Découvrez le Jardin d'agronomie tropicale (1/3)
Promenez-vous à Nogent-sur-Marne dans le Jardin d’agronomie tropicale à travers les collections de Gallica. L’ancien Jardin colonial, caché dans le Bois de Vincennes, révèle sa riche histoire.
Première partie : l’Exposition coloniale de 1907 au Jardin.
Visite de l'empereur d'Annam au Jardin d'agronomie tropicale en 1922
Une Exposition coloniale dans le Bois de Vincennes
De mai à octobre 1907, l’Exposition coloniale accueille deux millions de visiteurs dans la partie orientale du Bois de Vincennes, limitrophe de Nogent-sur-Marne mais qui appartient à la Ville de Paris depuis les années 1860. Tout comme l’Exposition de 1931 qui laisse des traces plus célèbres comme le Palais de la Porte dorée, des vestiges de celle de 1907 existent toujours au sein du Jardin d’agronomie tropicale de Nogent, l’ancien Jardin colonial.
Visite du président Fallières en 1907 à l'Exposition coloniale
in La Dépêche coloniale illustrée, 15 juillet 1907
Des bâtiments disparates
Organisée par la Société française de colonisation, l’Exposition de 1907 réemploie un certain nombre de constructions, ce qui est parfois perçu comme un manque d’ambition.
Dès 1901 arrivent à Nogent des constructions de l’Exposition universelle parisienne de 1900 comme la serre du Dahomey dont l’architecture évoque vaguement cette région de l’actuel Bénin. Elle est entourée de poteaux fétiches qui sont aujourd’hui conservés en partie dans la bibliothèque du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). La serre est ensuite utilisée pour tester la résistance des bois exotiques aux termites.
Autre réemploi de l’Exposition universelle de 1900, le pavillon de la Réunion devient en 1907 le poste du médecin-chef.
Les expositions coloniales sont très en vogue fin XIXe, début XXe siècle. En 1906, celle de Marseille rencontre un vif succès. La maison de Cochinchine est remontée à Nogent. Il s’agit d’un Dinh, une "maison des notables", construite par les habitants de Thu Dau Mot dans l’actuel Vietnam et offerte à l’Exposition de Marseille. Son intérieur est très décoré avec une salle du trône, des autels et des galeries. Malheureusement pillée et incendiée en 1984, elle est partiellement reconstruite dans les années 1990.
Une pièce d’eau est creusée à l’arrière de la "maison cochinchinoise".
D’autres constructions évoquent l’Indochine. L’esplanade du Dinh est aménagée et ornée d’une urne funéraire en bronze, réplique des urnes impériales vietnamiennes du palais de Hué.
Après avoir traversé le pont aux nagas mi-hommes, mi-serpents (toujours en place), les visiteurs découvrent au fil de leur promenade, un pagodon pour honorer les dieux (aujourd’hui endommagé), un piège à tigre, une cloche en bois ou un mirador tonkinois haut de 8m aujourd’hui disparu.
L’Exposition de 1907 est l’occasion de construire de nombreux bâtiments. Le Pavillon d’Indochine, réhabilité en 2011, se veut une réplique du palais du gouverneur d’Indochine, où les visiteurs découvrent une accumulation de plantes, produits, artisanat, insectes… asiatiques.
Une accumulation de produits "utiles"
Côté Afrique, le Pavillon du Congo, aussi construit pour l’exposition coloniale de Marseille en 1906, renferme "tout ce que l’on tire de notre colonie, et une partie de ce qu’elle sera susceptible de fournir à l’avenir dans notre commerce et notre industrie". La présentation mélange là aussi allègrement plantes (l’incontournable cacao), cartes, faune (tortues, défenses d’éléphant), artisanat et reproductions de monuments. Un incendie le détruit en 2004.
Plus loin, le pavillon de la Tunisie présente l’artisanat et les produits agricoles parmi les palmiers. Il est ensuite agrandi et transformé en laboratoire de physique.
Le Pavillon de la Guyane, s’attarde sur les bois et l’or.
Le pavillon malgache , orné de trophées, insiste sur l’agriculture luxuriante de ce pays. Il est détruit dans les années 1960.
Des "zoos humains"
Des "zoos humains" présentent la "vie" de villages indochinois, malgache, canaque, congolais, une ferme soudanaise ou village dahoméen et un campement touareg (dont la presse évoque le recrutement). Peu de voix s’élèvent à l’époque contre cette exploitation d’êtres humains et ces conditions d’accueil.
Des animaux sont aussi montrés, comme des singes attachés aux poteaux du Pavillon du Congo ou le travail des éléphants d’Inde.
L’exactitude géographique n’est pas essentielle : la presse évoque indifféremment la "ferme soudanaise" et le "village dahoméen" qui évoquent en fait toutes les possessions françaises en Afrique. Les visiteurs (et les voisins qui s’en plaignent !) découvrent aussi une ambiance sonore à travers la musique laotienne ou malgache.
Une affaire aussi commerciale
Au-delà de faire connaître les colonies et d’affirmer la "mission civilisatrice de la France", il s’agit aussi d’une entreprise commerciale comme en témoignent les publicités du Journal des voyages pour ses attractions (campement touareg et éléphants), les cartes postales ou les timbres vendus pour diffuser l’imaginaire colonial, la vente d’artisanat oriental dans "le Grand bazar arabe de Tunis", la dégustation de café calédonien dans le village canaque ou des chocolats Menier. Le "bar colonial" sert quant à lui du champagne, boisson pourtant bien métropolitaine.
Le pouvoir en place soutient l’exposition, comme le montre la visite officielle du président de la République Armand Fallières.
Ce sont aujourd’hui les traces les plus visibles du passé colonial du Jardin de Nogent qui était un des centres de l’exploitation des colonies. Découvrez la deuxième partie sur le Jardin colonial qui accueille l’Exposition de 1907 puis la troisième partie sur son destin lors de la Première Guerre mondiale.
Pour aller plus loin :
- Sur l’exposition de 1907, le numéro spécial de la Dépêche coloniale illustrée ou celui du Mois colonial et maritime qui retarde sa parution pour évoquer l’évènement.
- Bibliothèque numérique du Cirad
- Tous les billets de cette série sur le Jardin de l'agronomie tropicale
- Les précédents billets sur l’Ecole de Nogent, Les sources de l’agronomie tropicale et les collections de la bibliothèque historique du Cirad.
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