Fonds Victor Hugo. II -- ŒUVRES. Le Rhin. Manuscrit autographe
Il voit dans le réveil des nations la promesse d’une unification européenne. Malheureusement, le « Printemps des peuples » est réprimé partout par les forces contre-révolutionnaires. C’est après ces événements que Victor Hugo décide de changer de camp. Il rompt avec la droite monarchiste, se rallie à la République et s’affirme comme homme de gauche. Il a déjà « à son actif » plusieurs discours politiques remarquables : le
discours à l’Assemblée nationale contre la peine de mort du 15 septembre 1848 ou le
discours contre la misère du 9 juillet 1849.
Le contenu du discours d’ouverture du Congrès de la Paix de 1849
L’idée-force est que l’organisation politique de l’Europe engendrera inévitablement la paix.
Il fait le parallèle avec la situation des anciennes provinces françaises, en conflit permanent, il y a quatre siècles. Ces guerres ont pris fin, grâce aux élections, les intérêts des anciennes provinces françaises étant désormais défendus par leurs représentants élus au sein d’un parlement national. De même, …
Un jour viendra où […] vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne […].
- Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain […].
- Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d’Amérique, les Etats-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies […] !
Les armées nationales n’ayant plus lieu d’être entretenues dans un contexte de paix pérenne, Victor Hugo met en avant, par ailleurs, que la fin des dépenses d’entretien de ces armées permettra la mise en œuvre de grands travaux qui concourront à éteindre la misère.
Hugo évalue à quatre milliards ce que les nations européennes dépensent chaque année, au total, pour l’entretien de leurs armées. Si cette somme avait été mieux mise à profit, « La face du monde serait changée », selon Hugo qui imagine toute une série de grands travaux concourant à l’extinction de la misère : l’extension du chemin de fer, le creusement de fleuves, de ports, la construction de villes… Les révolutions n’auraient plus lieu d’être, l’Europe pourrait œuvrer à la colonisation (nous sommes en 1849 !).
Il conclut en reconnaissant un rôle moteur joué par l’Angleterre et la France :
Dans notre vieille Europe, l’Angleterre a fait le premier pas, et par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : Vous êtes libres. La France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains. Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, (…) disons aux peuples : Vous êtes frères !
La mise en place d’un parlement européen, la réalisation de grands travaux, le rôle moteur reconnu à l’Angleterre et à la France… Le projet européen d’Hugo est proche de celui défini par Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), dans son ouvrage
De la réorganisation de la société européenne (1814).
Deux documents exceptionnels conservés par la BnF
La BnF conserve, depuis qu’elle les a achetées début 2017, les épreuves corrigées de la main de Victor Hugo du discours d’ouverture du congrès. Ce document provient de la bibliothèque de l’homme d’affaires et mécène Pierre Bergé.
Le département des manuscrits de la BnF détient, en outre, dans le « Fonds Victor Hugo », le manuscrit autographe de ce discours.
Les manuscrits des discours au congrès de la paix de 1849
Victor Hugo, un président du congrès de la paix confiant en l’avenir de l’Europe
Trois jours après le discours d’ouverture, le 24 août 1849, Victor Hugo prononce le
discours de clôture du congrès. Il rappelle que le 24 août est un funeste anniversaire : celui de la Saint-Barthélémy, en 1572, mais il mesure le progrès parcouru et se réjouit de la pacification des relations entre catholiques et protestants. Il souhaite que ce jour marque la fin des massacres et des guerres et « inaugure le commencement de la concorde et de la paix du monde ».
La présidence du congrès de la paix de 1849 est donc caractérisée par l’optimisme de Victor Hugo quant à la pérennité de la paix en Europe. Les observateurs de l’événement, qu’ils soient politiques, journalistes, caricaturistes…, ne partageront pas tous sa confiance en l’Europe. La « pensée hugolienne » évoluera elle-même avec l’exacerbation des tensions opposant la France et la Prusse.
A suivre...
Victor Hugo est convaincu de la nécessité de construire des « Etats-Unis d’Europe », qui conduiront inéluctablement à la paix. Les observateurs du congrès, journalistes, caricaturistes, politiques… ne partagent pas tous cette confiance en l’Europe :
Victor Hugo et les Etats-Unis d'Europe II - Revue de presse
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