"Je suis l'chef d'un' joyeus' famille ; d'puis longtemps j'avais fait l'projet d'emm'ner ma femm', ma sœur, ma fille voir la r'vu' du quatorz' juillet. Gais et contents, nous étions triomphants de nous voir à Longchamp ; le cœur à l'aise, sans hésiter, nous voulions tous fêter, voir et complimenter l'armée française."
Souvenirs de Paulus sur la création et la réception d' En revenant d'la revue :
"C'était le 14 juillet 1886. Il avait fait un temps superbe toute la journée et, dès huit heures du soir, la foule envahissait les cafés-concerts des Champs-Élysées... Ce soir-là, dans la salle comme dans les loges d'artistes, on ne causait que de l'évènement du jour : la revue de Longchamp où la population parisienne avait acclamé le général Boulanger...
Quelque temps auparavant j'avais entendu et remarqué dans un ballet de Desormes, joué aux Folies Bergère, une marche dont le rythme entraînant m'avait empoigné. Je priais Desormes de distraire cette marche de son ballet, d'y faire quelques modifications et adjonctions que j'indiquai et de confier le soin de composer les paroles à Delormel et Garnier. Il fit ce que je lui demandais, avec son talent habituel, et j'eus : En revenant d'la revue. [...]
Après deux premières chansons, applaudi et rappelé par toute la salle, je chantai : En revenant d'la revue. Ce furent des acclamations enthousiastes ! Je connus la grande ivresse ! Tous les spectateurs, debout, battaient des mains ! Je dus bisser, trisser. Je ne pouvais plus quitter la scène.
Pendant quinze ans, à Paris, en province, à l'étranger, on me demanda : En revenant d'la revue. À une soirée chez le ministre Granet, je la chantai devant le général Boulanger, qui, naturellement, m'applaudit avec chaleur et vint me serrer la main en me disant : « Tous mes compliments, mon cher Paulus ! Et à l'année prochaine ». L'année suivante, le vent avait changé, le ministre aussi. C'était la première fois que je voyais le général Boulanger. Ce fut la dernière. »
1908, Octave Pradels, Trente ans de café-concert, souvenirs de Paulus (recueillis par Octave Pradels - 300 illustrations. 60 chansons), Paris, Société d'édition et de publications 460 p.