Pensée politique de la Renaissance et du XVIe siècle

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Claude de Seyssel est un évêque et juriste savoyard, conseiller et maître des requêtes de Louis XII, ayant occupé de nombreuses fonctions diplomatiques. Outre ses traductions des auteurs grecs, il est l’auteur de plusieurs ouvrages de droit et de théologie. Il compose notamment en 1515 sa Grant Monarchie de France, qu’il dédie à François Ier. Il s’y montre le partisan d’une monarchie absolue tempérée par ces trois freins que sont la religion, la justice et la « police », c’est-à-dire la coutume et les lois fondamentales du royaume.

D’ancienne famille florentine, Machiavel occupe diverses fonctions politiques sous la République de Florence. Il est brièvement emprisonné lors du retour des Médicis au pouvoir en 1512, avant de se retirer dans sa villa de campagne où il écrit ses œuvres. La plus célèbre, Le Prince, dédiée à Laurent II de Médicis, est à l’origine de la réputation d’amoralisme de Machiavel, bien qu’elle ait donné lieu à diverses interprétations au cours de l’histoire. Mais les Discours sur la première décade de Tite-Live sont le principal ouvrage théorique de Machiavel, dans lequel il développe sa réflexion sur la meilleure forme de république.

Juriste, théologien et humaniste anglais, ami d’Érasme, Thomas More exerce de hautes fonctions politiques auprès du roi Henri VIII ; son opposition au divorce du roi entraîne sa condamnation à mort en 1535, après la rupture entre Henri VIII et l’Église catholique romaine. Il est surtout connu pour son œuvre Utopia, fiction littéraire décrivant une société idéale. Plutôt qu’un programme politique, c’est une critique en contre-pied de la société de son temps, notamment au point de vue des inégalités sociales.

Francesco Guicciardini, aussi dit Guichardin, est un diplomate, historien et philosophe politique florentin. Ami de Machiavel, avec lequel il a beaucoup correspondu, il l’a critiqué dans ses Considérations sur les Discours de Machiavel. Il est surtout l’auteur d’une monumentale Histoire de l’Italie, dans laquelle il compile les observations politiques de toute sa vie passée au contact de grandes figures politiques italiennes de son époque.

Théologien obsédé par l’essence pécheresse de l’homme et la question du salut, Martin Luther initie la Réforme de l’Eglise et fonde le protestantisme. Bien qu’en fissurant l’unité de la foi, il ait pu fragiliser l’unité politique du Saint-Empire romain germanique, il ne cesse toutefois d’appeler à la soumission au pouvoir temporel ; l’exigence de l’obéissance au prince, même s’il est mauvais, découle de la volonté divine. C’est la doctrine des deux règnes, temporel et spirituel, auquel tout chrétien doit le respect absolu. La riche iconographie disponible dans Gallica est présentée dans l'article "Luther, une vie en image".

Étienne de la Boétie est un humaniste et poète de la Renaissance, ami de Montaigne. Il est surtout célèbre pour son Discours de la servitude volontaire, sous-titré Le Contr’Un, qui est un réquisitoire contre l’absolutisme, dans lequel La Boétie cherche à élucider les rapports de domination et d’obéissance entre gouvernants et gouvernés. Il souligne notamment la responsabilité des gouvernés dans le maintien d’un régime tyrannique. C’est à lui qu’on doit la phrase célèbre : « Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. »

Aumônier des conquistadors, Las Casas entre dans l’ordre des dominicains après l’échec de sa mission de colonisation pacifique. C’est l’homme de la controverse de Valladolid, débat voulu par Charles Quint pour statuer sur la légitimité de la conquête des terres amérindiennes. Dans cette tentative de définition de la « guerre juste » et de l’exercice légitime du pouvoir, Las Casas s’oppose au théologien Sépulveda, et condamne la colonisation par la force et l’esclavage. On retrouve ses prises de position notamment dans La découverte des Indes Occidentales, l’Histoire des Indes, et l’Histoire apologétique des Indes.

Chancelier de France, proche collaborateur de Catherine de Médicis auprès de laquelle il prône la tolérance civile comme condition de conservation de la res publica, Michel de l’Hospital est l’artisan opiniâtre, quoique malheureux, d’un rapprochement entre catholiques et protestants. Malgré son échec formel, le colloque de Poissy (1561), dont il a l’initiative, reconnaît le principe de liberté de conscience et de culte des réformés. Il mène un grand travail de réforme de l’Etat : après la proclamation de la majorité de Charles IX, il limite le pouvoir du Parlement à la seule sphère judiciaire (Ordonnance de Moulins, 1566), affirmant l’autorité divine du roi qui, pour garantir la paix, ne peut souffrir aucune discussion. II incarne l'alliance de l'absolutisme et de la modération.

Innocent Gentillet est un avocat et jurisconsulte calviniste, deux fois exilé à Genève. En 1576 il écrit son Discours sur les moyens de bien gouverner… (aussi connu sous le titre Anti-Machiavel), qui est une attaque virulente contre l’impiété et l’amoralisme des doctrines de Machiavel et contre l’entourage de Catherine de Médicis, accusé de vouloir propager cette manière de gouverner. A ce titre, il a contribué à forger ce qu’on a appelé par la suite la « légende noire » de Machiavel.

François Hotman est un jurisconsulte et polémiste huguenot, représentant du courant « monarchomaque ». Son ouvrage le plus connu, Franco-Gallia ou La Gaule françoise (1573), écrit en réaction au massacre de la Saint-Barthélémy, est une protestation contre l’idée de souveraineté absolue des rois, qui est à ses yeux une innovation illégitime. Invoquant l’exemple des Gaulois et des Francs à l’appui de sa thèse, il plaide pour le droit d’élection et de déposition des rois par des assemblées représentatives souveraines.

Après une carrière de juriste et diplomate, Montaigne se retire sur les terres dont il a hérité. Il continue de participer à la vie politique, notamment comme Maire de Bordeaux, mais se consacre aussi à la publication des oeuvres de son ami La Boétie et à l’écriture des Essais qui se poursuit jusqu’à sa mort. Il y fait œuvre de philosophe et moraliste, synthétisant la culture humaniste pour peindre l’âme humaine en se peignant lui-même avec la plus grande honnêteté. Ce point de vue nouveau concentre l’attention exclusivement sur la vie terrestre individuelle et sociale.

Jean Bodin est un philosophe, économiste et magistrat français. Son œuvre est fortement marquée par la pensée humaniste de la fin du XVIe siècle. Il joue un rôle politique durant les guerres de religion et prône la tolérance vis-à-vis des huguenots, dans le but de maintenir la paix civile. Il est également député du tiers-état aux Etats généraux de Blois en 1576.

Théologien, successeur de Calvin à la tête de l’Église réformée de Genève, il écrit notamment en 1574 le De jure magistratuum (Du droit des magistrats), où il défend les thèses monarchomaques en s’appuyant sur la théorie dite des « magistrats inférieurs » : tous les pouvoirs ont été institués par Dieu, y compris les pouvoirs locaux et de rang inférieur, qui détiennent une part de la souveraineté ; c’est à eux que revient le droit de résister à un roi devenu tyran, au besoin par les armes.

Juriste d’origine écossaise, William Barclay étudie le droit à Bourges, avant de l’enseigner à Pont-à-Mousson et Angers. Partisan de l’absolutisme naissant, il est l’auteur en 1600 d’un ouvrage de polémique, De regno et regali potestate, dirigé contre les thèses des auteurs « monarchomaques » français et anglais de son temps, qui contestent les excès du pouvoir royal. Son traité De la puissance du pape est une protestation contre les empiétements de la papauté sur les prérogatives des souverains temporels.

Jésuite, défenseur de la thèse thomiste du pouvoir indirect de la papauté sur l’autorité temporelle des souverains, il soutient l’idée que le pape peut déposer les rois et délier leurs sujets du devoir d’obéissance. Son ouvrage De potestate summi pontificis (Cologne, 1610) est brûlé publiquement après l’assassinat d’Henri  IV. Il pense, comme saint Thomas, que le pouvoir vient de Dieu par l’intermédiaire du consentement populaire : c’est donc un opposant à l’absolutisme naissant, et ses thèses seront attaquées dans le Léviathan de Hobbes.

Althusius est un philosophe et théologien allemand calviniste, auteur notamment de la Politica methodice digesta (1603). Il y expose sa conception fédéraliste de la société comme imbrication de communautés « symbiotiques », de la famille à l’État en passant par la corporation professionnelle, la cité et la province. Il s’efforce ainsi de concilier le pouvoir du souverain avec les libertés des échelons inférieurs de la communauté, ce qui fait de lui un précurseur du fédéralisme.