Bouquinistes parisiens du XIXe siècle

En 1848, le bibliophile Jacob (Paul Lacroix (1806-1884), faisait précéder Ma République, où les alea d’un exemplaire de la République  de Jean Bodin sont relatés, d’une étude savoureuse sur les « amateurs de vieux livres (bouquinistes, bibliomanes, épiciers,  bibliophiles et bouquineurs) ». Ce personnage a fait l’objet d’un portrait en 1869, par son ami le polygraphe Eugène de Mirecourt.

En 1857, Adolphe de Fontaine de Resbecq  avait invité avec un brin de condescendance   ses amis bibliophiles de province à des Voyages littéraires sur les quais de Paris (ici dans la 2e édition, de 1864) offrant l’occasion d’un survol de quatre siècles de littérature.

En 1860, Charles Asselineau (1820-1874) témoignait sur L’enfer du bibliophile qu’il venait de traverser, non sans bonheur : « c’est sur les quais que se forment les collections impossibles, que se ramassent les riens qui valent de l’or ».

En 1861, dans le cadre des Mémoires d’un bibliophile,  Jean-Baptiste Tenant de Latour (1779-1862) était  amené à évoquer le monde de la librairie ancienne parisienne et celui des bouquinistes des quais.

En 1866, dans ses Boîtes à quatre sols, Johannès Guignard, de la Bibliothèque impériale,  proposait  une pérégrination bibliographique  dans ses pas.

Très tôt s’installa l’idée d’une sorte de paradis perdu : on ne trouve plus sur les quais de ces raretés insignes à vil prix qui y abondaient hier, déplorait-on. Le « pêcheur à l’incunable » était  l’un de ces bibliophiles désappointés.

Octave Uzanne (1851-1931) donna en 1893  Bouquinistes et bouquineurs, surtitré physiologie des quais de Paris du Pont Royal au Pont Sully. Dans  l’exemplaire ici présenté, le collectionneur avait pris soin de joindre l’élogieuse critique d’Anatole France.  Auparavant, ses Caprices d’un bibliophile, de même que  Les zigzags d’un curieux avaient été l’occasion de donner  des portraits de ce petit monde.  Antoine Laporte (1835-1899), lui-même bouquiniste, lui répondit  aussitôt par Les bouquinistes et les quais de Paris tels qu'ils sont : réfutation du pamphlet d'O. Uzanne. Après la mort de celui-ci,  un certain commandant Quenaidit dressait en 1911 son  portrait de en forme d’hommage.

En 1894, pour le cinquantenaire de la mort de Charles Nodier, on réédite son conte Le bibliomane orné de gravures de Maurice Lenoir, qui avait été publié dans la célèbre série offerte à l'éditeur Ladvocat, Paris ou le livre des cent et un.

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« Bouquiniste : on appelle ainsi un homme qui arpente tous les coins de Paris, pour déterrer les vieux livres & les ouvrages rares, & celui qui les vend. Le premier visite les quais, les petites échoppes, tous ceux qui étalent des brochures ; il en remue les piles qui sont à terre ; il s’attache aux volumes les plus poudreux, & qui ont la physionomie antique. Ce n’est que de cette manière que l’on trouve à bas prix les ouvrages les plus curieux. » Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, chapitre 144, 1782.

Depuis l’Ancien régime, les quais de Paris sont le lieu de prédilection des vendeurs de livres d’occasion et le rendez-vous de leurs clients, fureteurs de vieux livres et bibliophiles. Au milieu du XIXe siècle, la profession s’est officialisée, et les boîtes, célèbres dans le monde entier, participent de la physionomie –voire de la physiologie– de Paris. On dispose de nombreux témoignages de littérateurs, tour à tour ou simultanément clients, amis, adversaires, concurrents, bénéficiaires ou victimes de ces commerçants avisés. C’est que le livre, s’il adoucit souvent les passions, les exacerbe  parfois ; le caractère bien trempé des uns et des autres  fait le reste.

Quelques titres disponibles dans Gallica sur ce thème, et celui, plus large, de la librairie parisienne ancienne du XIXe siècle :