Jean-Jacques Lequeu (1757-1826)

Aucun projet d’envergure de cet homme énigmatique, qui se rêva toute sa vie architecte, n’a été réalisé. Seul un don effectué à la Bibliothèque Royale peu de temps avant sa mort a permis de sauver son œuvre pléthorique – environ 800 dessins et 4 manuscrits répartis en douze recueils- de l’oubli.

C’est à Rouen, sa ville d’origine, que le jeune Lequeu  exécute ses premiers travaux. Au service de plusieurs architectes, dont Jean-Baptiste Le Brument, il réalise des projets pour des bâtiments civils et religieux. Les Plans et détails de l’Eglise de la Madeleine de Rouen (24 dessins) témoignent de son activité dans cette ville. En 1779, il part pour Paris et trouve un protecteur en la personne de Soufflot, le fameux architecte du Panthéon.  Malheureusement, ce dernier décède quelques mois après leur rencontre.  Auprès du neveu du premier Soufflot, François Soufflot dit le Romain,  Lequeu  est chargé de réaliser les aménagements d’un hôtel particulier parisien : ce sont les  Intérieurs et détails de l’hôtel de Montholon, composés de 103 dessins et de 5 manuscrits. A la fin de cette période de formation, il produit également une Relation du voyage de Lequeu en Italie, suivi d’une Addition à mon voyage à Rome avec des mesures plus justes, témoin d’un hypothétique « Grand Tour » effectué en 1780-1782.

L'Architecture civile est le cœur de l’univers de Lequeu. Cette œuvre poétique, poursuivie tout au long de sa vie, débute comme un manuel de dessin d’architecture : on y apprend comment dessiner au lavis, comment tracer une sphère ou un fût de colonne. Mais très vite, l’objectif dérive et l’ouvrage devient un itinéraire dans un parc fantasmé, dans un territoire de légendes. Les dessins sont truffés de références au Songe de Poliphile, célèbre ouvrage néo-platonicien de la Renaissance, à Rabelais, à l’Histoire Naturelle de Buffon, au Paris de la Révolution. Les dessins sont également parsemés de longues annotations, dans une écriture soignée et élégante, qu’il faut prendre le temps de regarder pour entrer dans son univers.

Ce corpus réunit les Projets d’architectures (156 dessins, 9 manuscrits) et les Détails d’architecture, ornements (111 dessins). Contrairement à l’ Architecture civile, mise en ordre  par Lequeu avant le don à la Bibliothèque Royale, ces recueils ont constitués au Cabinet des Estampes à partir des porte-feuilles du don et font se juxtaposer croquis, plans et dessins. Il s’agit principalement de projets proposés avant et pendant la période révolutionnaire, entre 1783 et 1794, pour diverses commandes non menées à terme et des concours pour lesquels il n’a pas été retenu, tel ceux lancés par la Convention nationale au cours de l’an II de la République. Les Détails, dont les dates sont incertaines, comprennent notamment des dessins inspirés de l’Italie et des idées d’aménagement. ces deux recueils ont été récemment complétés par de nouvelles pièces auparavant réparties dans les collections.

Les Etudes de figures, principes de dessin, paysages ainsi que les Scènes et paysages reflètent le goût du XVIIIe siècle pour le portrait. Dans ce corpus, on trouve des autoportraits, des grimaces (type d’œuvre alors en vogue), des relevés de bas-reliefs, des copies d’antiques, des scènes de genre, des allégories parfois mystérieuses. La Nouvelle méthode appliquée aux principes du dessin, tendant à perfectionner graphiquement le tracé de la tête de l’homme au moyen de diverses figures géométriques, rédigée à la même époque, soit entre 1791 et 1798, propose d'appliquer à la représentation du visage les principes de la géométrie.

Les Calques et détails relatifs à des machines hydrauliques, artillerie, instruments de mathématique, etc., plus tard intitulés Mécanique de Lequeu ont été constitués à la Bibliothèque royale après la mort de Lequeu. Ils rassemblent des dessins de machines, des cartes géographiques et des schémas de mécanismes qui montrent l’intérêt du personnage pour les techniques et rappellent que faute de carrière d’architecte, il fut successivement employé au cadastre et à l’Ecole polytechnique. Par ailleurs, celui qui n’hésite pas à se présenter comme ingénieur écrit en 1789 un Précis méthodique pour apprendre à graver le lavis à l'eau-forte, ainsi qu'une Lettre sur le beau savonnage qu’on pourroit appeler Savonnement de Paris, adressée aux mères de famille, véritable traité de blanchisserie,en 1803.

Ce corpus regroupe 27 dessins érotiques placés très tôts dans la "Réserve libre" (Enfer) du Cabinet des Estampes : hermaphrodite, priapes et bacchantes, sexes d’hommes et de femmes accompagnés d’annotations « cryptées » en alphabet grec ne doivent pas faire oublier que l’érotisme est présent dans tout l’œuvre de Lequeu, chez qui désir et architecture sont étroitement liés.

Pour des raisons de conservation, les pièces de grand format font l’objet d’un recueil séparé. Elles comprennent des relevés d'antiques, des plans de forteresses, des projets destinés à être montrés au public et un portrait.

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A travers sept thématiques, le parcours que Gallica vous propose permet de suivre l’évolution de l’artiste et d’aborder l'ensemble de sa production. Aux projets de jeunesse succèdent les pièces maîtresses de l’Architecture civile, recueil de dessins de bâtiments et de paysages fantasmagoriques. L’ensemble composé des Projets et des Détails complète l’essentiel de son œuvre architectural. Même s’il ambitionne d’être reconnu avant tout comme architecte, Lequeu applique également son imagination et son talent à des domaines variés : les portraits, scènes de genres et paysages, mais aussi dessins technqiues et de machines. Les dessins érotiques ont été regroupés dans l’Enfer du Département des Estampes. Le septième et dernier ensemble est composé  d’œuvres de grand format.

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