Catastrophes naturelles
Aussi ordinaires puissent-ils paraître, tempête, incendie, foudre, etc., étaient perçus comme des avertissements de Dieu. Les canards, remplis d’allusions bien comprises des contemporains, s’intéressent moins aux causes souvent inexpliquées de ces événements singuliers qu’à leurs finalités.
Les catastrophes sont perçues comme des prodiges annonciateurs d’autres événements. Aussi les signes avant-coureurs sont-ils observés et interprétés. Pour expliquer, par exemple, le pitoyable embrasement du Pont aux Oyseaux, & du Pont au Change de Paris; arrivé la nuict du 23. d'Octobre de l'annee presente 1621. Avec la perte d'une infinité de personnes & de thresors inestimables, « Nous pouvons dire que Dieu est extremement irrité contre notre France, & que l’enormité de nos vices a surpassé les bornes de la patience ». Les troubles religieux et les contestations contre le Roi provoquent un « fort advertissement de la part de Dieu, & qui nous donne un advis grand & ample de son courroux ». À travers les phénomènes naturels, se manifeste la puissance de Dieu, nous invitant à la repentance.
Les canards exaltent l’autorité du Roi, qui tire sa légitimité de Dieu, et ils encouragent les autorités, par le dévouement desquelles les conséquences des catastrophes sont diminuées. La discorde est punie, et « l’orgueil et la superbe » des rebelles frappés par la colère divine. Afin de disqualifier les séditieux, le lexique de l’horreur abonde, contrastant avec celui de l’obéissance, et les détails ne sont guère épargnés aux lecteurs. Dans l’Effroyable accident arrivé dans la ville de Castres par l’embrasement de leur magasin procedant de la foudre du ciel, « Les cris, les hurlements espouvantables esclatoient de toutes parts ; les pauvres corps surpris dans le lict & cruellement bruslez dans ces cruelles flammes effroyoient ceux qui hors de danger ne pouvoient donner secours ».
Accès partiellement sur Gallica intra muros
Caspar Peucer (1525-1602), érudit allemand et gendre de Philippe Mélanchthon, distingue les prophéties des Saints et les observations de la nature d’une part des impostures d’autre part. Selon lui, Dieu envoie des signes aux hommes, à qui il appartient de les déchiffrer. L’ordre de la nature a ainsi des causes, lesquelles donnent des conséquences. Mais le diable, contrefaisant l’œuvre divine, créé de fausses doctrines et des superstitions.
Dans Les Devins, ou Commentaire des principales sortes de devination, publié en 1584, il critique les « hommes mal instruis estimans que les sons et esclats des nuees & les flammes qui en sortoyent estoyent lancees de Dieu afin de chastier les fautes […], leurs docteurs publierent, sans apparence, qu’il y avait des coups & eslancement de tonnerres qui presageoyent un grand heur, et d’autres qui menaçoyent de quelque malheur. Les pluyes, neiges […], bruines, tonnerres, et autres tels meteores ne presagent rien : car ils ne proposent autre chose que les effects de leurs causes ».
Peucer propose d’organiser les champs de l’observation en deux disciplines : la Physiologie pour ce qui relève des effets ordinaires, et la Tératoscopie pour les prodiges.