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Le 24 octobre 1916, les Poilus reprennent le fort de Douaumont

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24 octobre 2016

Il y a cent ans, le 24 octobre 1916, les soldats français reprenaient définitivement le fort de Douaumont. Cette victoire défensive marque les débuts de la reconquête du terrain perdu et l'arrêt de la progression des troupes allemandes. A l'Arrière, on espère et on chante pour les Poilus plongés dans l'enfer de Verdun.

Chansons de la Première guerre mondiale : chansons patriotiques, chansons de tranchées, chansons de la vie à l'Arrière

Le matin du 21 février 1916, l'armée allemande lance une offensive foudroyante sur Verdun et sa région. Les lignes françaises sont pilonnées massivement pendant de longues heures. L'assaut suit mais les troupes allemandes se heurtent à la résistance des divisions françaises qui n'ont pas battu en retraite. Un face à face impitoyable s'engage et marque alors les débuts de l'une des plus longues et des plus meurtrières batailles de la première guerre mondiale. Les soldats français luttent farouchement contre l'offensive allemande mais le 25 février, le stratégique fort de Douaumont est pris par les forces allemandes, perte aux conséquences matérielles et morales désastreuses : le fort étant un abri et un point d'observation majeurs de la région verdunoise, il devient alors un pivot de la défense allemande.

Sous un déluge d'obus et de gaz toxiques, une guerre de tranchées épuisante et sanglante s'installe. Les morts et les blessés de Verdun émeuvent et incarnent la dimension cauchemardesque et inhumaine de ce conflit. La France de l'Arrière tremble pour ses soldats plongés dans l'enfer des combats et leur témoigne, avec ses moyens, son soutien. Arrangements ou créations, les chansons de ces années noires témoignent du patriotisme français mais aussi  des préoccupations et questionnements quotidiens, qu'ils soient ceux des soldats ou des citoyens de l'Arrière.
En avril 1916, alors que les soldats de Verdun et les français voient la situation s'enliser, le parolier André Danerty écrit la chanson patriotique Ils n'passeront pas! en hommage aux Poilus de Verdun et à leur résistance face à l'armée allemande.
 

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Ils n'passeront pas! [enregistrement sonore] / Marcelly, interprète ; André Danerty, parolier ; Eugène Dédé, compositeur
et chef d'orchestre au Petit Casino de Paris - 1916. Verdun, images de guerre... / John Grand-Carteret, Paris,1916

Ils n'passeront pas!
On les aura
Ils n'passeront pas!
Nos poilus résolus sont trop braves (...)
On les aura!
Ils n'passeront pas!

Cette version première de la chanson relève nettement du registre patriotique : elle salue l'état-major français et met en avant la figure héroïque du soldat et de sa fonction. D'autres chansons, arrangées ou créées à la même période, interrogent et soulignent davantage le drame humain. Les chansons de l'arrière témoignent de la peur et de l'impuissance des familles des soldats, du poids de l'absence et de l'incertitude, du quotidien en temps de guerre ; les chansons des tranchées témoignent des conditions de vie atroces des Poilus, des combats, de l'attente, de leur envie de survivre et de retrouver leur vie d'avant-guerre.
 

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Les mamans [Enregistrement sonore] / Jane Pierly, interprète ; Lucien Boyer, chansonnier et poète
J. Archaimbaud, compositeur (poésie mise en musique en 1916) - Les mamans [partition],1916

Quand les enfants sont des soldats
Et qu'il faut marcher au trépas (...)
Quand les enfants meurtris, blessés
Sous les canons sont ramassés,
Qui voudrait, au chevet des mourants
Mourir pour eux ? Les mamans.

À l'automne 1916, un événement va enfin marquer concrètement l'enrayement de l'offensive allemande et la reconquête du terrain perdu : la reprise définitive du fort de Douaumont. Le mardi  24 octobre, les hommes du Régiment d'infanterie coloniale du Maroc (RICM), les tirailleurs sénégalais et somalis, le 4e Régiment mixte des Zouaves et tirailleurs (4e RMZT) et le 321e Régiment d'infanterie (321e RI-38e DI) reprennent le fort perdu en février. Les soldats Jean Ygon et Paul Dumont, sapeurs de la Compagnie du génie 19/2 (38e DI), pénètrent courageusement les premiers dans le fort. En 1917, ils seront décorés de la Légion d’honneur, distinction rare pour les militaires de ce rang à l’époque...
 

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Le caporal Dumont, le héros qui entra le premier dans le fort de Douaumont / photographie de presse, Agence Rol, 1916
Historique de la compagnie 19/2 du 2e régiment du génie pendant la campagne 1914-1918 / récit de la prise du fort, 1920, p. 16-18

 

Symboliquement et moralement, l'annonce de la récupération du fort souffle un vent d'espoir et de victoire dans les esprits : l'Arrière salut le courage de ses Poilus et leur lutte acharnée à défendre leur pays. Ils ne sont pas passés, Verdun n'a pas été prise. La chanson, une fois encore, les célèbrera avec fierté, patriotisme et émotion. Deux longs mois seront encore nécessaires pour que les forces françaises réinvestissent l'intégralité des positions perdues et que prenne officiellement fin la "bataille de Verdun". Une victoire entièrement défensive, effroyablement meurtrière, qui restera ancrée dans la culture nationale comme la "mère des batailles".
La chanson populaire Ils n 'passeront pas!, composée originellement de deux couplets et d'un refrain, portera cette histoire militaire et humaine en connaissant rapidement des modifications et des ajouts. Ces évolutions d'écriture relatent l'issue de l'affrontement, célèbrent le commandement militaire mais rendent aussi un hommage vibrant aux hommes ayant combattu à Verdun.

Grâce aux Poilus
On les a eus
Ils sont vaincus
En ce jour, pour toujours, le cœur vibre
Aux pays reconquis et libres
Du joug brutal qui trop longtemps les a tenus
Oui mais, hélas,
Que de soldats
Dorment là-bas
Que de pleurs, de douleurs, de souffrance
Honneur à tous, vive la France!
On les a eus.

(couplet ajouté en 1918)

Héros mais aussi victimes, les Poilus de Verdun deviendront les figures emblématiques du sacrifice national à la violence déchaînée du premier grand conflit mondial du XXe siècle. Près de 70% des Poilus participeront à cette bataille. Plus de 160000 soldats français y seront tués ou portés disparus, plus de 200000 seront blessés.

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Fort de Douaumont : tombes de soldats français / photographie de presse, Agence Rol, 1919
Vues du fort de Douaumont en 1919

 

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