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Le quadrilatère Richelieu, berceau de la finance

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Au cœur du deuxième arrondissement, entre la rue Richelieu et la rue Vivienne, un ancien palais princier abrite depuis trois siècles les collections de la Bibliothèque nationale de France. Découvrez l’histoire de ce site à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.

"Les Folies de nos grands peres et les notres : la rue Quincampoix-le Perron", estampe satyrique de 1797 faisant référence à la banqueroute de Law.

Si le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France est attaché au souvenir du cardinal Mazarin, de Voltaire, ou de Madame de Lambert, il occupe aussi une place particulière dans l’histoire de la finance. C’est en effet dans ses murs que se développa la Banque royale, première émettrice de papier-monnaie en France, à l’initiative d’un certain John Law.
 

Après la mort du cardinal Mazarin en 1661, son palais est partagé entre sa nièce Hortense Mancini, et son neveu Philippe, titré duc de Nevers. Quelques années plus tard, des raisons financières obligent le duc à céder une partie des bâtiments, puis son fils vend l’intégralité à John Law. Cet achat est suivi en 1720 par celui du lot d'Hortense Mancini : Law reconstitue, pour un temps, l'unité du palais.
 

John Law de Lauriston est un banquier et économiste écossais, inventeur d'un système financier pionnier dans l’utilisation du papier-monnaie, auquel il donna son nom. Considérant que la monnaie n’est qu’un simple moyen d’échange, il place le commerce comme base de la richesse d’un pays. Les idées de Law séduisent le Régent, et il est autorisé à créer dès 1716 une banque privée, la « Banque générale » et à développer le « papier d’État ».
 

Fort de son succès, Law crée en 1717 la Compagnie d’Occident, surnommée Compagnie du Mississippi, laquelle détient le monopole commercial avec la Louisiane. Son système a le vent en poupe : le 1er janvier 1719 sa banque devient royale, tandis que la Compagnie absorbe le commerce de l’Orient et devient la « Compagnie des Indes ».
 
Law décide d’installer le siège de sa banque dans l’ancien hôtel de Nevers, rue de Richelieu, tandis que la Compagnie des Indes est placée dans l’ancien hôtel Tubeuf, côté rue des Petits-Champs. L’Écossais confie à son architecte Armand-Claude Mollet – architecte du futur palais de l’Élysée – le soin de faire les aménagements : transformation de l’ancienne galerie bibliothèque du cardinal, ornée de peinture du vénitien Giovanni Antonio Pellegrini ; nouveau portail à doubles colonnes doriques pour l’hôtel Tubeuf ; et surtout création d’un nouveau bâtiment neuf dans la cour de l’hôtel de Nevers, en prolongement des galeries de Mansart.
 
Le 4 janvier 1720, John Law est au sommet de sa gloire et devient contrôleur général des Finances du royaume. Son ministère sera de courte durée : il prend fin le 29 mai 1720, avec l’effondrement du « Système Law ». En effet, la limitation de la thésaurisation des métaux précieux, la diminution des espèces, la suspension de la valeur libératoire de l’or, l’incitation à la dénonciation et la déportation de semeurs de faux bruits dans les colonies achèvent de discréditer l’Écossais. Dès le mois de mars, des rumeurs de banqueroute se répandent – c’est dans ce contexte que Paul Féval plaça une partie de son roman Le Bossu. En juillet 1720, après que des grands comme le prince de Conti ou le duc de Bourbon ont retiré leur or de la Banque, des émeutes éclatent devant les guichets de la rue Quincampoix, faisant plusieurs morts.
En quelques mois, le système s’effondre : les billets sont suspendus le 1er novembre, Law s’enfuit et s’exile à Venise le 14 décembre. De cette aventure financière, les français retiendront une méfiance tenace envers le papier monnaie. Cependant, la couronne a réussi à éponger une partie de la dette d’État, et la Compagnie des Indes connaît des décennies florissantes.
 

 

Cette dernière va demeurer dans l’hôtel Tubeuf jusqu’en 1769, puis sera remplacée par le Trésor Royal. Elle côtoie pendant cette période la Bourse, installée dans la galerie Mansart, au rez-de-chaussée du jardin. La Banque royale laisse quant à elle la place à la Bibliothèque du roi, jusqu’alors installée dans un petit hôtel de la rue Vivienne où elle manquait de place. Implantée dans l’ancien hôtel de Nevers et la galerie Mazarine, elle profitera des départs successifs de ses voisines pour récupérer l’intégralité de l’ancien palais cardinalice, puis s’agrandira au cours du XIXe siècle pour devenir le site Richelieu que nous connaissons aujourd’hui.
 
 
Pour aller plus loin :
Richelieu. Quatre siècles d'histoire architecturale au cœur de Paris, dir. Aurélien Conraux, Anne-Sophie Haquin et Christine Mengin, BnF Éditions/INHA, 2017.

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