Manuscrits musicaux de Charles Gounod

Fasciné par le drame de Goethe, Gounod a longtemps songé au sujet de Faust. La rencontre avec les deux librettistes Jules Barbier et Michel Carré fut décisive et l’œuvre vit le jour en 1859. Considéré comme l’archétype de l’opéra français de cette deuxième moitié du XIXe siècle, le succès ne fut pourtant pas immédiat, sans doute en raison d’un renouvellement des stéréotypes alors en vigueur sur la scène lyrique. Mais l’intérêt du public fut constant et perdure encore aujourd’hui, preuve que le compositeur a touché des sentiments communément partagés. Les repentirs, les hésitations, puis les remaniements ultérieurs, visibles dans les manuscrits, montrent bien le travail d’un musicien toujours soucieux de trouver le ton juste.

Fruit de la collaboration avec les mêmes librettistes, Roméo et Juliette fut composé en 1865, sous le soleil du midi. La presse lui fit un accueil extrêmement favorable, estimant que Faust avait trouvé là son pendant. Si l’accent est mis sur ces deux chefs d’œuvre, il n’en faut pas pour autant négliger les autres ouvrages lyriques : Cinq-Mars, Sapho, Le Tribut de Zamora, La Nonne sanglante, et bien sûr Mireille, ou encore des œuvres aujourd’hui moins connues, tels l’opéra-comique La Colombe, la scène lyrique Fernand, et Polyeucte, élaboré dans des conditions difficiles qui, au grand désespoir de l’auteur, ne rencontra pas le succès escompté.

Supplantant peu à peu la romance encore très en vogue sous la Restauration, la mélodie s’imposa comme un genre plus raffiné tant du point de vue du choix des textes que de la musique, à l’image du lied allemand. La diversité de la production de Gounod est étonnante tant par les sujets abordés que du point de vue musical. Echelonnées de 1835 à 1893, ces mélodies sont écrites en français, en anglais (pour près d’un tiers d’entre elles) mais aussi en allemand ou en italien. Gounod a sélectionné des poèmes de qualité en puisant chez La Fontaine, Lamartine, Musset, Hugo, Théophile Gautier, Baïf ou Ronsard. Il en exalte les vers en y coulant la musique, avec un talent qui n’appartient qu’à lui. Cette parfaite adéquation de la prosodie à la musique et l’exigence de qualité qu’y a apporté le compositeur, a contribué à un renouvellement du genre, ce dont tous ses contemporains lui accordaient volontiers la primeur.

Sensible au sens des mots, à leur sonorité, au rythme induit par les vers, Gounod sait y juxtaposer une ligne musicale à l’harmonie subtile, qui met en valeur le chanteur sans pour autant effacer le pianiste accompagnateur, offrant ainsi un véritable dialogue entre les deux parties. Le choix des poèmes et la musicalité, font de chacune de ses mélodies des pièces ciselées, délicates, souvent plus difficiles à bien interpréter qu’il n’y paraît au premier abord.

C’est à Rome, où il séjourna de 1840 à 1842 en tant que pensionnaire de la Villa Médicis, que Gounod en l’entendant à la Chapelle Sixtine eut la révélation de la musique de Palestrina : « Cette musique sévère, ascétique, horizontale et calme comme la ligne de l’Océan, monotone à force de sérénité, anti-sensuelle, et néanmoins d’une intensité de contemplation qui va parfois jusqu’à l’extase ». Il demeura profondément impressionné par ce modèle dont on décèle les traces à travers les grandes partitions de musique vocale religieuse qu’il composera par la suite : oratorios, symphonie sacrée, messes, requiem. C’est aussi la rencontre avec Fanny et Felix Mendelssohn qui acheva de le convaincre de cultiver cette grande forme affectionnée des allemands qu’est l’oratorio.

De retour à Paris, Gounod accepte le poste de maître de chapelle à l’église des Missions étrangères. Il fût le point d’entrer dans les ordres mais y renonça. Des œuvres monumentales comme les deux trilogies sacrées Mors et vita et Rédemption, ou Gallia, écrite pour 1200 chanteurs et instrumentistes, impressionnèrent grandement ses contemporains.

« La grande affaire est d’établir la conduite d’un morceau, c’est-à-dire d’en créer d’abord les idées, les principes nets, clairs, dessinés avec précision. » C’est de ce grand principe, que Gounod appliquera à la perfection, que s’inspirera toute la génération de compositeurs qui le reconnaissait comme un maître.

La symphonie, mais aussi la musique de chambre et les œuvres pour instruments solistes occupent une place non négligeable dans le catalogue de ses œuvres. Seuls quelques exemples en sont ici accessibles avec les manuscrit de cette Danse roumaine pour piano-pédalier et orchestre et de ces pièces d’orgue et ces fragments de quatuor à cordes.