Voyager au Japon au 19e s.

Avec les progrès de la navigation à vapeur, se crée au milieu du XIXe siècle, de grandes entreprises maritimes destinées en partie aux transports de voyageurs, dans des navires conçus à cet effet, les paquebots. Les Messageries maritimes (MM) fondées en 1851 à Marseille, desservent les lignes postales et contribuent à l’essor et à l’avènement du tourisme maritime. L'expansion coloniale marque leur âge d'or. Elles possèdent la concession de nombreuses lignes intercontinentales dont la ligne d' Extrême Orient qui s’ouvre en 1866.

De grands hôtels sont construits dans les ports et villes du Japon où affluent les visiteurs étrangers. Par leur architecture et leurs matériaux, qui empruntent à ceux des grands établissements européens, ils deviennent les symboles de l’occidentalisation rapide du pays. Citons : l'hôtel Tsukiji (Tôkyô, 1868), Yokohama Grand Hotel (Yokohama, 1870), l’hôtel Seiyokân (Tôkyô, 1873), le Rokumeikan (Tôkyô, 1883).

Les premiers guides de voyage européens sur le Japon commencent à paraître en anglais dès les années 1860 : le Guide Murray à la célèbre couverture rouge - d'où son surnom de "Red Book" -, ou le Guide de Satow du nom de son auteur, le diplomate anglais Ernest Mason Satow. Ils décrivent les sites remarquables, présentent leur histoire, les légendes qui y sont liées. Le voyageur y trouve également des informations pratiques sur les itinéraires, les moyens de transport et l’hôtellerie.

Le Japon s'est doté depuis le XVIe siècle d’un important réseau de communication intérieure constituée de cinq grandes voies principales (Gokaidô). Elles partent du pont Nihonbashi, au cœur d’Edo, et sont ponctuées de barrières (sekisho) destinées à contrôler les mouvements de la population. La littérature des récits de voyage sur le Japon témoigne de l’importance de ces voies de communications qui conduisent aux sites les plus prisés par les touristes européens à partir des années 1870 : Edo, Nikkô, Kamakura et Kyôto. Le charme des routes intérieures du Japon sera un thème abondamment couvert par les récits d’excursions ou de voyage autour du monde produits par les voyageurs européens entre les années 1870 et 1910.

Le voyageur fréquentant les routes du Tôkaidô ou du Nakasendô peut faire une halte dans les nombreuses auberges-relais qui jalonnent ces routes. La route du Tôkaidô compte cinquante-trois étapes, qui furent mises en image par les deux plus grands paysagistes de l'estampe japonaise, Hiroshige et Hokusai. Celle du Nakasendô en possède soixante-neuf. Le long du Tôkaidô, chaque ville-étape peut offrir un nombre non négligeable d’auberges exerçant à l’année leur activité d’hébergement. Ces auberges sont très souvent évoquées, par exemple dans les meisho zue (livres illustrés de vues célèbres) de la seconde moitié de l’époque d’Edo et certaines comme celle de Hakone ou Kusatsu jouissaient d’une grande renommée pour les services proposés et leur gastronomie.

Au Japon, au milieu du XIXe siècle, les premiers visiteurs ne disposent pas encore de voiture à roue ou de machine de locomotion. La circulation des touristes étrangers à travers l’archipel reste matériellement difficile : "La circulation a lieu à cheval, en chaise à porteur, ou tout simplement à pied" (E. Fraissinet, Le Japon contemporain, 1857). Pour de longues excursions à l’intérieur du pays, ils emprunteront un nouveau moyen de transport, dédié à cet effet : le jinrikisha ("pousse-pousse"). Cette voiture à traction humaine, inventée par Izumi Yôsuke en 1869, permettra le développement de ce type d'excursion, prisé par les occidentaux.

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Le Japon devient peu à peu une des étapes incontournables pour tout voyageur occidental désireux d’accomplir un voyage autour du monde, à l’image du  héros du Tour en monde en quatre-vingt jours (Jules Verne, 1872). Pour accueillir le flot de ces touristes de passage, de grands hôtels sont construits dans les principales villes de l’archipel dès les années 1860. On assiste à une modernisation des moyens de transport favorisant une découverte du Japon de l’intérieur. Les routes du Tôkaidô et du Nakasendô (ou Kisokaidô) deviennent en partie carrossables, et les auberges d’étape proposent des collations à l'occidentale.