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La forêt, un patrimoine très convoité

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26 octobre 2022

Une histoire de l'administration des forêts françaises, en lien avec le billet consacré aux exploitations forestières dans les films d'Armand Chartier.

La Malmontagne (Fontainebleau) : [dessin] / HR [Henri Rivière]. 1900

La prise de conscience d'un patrimoine

L’histoire des forêts est mouvementée et la grande diversité des modes de gestion qu’elles connaissent au fil des siècles est révélatrice des préoccupations du moment, nourricière, économique, écologique, récréative. La physionomie changeante des massifs sera dépendante des évolutions tant démographiques que techniques, des contextes politiques, des fluctuations climatiques.

Les forêts sont administrées de très longue date. Dès le XIIIe siècle, dans une ordonnance, apparaît l’appellation « Eaux et Forêts ». Quelques années plus tard, le rôle de « maîtres des Eaux et Forêts » est défini. Les attributions de ce titre varient selon les époques. Le maître est considéré comme « inquisiteur, ordeneur, dispositeur et réformateur ». En 1346, un code forestier est instauré, puis, un nouveau, au XVIIIe siècle, sous l’impulsion de Colbert.

Il s’agit de garantir les besoins économiques en bois en restaurant et protégeant les massifs. Depuis des siècles, les forêts françaises, façonnées par l’intervention humaine, ne sont plus naturelles.

Au XIXe siècle, la surface boisée a nettement reculé. Cette tendance s’explique essentiellement par certains besoins accrus à partir du XIIe siècle, comme l’utilisation du bois pour le chauffage et la construction ou encore le pâturage en forêt.

Les autorités politiques confient alors à l’Administration des Eaux et forêts la restauration du patrimoine forestier. Plusieurs démarches sont lancées comme à partir de 1882, date à laquelle l’Etat souhaite consolider les terrains de montagne pour protéger routes et habitations contre l’érosion, les éboulements, les avalanches.

Ainsi, et jusque dans les années 1930 voire 1940, les préoccupations économiques des reboisements restent secondaires.

Un capital à administrer

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les forêts sont fortement dégradées et l’abandon des terres agricoles reprend. Les parcelles laissées pour compte par les cultures et le pâturage sont peu à peu (re) colonisées par une végétation spontanée : houx, fougères, ronces puis aulnes, noisetiers, bouleaux.
L’usage de nouvelles sources d’énergie – gaz, électricité, pétrole - entraîne la disparation d’exploitations et de métiers traditionnels, comme les charbonniers ou les schlitters (Das Schlitten = la luge ou le traîneau) que l'on voyait encore en 1947 dans le film d'Armand Chartier Skieurs forestiers.

Une autre logique se développe alors. La filière bois doit alimenter la reconstruction d’une société transformée par l’urbanisation et la croissance des niveaux de vie.

Dans le contexte des Trente Glorieuses, il s’agit d’approvisionner des secteurs économiques en pleine extension, la construction, la charpente, l’industrie des papiers / cartons. Le bois français, en grande partie constitué de taillis et de feuillus, n’est pas du tout rentable. Les forestiers convertissent alors les taillis en futaie et procèdent à la plantation d’essences résineuses (pin sylvestre, épicéa, mélèze) à croissance rapide dans les terrains délaissés, devenus des friches.

Les arbres, arbustes et arbrisseaux forestiers / par C.-L. Gatin. 1932, p. 5 
et Les arbres, arbustes et arbrisseaux forestiers / par C.-L. Gatin. 1932, p. 4

De leur côté, pour rester concurrentiels face aux bois étrangers, les propriétaires sylvicoles privés et les marchands de bois adoptent les techniques modernes. Ils imposent la mécanisation des coupes, du débardage et des scieries. Sous la pression de leurs syndicats, l’administration forestière est contrainte de revoir ses missions.

« La France manque de bois. Les besoins en bois de construction, en bois de mine, en bois de papier, etc. sont de plus en plus impérieux. Nos ressources forestières s’épuisent. Il faut les reconstituer soit en enrichissant les forêts existantes, soit en boisant les terres incultes. »

L'Est républicain. [s.n.] (Nancy). 1947-09-10

Créé en 1946, le Fonds forestier national est alimenté par une taxe unique sur les produits forestiers perçue sur tous les produits d’exploitations forestières et de scieries, à quelques exceptions près. L’objectif de ce Fonds est de faciliter le reboisement de production, la priorité étant toujours donné aux résineux. Ainsi, la transformation de la forêt française s’amorce grâce aux exonérations fiscales, aux subvention et prêts accordés.
Les Eaux et forêts qui, jusqu’à présent, conduisent des opérations destinées à améliorer la gestion des bois de l’Etat et des communes, à protéger les versants de l’érosion et les plaines des inondations doivent désormais créer une forêt qui rapporte. Le ministre de l’Agriculture Edgar Pisani crée, 1964 l’Office National des Forêts (ONF), un établissement public chargé de gérer les forêts publiques avec une obligation d’autofinancement. L’ONF favorise l’installation de parcelles de culture intensive en utilisant des moyens de production qui seront décriés dès les années 1970 : mécanisation, engrais, pesticides… Dans les parcelles forestières, on cultive des arbres de la même essence et de la même tranche d’âge. L’objectif est à la rationalisation.

Pour satisfaire ces différentes politiques, les forestiers entretiennent les bois, assurent le martelage (la sélection des arbres pour la coupe), sélectionnent les essences, reboisent. La coupe, le débardage, le nettoyage sont assurées par des entreprises locales privées.

« Éducateur d'arbres qui durent plus que lui, le forestier vit pour l'avenir, constatant l'effort de ses anciens, cherchant à laisser la forêt plus belle et plus riche à ceux qui viendront après lui. C'est là sa joie et son honneur. »

Études / publiées par des Pères de la Compagnie de Jésus. 1934

L'agent forestier informe aussi les usagers de la forêt. En effet si cette dernière contribue à la régulation des grands cycles biogéochimiques, freine l’érosion, offre aux animaux des habitats variés, aide à  la lutte contre le réchauffement climatique, les artistes y voient une source d’inspiration et les promeneurs un havre de paix ou un lieu de détente.

Retrouvez en images le rôle essentiel de l'ONF et des agents forestiers dans la France d'après-guerre à travers ce billet consacré aux documentaires réalisés par Armand Chartier pour le Ministère de l'agriculture.

Aller plus loin

Quand la France des années 60 formait les paysans du futur (série Armand Chartier, billet n°1)
Intervention de l'état, réseaux agricoles... : les aides apportées aux agriculteurs (série Armand Chartier, billet n°2)
Réseaux agricoles d’après-guerre à l'écran (série Armand Chartier, billet n°3)
Et les vaches seront bien gardées, 1ère partie : l'élevage en mutation (série Armand Chartier, billet n°4)
Et les vaches seront bien gardées, 2ème partie : au temps de l'élevage intensif (série Armand Chartier, billet n°5)
Agricultrices, mères et filles (série Armand Chartier, billet n°6)
Exploitations forestières : des forêts à dompter (série Armand Chartier, billet n°8)
L'agriculture japonaise des années 1960 (série Armand Chartier, billet n°9)
Tourisme agricole au pays du soleil levant (série Armand Chartier, billet n°10)

Tous les films d’Armand Chartier sur Gallica
Répertoire du Service audiovisuel du ministère de l'agriculture aux archives nationales
Site de la cinémathèque du ministère de l'agriculture

 

Commentaires

Soumis par Machemehl le 03/12/2022

Super travail !
Merci

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