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Marie-Thérèse Reboul & Joseph-Marie Vien : un couple d’artistes

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22 avril 2021

Peu de temps après son mariage avec son maître en peinture Joseph-Marie Vien, Marie-Thérèse Reboul est reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Aujourd’hui oubliés, tous deux forment l’un des premiers duos d’artistes ; leur association solide et enjouée s’appuie sur la notoriété de l’académicien et la sensibilité de sa femme dans l’art de peindre et de graver.

Deux pigeons sur une brancheMarie-Thérèse Reboul (Wikimédia)
 

La femme d’un académicien célèbre et honoré

« M. Vien laisse un nom justement célèbre et une mémoire chère à tous ceux qui l’ont connu. » 
Considéré comme un très bon peintre, Joseph-Marie Vien (1716-1809), membre de l’Académie depuis 1754, devient le fondateur de l’école classique moderne et enseigne à de nombreux élèves comme Regnault ou David. Ce dernier a été formé à Rome lorsque Vien est nommé directeur de l’Académie en 1775 et le disciple a su si bien assimiler la leçon du retour à l’Antiquité qu’il paraît mieux que son maître opérer la grande réforme de la peinture française. En mai 1789, Vien reçoit le brevet de premier peintre du roi. Ruiné par la Révolution, il est réhabilité par Bonaparte qui le gratifie du titre de Sénateur en 1799 puis le nomme comte de l’Empire et Commandeur de la légion d’honneur. En 1809, sa dépouille mortelle rejoint les dormeurs inconnus du Panthéon. Des œuvres de Vien conservées au Musée Fabre à Montpellier, sa ville natale, nous retiendrons le portrait qu’il a fait de sa femme en 1760.
 
 
Présentée par le comte de Caylus à Joseph-Marie Vien, Marie-Thérèse Reboul (1735-1806) devient l’élève puis l’épouse de son maître de peinture le 10 mai 1757 et reçoit le titre de dixième académicienne, le 30 juillet 1757, soit vingt-cinq après l’admission très controversée de Marguerite Havermann. En ces circonstances, sa réception dans la vénérable institution laisse certains sceptiques quant à sa valeur artistique, nous rappelant immanquablement que la place des femmes dans le monde de l’art de la seconde moitié du XVIIIe siècle suscite encore une grande méfiance à leur égard.
Leur liberté d’artiste reste entravée par le principe de soumission à un maître. Premier maître de peinture de Mme Vien, le comte de Caylus impose ses limites artistiques. Par complaisance pour l’ami de son mari, la peintre accepte de se cantonner au seul genre préconisé pour les femmes par l’Académie :
 
 
Du reste, lorsque la carrière de Vien connaît son apogée avec des offres en provenance des cours de Russie et du Danemark, c’est le talent de Marie-Thérèse Reboul, trouvant un écho très favorable auprès de la tsarine, qui vaut tous les honneurs à son mari :
 

L’art de Marie-Thérèse Reboul

Mme Vien, formée à l’Académie de Saint-Luc à Rome, comme l’indique une courte notice du Bénézit, s’inscrit dans la grande tradition des miniaturistes et prend rang dans la liste de celles qui l’ont précédée, telles Anne-Renée Strésor, Catherine Perrot ou la Rosalba.
 
 
Bien que les sources soient relativement minces sur la vie de Marie-Thérèse Reboul et son œuvre peu représentée dans les notices des dictionnaires biographiques comme Les grands artistes du XVIIIe siècle… par Caroline de Beaulieu, le Dictionnaire général des artistes de l'École française depuis l'origine des arts du dessin jusqu'à nos jours par Émile Bellier de La Chavignerie puis Louis Auvray, le Dictionnaire critique de biographie et d’histoire… d’Auguste Jal ou la Biographie des peintres les plus célèbres… par Mme A. G. de Fontenai, le sentiment général qui se dégage sur son art fait part d’une reconnaissance de ses qualités de peintre et de graveur pour représenter les oiseaux, les fleurs ou les coquillages :
 
 

Madame Vien et Diderot au Salon

Durant plusieurs années, ses œuvres figurent dans les livrets du Salon ; la base des Salons 1673-1914 (Musée d'Orsay - INHA) permet de retrouver sous le nom de Mme Vien les tableaux présentés par l’artiste pour les années 1757, 1759, 1763, 1765 et 1767. A partir de cette date, ses toiles ne sont plus exposées, sans explication mais sans toutefois remettre en cause son statut d’académicienne.
Au demeurant, sa pratique artistique rencontre une bonne critique comme en témoigne cette note enthousiaste parue dans le Mercure de France :
 
Mercure de France : dédié au Roy, octobre 1757
Appréciation que conforte la chronique dithyrambique de Diderot lors du Salon de 1763 ainsi que ses éloges à l’égard d’autres tableaux exécutés avec délicatesse par Mme Vien, comme Un pigeon qui couve (Salon de 1765) ou Une poule huppée, veillant sur ses petits (Salon de 1767) :
 
 
De sorte que l’exposition sur Diderot présentée en 1963 à la Bibliothèque nationale retient dans son catalogue une œuvre de Mme Vien prêtée par le Musée Fabre :
 
 

« Un coq mettant la patte sur l’œuf de sa poulette » 

Mais revenons sur deux œuvres de Marie-Thérèse Reboul, attribuées à l’académicienne comme morceaux de réception : deux tableaux évoquant une sorte de transposition des relations conjugales dans le règne animal. Le premier, intitulé Un coq mettant la patte sur l’œuf de sa poulette, est mentionné par Frédéric Villot dans sa Notice des tableaux exposés dans la Galerie du Musée du Louvre. Il est bien regrettable qu’aucune source à ce jour ne permette de visualiser l’œuvre car au-delà de l’effet comique, le titre évocateur suggère plusieurs interprétations. La plus inoffensive qui nous vient à l’esprit rappelle la puissance du maître « mettant sa patte » pour guider dans les méandres de l’art de la peinture sa jeune élève âgée de 22 ans (et non 28 ans comme l’indique M. Villot) ; la seconde, moins innocente, pourrait évoquer la prédominance masculine sur la création féminine. Le sujet est peint par une femme qui déclare néanmoins son accord à un futur époux âgé de 41 ans pour une association artistique féconde. Le second tableau signalé dans le Guérin, Deux pigeons huppés qui se becquètent (voir supra) « exécutés avec une extrême finesse », consacre plus vraisemblablement Marie-Thérèse Reboul comme dixième femme académicienne ; on y voit les deux oiseaux affichant la même parure un peu ébouriffée, conversant et se bécotant dans une parfaite entente.
 
            
Joseph-Marie Vien. Alexandre Roslin (Wikimedia)                          Marie-Thérèse Reboul. Alexandre Roslin (Wikimedia)
 

Un couple d’artistes naturalistes

Si ce dernier tableau semble augurer la relation future du couple, la prédiction du peintre suédois et ami Roslin, portraitiste de chacun des deux artistes, « elle sera l’amie de votre cœur et la compagne de vos glorieux travaux » se révèle assez juste. Marie-Thérèse devient la collaboratrice de son mari à l’Académie de France à Rome, poursuivant en cela l’exemple de Mme Wleughels ; à leur suite d’autres femmes de directeurs joueront un rôle majeur dans l’institution.
 

Epouses et sœurs. Tocqueville cité par Maurice Bloch
 
Dans l’atelier rue de Malaquais, que le couple partage avec son fils Joseph-Marie, également peintre miniaturiste, Vien et sa femme vont s’associer, entre peinture et gravure, notamment dans la représentation de sujets naturalistes et dans la décoration de vases dont l’invention appartient à l’un ou l’autre des deux artistes ; en voici quelques exemples :
 
Suite de Vases composée dans le Goût de l'Antique, dessinée par Joseph-Marie Vien,
Professeur de l'Académie royale de peinture et de sculpture, gravés par Marie-Thérèse Reboul, sa femme, de la même académie. 
Recueil d'estampes, 1760
 
 [Gravée par Marie-Thérèse Reboul]
 
[Marie Reboul]
 
Presque un siècle après Catherine Duchemin, première femme académicienne qui renonce à son art et à son titre au profit de son mari, Marie-Thérèse Reboul voit son talent incontesté, son nom cité à l’égal de celui de son mari, sa position de professeur évoquée, son rôle de collaboratrice reconnu, inaugurant avec son mari un type d’associations artistiques de notoriété publique promis à se développer au fil du temps.
 

Vers à Madame Vien, de l’académie royale de peinture.
M. de La Louptière, de l’académie des Arcades de Rome, Mercure de France,  janvier 1770
 
Sur ce dernier hommage adressé à Mme Vien par Jean-Charles de Relongue de La Louptière s’achève notre billet. Nous poursuivrons prochainement notre étude des Femmes artistes à l’Académie avec Anne-Dorothée Leicienska, onzième académicienne.
 
Pour en savoir plus :

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