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Les éditions pour la jeunesse des fables de La Fontaine

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« Le monde est vieux, dit-on ; je le crois, cependant / il le faut amuser encor comme un enfant », écrivait Jean de La Fontaine. À l’occasion du 350e anniversaire de la publication de ses Fables, Gallica explore les éditions pour la jeunesse qui ont marqué les mémoires enfantines.

Six feuilles de paravent sur les Fables d'Esope tissées à la Manufacture de la Savonnerie, 1739

Depuis les origines, les Fables de La Fontaine s’adressent à un public lettré et mondain aussi bien qu’aux enfants, comme le rappelle Patrick Dandrey dans son billet introductif comme dans une conférence du CNLJ intitulée « La puérilité des Fables de La Fontaine : aux racines d’une ambiguïté fructueuse ». L’édition de 1668 est d’ailleurs accompagnée d’une dédicace au Dauphin âgé de sept ans :

C’est un entretien convenable à vos premières années. Vous êtes en un âge où l’amusement et les jeux sont permis aux Princes ; mais en même temps, vous devez donner quelques-unes de vos pensées à des réflexions sérieuses. Tout cela se rencontre aux Fables que nous devons à Esope. L’apparence en est puérile, je le confesse ; mais ces puérilités servent d’enveloppes à des vérités importantes.

Dans son billet consacré aux sources antiques des fables de La Fontaine, Claire Lesage a montré comment La Fontaine a bâti son œuvre de fabuliste sur le répertoire issu d’Esope. Il existe ainsi une longue tradition scolaire de réutilisation et de transformation des fables. À l’époque moderne, celles-ci sont utilisées comme matière première pour les exercices de rhétorique et d'éloquence, elles contribuent à exercer l'imagination et les facultés de composition de l'élève (traduction, mais aussi amplification, réduction, illustration, démonstration...). Cette édition des Fables d’Esope en quatrains de 1678 s’adresse directement aux enfants : « Venez à la leçon, jeunesse vive et folle, Esope vous appelle à sa riante école ». Selon le même principe, nombreux sont les titres destinés à la jeunesse qui entendent distraire par une lecture plaisante, proche de la fable, tout en éduquant, selon la philosophie éducatrice et humaniste défendue par Erasme : c'est l'ambition des Six livres des similitudes tires de toutes sorte d’Animaux, rassemblés par Guy Gaussart Flamignon en 1577, qui constituent le plus ancien ouvrage conservé par le Fonds patrimonial de l'Heure joyeuse à la médiathèque Françoise Sagan, partenaire de Gallica.
 
À leur tour, les fables de La Fontaine deviennent un instrument quasi obligatoire du système scolaire – pour l’apprentissage de la langue et l’exercice de la mémoire - et un compagnon des enfants. Dans le Malade imaginaire (1673), Molière met cette réplique dans la bouche de Louison : « Je vous dirai, si vous voulez, pour vous désennuyer, le conte de Peau d’Ane ou bien la fable du Corbeau et du renard, qu’on m’a apprise depuis peu ».
Dans ses Souvenirs entomologiques, le naturaliste Jean-Henri Fabre évoque son apprentissage rapide de la lecture dans les années 1820, à partir d’un abécédaire animalier :

Une seconde fois, la chance me favorise. Comme récompense de mes progrès, on me donne les Fables de La Fontaine, livre de vingt sous, très riches en images, petites il est vrai, très incorrectes, délicieuses toutefois. Il y a là le corbeau, le renard, le loup, la pie, la grenouille, le lapin, l’âne, le chien, le chat, tous personnages de ma connaissance. Ah le superbe livre, si bien dans mes goûts avec ses maigres figures où la bête agit, parle. Quant à comprendre ce qui est dit là-dedans, c’est une autre affaire. Va toujours mon garçon, assemble des syllabes qui ne te disent rien encore ; plus tard elles te parleront, et La Fontaine restera pour toujours ton ami.

Les fables de La Fontaine - et aussi d’autres fabulistes - figurent parmi les titres les plus proposés aux enfants tout au long du XIXe. Les « libraires d’éducation et de récréation » qui apparaissent au tournant des XVIIIe-XIXe siècles s’en saisissent largement, comme le montre cette scène de lecture du Fablier des enfans (1816). Pierre Blanchard en propose dans son catalogue des Livres pour l’instruction et  l’amusement de la jeunesse (1804), et explique l’intérêt pédagogique des fables dans l’Esope des enfans (1834) :

Les fables plaisent aux enfants ; ce sont de petites scènes qui égaient leur imagination […] Ils ne saisissent pas toujours le but de la fable, la leçon morale qui en est l’âme ; mais s’ils se sont amusés, s’ils ont senti que la lecture peut donner quelque plaisir, c’est assez pour le moment, c’est même beaucoup de gagné. Un avantage que présentent encore les fables, c’est qu’elles sont courtes […] Il faut amuser les enfants, mais il faut les amuser vite, et en variant leurs plaisirs, autrement ils vous échappent.

Amédée Bédelet propose également un choix de fables « bonnes à apprendre, à réciter ou à regarder, tant sont jolies toutes les bêtes causeuses » et fait dire à un personnage enfant du Grand livre pour les petits enfants (1845) : « vous savez que rien ne m’amuse autant que les histoires et les images de bêtes ».
Plusieurs abécédaires utilisent les fables de La Fontaine ou d’autres fabulistes en guide de petits textes de première lecture, comme L’alphabet du bon La Fontaine (1826) ou L’alphabet du petit fabuliste (ca 1840).

Fables de La Fontaine. Epinal : Pellerin, 1875.

Dans les éditions adressées spécifiquement à la jeunesse, il arrive fréquemment que les animaux des fables soient habillés, sans doute pour rendre leur morale plus facilement compréhensible et pour mieux ridiculiser les travers des hommes. Voici quelques-uns de ces animaux anthropomorphisés : La cigale et la fourmi (1865), Le lièvre et la tortue ou Le loup et le chien (1875), rappelant ceux de Grandville (1838). Il arrive également que les animaux soient représentés en humains, comme dans cette Cigale et la fourmi (1842) précédant celle de Gustave Doré (1867) et ce Loup et l’agneau (1895). Le britannique Arthur Rackham, illustrateur par excellence du conte de fées, s’inscrit également dans cette tradition pour donner vie à deux animaux « qui disputaient sur leur vitesse » (1913). Les fables sont si populaires qu’elles fournissent également des motifs pour la publicité, par exemple pour ce Chocolat des gourmets.
 
Tout au long du XIXe siècle, les éditeurs pour la jeunesse ne cessent de réinventer les fables. Ainsi, l’éditeur Pierre-Jules Hetzel, figure majeure du siècle, propose Vingt fables (1870) illustrées par Eugène Lambert dans sa collection destinée aux jeunes enfants intitulée « Bibliothèque de Mademoiselle Lili et de son cousin Lucien ». On y retrouve un motif récurrent, celui du buste ou du portrait de La Fontaine au milieu des animaux.
 

Deux grands illustrateurs s’emparent à leur tour de ce classique des classiques.
Louis-Maurice Boutet de Monvel (1888) construit ses illustrations comme des bandes dessinées avant la lettre, en une succession de séquences bien centrées autour des personnages.

Fables de La Fontaine illustrées par Benjamin Rabier. Paris : Librairie illustrée Jules Tallandier, 1906.

Benjamin Rabier organise chaque page en une série de saynètes tournant autour du texte et déploie sa fantaisie dans un livre d’étrennes publié en 1906. Chaque élément du décor, du brin d’herbe au rocher en passant par le poisson de la rivière, participe et réagit à l’action. Ses illustrations sont également reprises dans le matériel scolaire ou la publicité.
 

Fables de La Fontaine : album à colorier / Jean Matet. Capendu, 1950.

Dans une volonté divertissante, les motifs des fables ont été utilisés comme sujets de livres de coloriages, comme c’est le cas chez Jean Matet. Ce dessinateur phare des éditions Capendu a d’ailleurs à plusieurs reprises proposé des animaux déguisés à colorier dans une veine comique, qui ne sont pas sans faire penser aux protagonistes des fables. Les enfants n'ont pas manqué de se saisir de ces propositions ludiques, comme le montre ces traces d'appropriation laissées par des petites mains.

Afin de poursuivre la détente et le délassement, vous pouvez retrouver en ligne des coloriages à imprimer autour du thème des animaux, qu’il s’agisse de planches conçues comme des coloriages ou de gravures en noir et blanc qui ne demandent qu’à prendre des couleurs : à vos crayons !

Retrouvez également l'univers des fables sur Pinterest et dans les pages Sélections de Gallica.
Pour continuer à explorer l'univers des animaux dans Gallica, découvrez les pages Sélections intitulées Drôles de bêtes. Cette sélections élargit les propositions de Gallicadabra, l'application gratuite sur tablettes, pour proposer des textes à destination des petits, des moyens et des grands.

Pour aller plus loin
Lesage, Claire, article « Jean de La Fontaine ». Dans Isabelle Nières-Chevrel, Jean Perrot (dir.), Dictionnaire du livre de jeunesse : la littérature d'enfance et de jeunesse en France. Paris : Éd. du Cercle de la librairie, 2013.
Jean de La Fontaine : exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, 4 octobre 1995-15 janvier 1996 / sous la dir. de Claire Lesage. Paris : Bibliothèque nationale de France : Seuil, 1995.

Commentaires

Soumis par Linda le 28/04/2018

Merci
Grâce à Gallica; le monde entier peut accéder à une partie des fonds de la BNF...
Grâce à Callica; des lecteurs naissent même dans des contrées où il n'y a ni livre ni bibliothèque.
Merci. Merci.
Linda de Mesra; un village quelque part en Algérie...

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