Découvrez le Jardin d'agronomie tropicale (3/3)
Promenez-vous à Nogent-sur-Marne dans le Jardin d’agronomie tropicale à travers les collections de Gallica. L’ancien Jardin colonial, caché dans le Bois de Vincennes, révèle sa riche histoire.
Troisième partie : la Première Guerre mondiale.
Visite de l'empereur d'Annam en 1922
Un hôpital pour les troupes coloniales de la Première Guerre mondiale…
Dès fin août 1914, un hôpital militaire s’installe dans des bâtiments comme le pavillon de l’Indochine et des baraquements. Très vite, il est réservé aux « troupes coloniales ». Une souscription est lancée en octobre et Doumergue, ministre des colonies, le visite en novembre.
Son fonctionnement semble particulier, notamment pour éviter « tout rapprochement entre le personnel féminin et les tirailleurs » car les femmes sont apparemment bannies de l’hôpital en 1916. Les soins semblent peu poussés et il s’agit surtout d’un lieu de convalescence où certains soldats s’initient à l’agriculture dans le Jardin colonial.
Les autorités françaises mettent en valeur la présence de religieux avec les photographies de la « Mission musulmane » par l’agence Roll qui est l’occasion de remettre des médailles.
Les rites musulmans sont respectés et c’est pourquoi le Bois de Vincennes est le lieu de la première mosquée de Paris. Une mosquée en bois est construite en 1916, désaffectée à la fin de la guerre et détruite dès 1926. Une plaque signale aujourd’hui son emplacement.
Une cérémonie de remise de médailles est organisée à diverses occasions : en 1915 par le président Poincaré, par le général Lyautey en 1916 et en 1917 par le ministre des colonies.
… qui devient un lieu de souvenir après la Grande Guerre
Après 1919, divers édicules célèbrent le rôle des troupes coloniales dans la guerre, dans ce lieu excentré du Bois de Vincennes, comme le monument aux morts dédiés à toutes les troupes coloniales de la « France d’Afrique, de la France d’Amérique, de la France d’Asie et de la France d’Océanie ».
D’autres célèbrent « les soldats malgaches », les « soldats noirs morts pour la France », les « Cambodgiens et Laotiens morts pour la France », les « Indochinois chrétiens morts pour la France ». La maison de Cochinchine de l’exposition coloniale de 1907 devient un « Temple du Souvenir indochinois », inauguré en grande pompe.
Tous les ans, une cérémonie a lieu et le Temple est reconstruit par l’ANAI (Association nationale des Anciens de l’Indochine et du Souvenir indochinois) après son incendie en 1984.
Monument aux Malgaches morts pour la France.
Jardin et fin de la colonisation
Si dans l’Entre-deux-guerres, des voix s’élèvent contre la colonisation, la statue saluant la « gloire de l’expansion coloniale de la France sous la IIIe République» en gomme les aspects négatifs.
Elle est commandée à Jean-Baptiste Belloc, sculpteur officiel des Colonies. Sa réalisation est compliquée entre un projet en 1909, divers appels à souscription, un modèle terminé en 1916, des atermoiements sur son emplacement et la mort de Belloc en 1919. Son achèvement est relancé dans les années 1920 et le monument, terminé par un autre sculpteur, est finalement installé au Jardin colonial puis déplacé trois fois à Vincennes (notamment pour la grande Exposition coloniale de 1931). Démontée dans les années 1960, la sculpture revient finalement à Nogent. Les vicissitudes de cette œuvre montrent peut-être que les temps changent et que la décolonisation s’annonce.
Le monument à la gloire de l'expansion coloniale aujourd'hui et la maquette en 1913, avant son achèvement en 1931.
Aujourd’hui, les seules cultures qui subsistent sont celles de la micro-ferme maraîchère associative V’Île fertile, montrant que désormais l’heure est plus à l’agriculture urbaine qu’à l’agriculture coloniale. L’état de délabrement de beaucoup des constructions du Jardin montre la difficulté à assumer ce passé colonial. Comme le dit l’historienne Sandrine Lemaire : « Comment mettre en avant cet ancien jardin colonial sans donner l’impression de cautionner les horreurs qui l’entourent ? ».
Découvrez la première partie sur l’Exposition coloniale de 1907 organisée dans le Bois puis la deuxième partie sur le Jardin colonial.
Pour aller plus loin :
. Bibliothèque numérique du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement)
. Les précédents billets sur l’Ecole de Nogent, Les sources de l’agronomie tropicale et les collections de la bibliothèque historique du Cirad.
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