dans Tristes Tropiques, Lévi-Strauss, qui arrive à Rio muni de ce « bréviaire », salue la précision et la fraîcheur de ce « chef-d'œuvre de la littérature ethnographique ».

La catégorie « voyageurs » se réfère en général aux étrangers qui ont visité le Brésil et laissé quelque compte-rendu écrit ou iconographique sur la nature ou les coutumes du pays. Parmi ceux-ci : des religieux, des militaires, des commerçants, des immigrants, des naturalistes, des artistes, des diplomates ou simplement des curieux et des aventureux.

La popularité des relations de voyages et récits de naturalistes profite de l’ouverture du Brésil aux étrangers, à partir de 1808, tout en permettant une plus large circulation des savoirs scientifiques.

Au XIXe siècle, parmi les principaux Français qui visitèrent le Brésil et en laissèrent quelque description figurent Ferdinand Denis, Auguste de Saint-Hilaire, Hercule Florence, Alfred Martinet, Francis de Castelnau, Alcide d’Orbigny, Dumont d’Urville, Freycinet, le comte de Suzannet, Emile Adet et le comte de Gobineau.

Les femmes ont toujours voyagé mais leur présence à l’étranger, leurs activités partagées entre sphère publique et privée et, surtout, leurs écrits sont restés longtemps dans l’ombre. Leurs témoignages se nichent dans la correspondance privée, les lettres, carnets et journaux intimes. Dans le registre fictionnel, la thématique exotique est abordée dans les romans d’aventure grand public ou à vocation pédagogique (Julie Delafaye-Bréhier), ou dans les récits dépeignant les vicissitudes de l’émigration.

Le XIXe siècle se présente comme le siècle de l’aventure et du voyage féminin, dont le caractère excentrique est volontiers souligné. Car les voyageuses ne sont pas seulement des accompagnatrices, occupant une place secondaire (Rose de Freycinet, la baronne de Langsdorff), ou des épouses escortant leurs savants de maris (Madame Agassiz). L’attrait de l’aventure et le talent pour la raconter font parfois bon ménage avec le goût pour l’érudition (Ida Pfeiffer, Adèle Toussaint). Le désir de découvrir d’autres modes de vie dans les colonies du nouveau monde est aussi un puissant vecteur de motivation (Louise Bachelet) et un certain nombre de récits évoquent la nécessité de gagner sa vie (Marie-Joséphine Durocher, Sarah Bernhard).

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À la suite des voyages d’exploration entrepris du XVIe au XVIIIe siècle, qui ont bouleversé la connaissance du monde, et grâce aux récits des premiers voyageurs, la terre des Tupinambá et du « pau brasil » a attiré nombre de scientifiques aventureux et beaucoup d’aventuriers. Les voyages à l’époque des « découvertes » répondaient à des motifs économiques et géopolitiques tandis qu’au XVIIIe siècle une nouvelle soif de connaissances allait attirer les Européens vers ces contrées encore si mystérieuses, tout comme les peuples qui y vivent. Au XIXe siècle, l’espace brésilien n’offre aux écrivains rien de comparable à ce que fut le « voyage en Orient » mais il reste encore suffisamment fascinant pour susciter des vocations migratoires et des récits inspirés.