Le sujet a suscité l’intérêt des caricaturistes, à commencer par
Honoré Daumier (1808-1879), qui suit le Congrès de 1849 et publie du 7 au 12 septembre, dans
le Charivari, une suite de portraits des principaux orateurs, sous le titre
Souvenirs du Congrès de la paix . Il ne ménage ni Victor Hugo, ni le vice-président du congrès,
Richard Cobden (1804-1865), industriel et homme d’État libéral britannique.
Le Charivari n’est numérisé dans Gallica que pour les
années 1832-1833, mais certaines caricatures de Daumier sont accessibles « à la pièce » dans la bibliothèque numérique.
« La Paix universelle étant décrétée, l'honorable sir Cobden trouve moyen d'utiliser les généraux qui se croisaient les bras »..., en faisant cirer ses souliers par l'un d'eux, et porter son baluchon par un autre.
« Disciples de Mr Cobden, dans l'exercice de leurs pacifiques fonctions
»..., qui consistent à martyriser un chien en voulant le soigner, ou à séparer à coups de parapluie des chiens qui se battent.
Le Congrès de la Paix de 1849 a, en outre, inspiré un
vaudeville à
Charles Desnoyer (1806-1858), et un « à-propos » (soit une « Œuvre de circonstance, notamment courte pièce de théâtre », selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (
CNRTL)) à
Saint-Yves (1808-1871) et
Clairville (1811-1879). Cet « à-propos » fait référence à Victor Hugo, sous le pseudonyme d’Hector Gogo, « un sublime poète », et à Émile de Girardin, sous les traits d’un des personnages, Olivier, qui fait une promotion insistante de
La Presse, quotidien fondé par Girardin.
Par MM. Clairville et Saint-Yves (É. Déaddé), Paris, Beck, 1849.
Dans un contexte troublé comme celui du XIXe siècle, il n’est pas étonnant que ces auteurs aient été réservés quant à l’avènement d’une paix pérenne.
Marc Monnier (1829-1885), l’auteur genevois d’une comédie de marionnettes, intitulée le
Congrès de la paix, éditée un peu plus tardivement, en 1871, partageait ce même scepticisme. Il avertit le lecteur, en début de volume, de ne pas chercher dans les protagonistes de personnalités existantes. « Ces marionnettes ne figurent pas les membres du récent Congrès de Lausanne ; ce sont des types comiques et des personnages historiques, assemblés par la fantaisie de l’auteur, dans l’unique intention d’exprimer quelques doutes au sujet de la paix universelle et perpétuelle », écrit-il. Le congrès auquel il fait référence doit être celui de 1869 présidé, de nouveau, par Victor Hugo.
Par Marc-Monnier, Genève : F. Richard, 1871
Sur les réactions de la classe politique
Victor Hugo confirme son projet pour l’Europe devant l’Assemblée nationale, le 17 juillet 1851, dans son discours à l’encontre de la révision constitutionnelle demandée par Louis-Napoléon afin de pouvoir briguer un nouveau mandat présidentiel. La révision ne fut pas votée, précipitant le coup d’État du 2 décembre 1851. C’est au cours de ce discours de plus de trois heures qu’Hugo s’est violemment attaqué au prince-président, l’affublant du sobriquet de « Napoléon le petit », et prononce pour la première fois à l’Assemblée les mots d’ « États-Unis d’Europe »…
Le peuple français a taillé dans un granit indestructible et posé au milieu même du vieux continent monarchique la première assise de cet immense édifice de l’avenir, qui s’appellera un jour les États-Unis d’Europe !
Selon une note de l’éditeur :
« Ce mot, les États-Unis d’Europe, fit un effet d’étonnement […]. Il indigna la droite, et surtout l’égaya. Il y eut une explosion de rires, auxquels se mêlaient des apostrophes de toutes sortes. Le représentant Bancel en saisit au passage quelques-uns, et les nota. Les voici :
M. de Montalembert. – Les États-Unis d’Europe ! C’est trop fort. Hugo est fou.
M. Molé. - Les États-Unis d’Europe ! Voilà une idée ! Quelle extravagance !
M. Quentin Bauchard. – Ces poètes ! »
(Hugo Victor, Actes et paroles : I. Avant l'exil : 1841-1851. Paris, Michel Lévy frères, 1875, p. 334-335.)
Utopie, illusion, chimère, folie, extravagance… Les contemporains de Victor Hugo ne partagent donc pas tous la confiance qu’il exprime lors du Congrès de la Paix de 1849 en l’Europe et en l’avènement d’une paix durable. La « pensée hugolienne » évoluera elle-même vers plus de pessimisme avec l’exacerbation des tensions opposant la France et la Prusse.
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