Le japonisme littéraire

Judith Gautier (1845-1917), la fille de Théophile, publie, dès 1885, les Poëmes de la libellule, un recueil de poésies (88 tankas tirés du Kokinshû) librement adaptées du japonais à partir d'une traduction littérale du marquis Saionji Kimmochi et illustrées par le peintre Yamamoto Hôsui, tous deux étant alors étudiants à Paris. Mais elle est aussi l'auteur de plusieurs romans et nouvelles inspirés par l'histoire japonaise : L'usurpateur (1875), devenu un peu plus tard La soeur du soleil (1887), Komati (1893), Les seize ans de la princesse (1893), Les princesses d'amour (1900), ou La tisseuse céleste (1904).

C'est en tant qu'officier de marine que Pierre Loti (1850-1923) se rend par deux fois au Japon, la première en 1885 à bord de La Triomphante, et la seconde en 1900-1901, à bord du Redoutable. Il a peint le "pays des mousmés" dans plusieurs romans, les plus connus restant Madame Chrysanthème (1888) et ses "suites", Une page oubliée de Madame Chrysanthème (1893) et La troisième jeunesse de Madame Prune (1905), que son essai consacré aux Femmes japonaises (1893) vient compléter.

Peut-être inspirés par l'Anthologie japonaise (1871) de Léon de Rosny ou par celle de Judith Gauthier, Les poëmes de la libellule (1885), un certain nombre d'auteurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle composent dans ce qui leur semble être le "goût japonais". Le plus souvent, ce sont les formes classiques de la poésie française, tel le quatrain, qui sont mises au service de ce nouvel exotisme, non, parfois, sans quelque ironie...

Le Japon des romans populaires est étrange, voire fantastique (Un voyage au Japon, 1882 ; La vengeance du bonze, 1882 ; Le sosie, 1889 ; Contes japonais, 1893), et de plus en plus inquiétant après que les succès militaires contre la Chine (1894-1895) et la Russie (1904-1905) aient transformé le "pays des mousmés" en un empire menaçant (Dans l'oreille du Bouddha, 1904 ; Le message du Mikado, 1912). Mais c'est avec humour que Richard Cortambert (Impressions d'un japonais en France, 1864) et Harry Alis (Hara-Kiri, 1882) font de leurs Japonais de nouveaux Persans de Paris...

La marchande de sourire (1888), de Judith Gautier, n'est pas la première oeuvre dramatique inspirée par le Japon. Un siècle plus tôt, déjà, Fenouillot de Falbaire, dans Les Jammabos ou Les moines japonois (1779), s'y transportait pour mieux pouvoir s'en prendre aux Jésuites... Et dans la seconde moitié du XIXe siècle, sans même compter L'ile de la demoiselle (1865), de Zacharie Astruc (portrait par F. Bracquemond), jamais montée ni imprimée, Le couvent du dragon vert (1873) de Léon de Rosny - qui la publie sous un pseudonyme -, suivie de près par La belle Saïnara (1876) d'Ernest d'Hervilly, la précèdent d'une bonne décennie.

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Dès Manette Salomon (1867) des Frères Goncourt et ses belles pages consacrées aux "albums de dessins japonais", la littérature a, elle aussi, connu son japonisme... Les romans de Judith Gautier et, surtout, ceux de Pierre Loti en sont peut-être les manifestations les plus célèbres, Madame Chrysanthème demeurant emblématique de la mode japonaise fin-de-siècle. Mais du roman populaire friand de stéréotypes exotiques à une poésie plus sensible à l'influence formelle de l'Orient en passant par le théâtre, le phénomène a pu prendre toutes sortes de formes, parfois attendues, quelquefois plus surprenantes.