Cartes à jouer

Près de sept siècles après leur apparition, les cartes à jouer n’en finissent pas d’interroger. Au mystère de leur origine s’est ajoutée l’énigme de leur signification. Dans leurs figures, on a projeté l’image de la société féodale ; dans leurs enseignes, on a lu en miroir la présence des ordres ecclésiastiques, de la noblesse militaire, des bourgeois et des paysans ; on note de ci, de là, dans les jeux, la présence au complet des quatre vertus, des quatre continents, des quatre saisons, ou bien les vertus théologales, les quatre évangélistes. Plus récemment ont fleuri les hypothèses ésotériques, à grand renforts de bohémiens, d’Égypte antique et de kabbale. Les cartes nous fascinent car elles nous proposent sans cesse notre propre monde en miniature, dans des modèles renouvelables à foison, adaptable à toutes les époques, à toutes les échelles. Depuis les tarots humanistes jusqu’aux plus modestes de leurs avatars modernes, elles représentent à leurs façons de multiples états du monde. Elles nous transportent dans des mondes parallèles et temporaires, elles offrent un décor à la fiction du jeu lui-même, où chacun dans ce paysage contraint par des règles précises est cependant libre de se projeter roi, dame ou valet, et d’écrire son propre rôle le temps d’une partie.