Un Japon rêvé : du XVIe au XVIIIe siècle

Dicté en 1298 par le marchand vénitien Marco Polo après 24 ans de voyages à travers le monde, le Devisement du monde, plus connu sous le titre de Livre des Merveilles, est le premier récit de voyage occidental à mentionner le Japon ; ce pays y est appelé "Cipango", d’après le nom chinois Jih pen kuo « Pays du soleil levant ». L’ouvrage circule sous forme de manuscrits, parfois magnifiquement enluminés. La première édition en "vulgaire francois" paraît en 1556.
Marco Polo décrit le Japon par ouï-dire, d’après des contacts avec les marchands arabes, qui eux-mêmes commerçaient avec la Chine. Son récit alimente le mythe d’un nouvel Eldorado, le "pays aux toits d'or », vers lequel les Européens - dont Christophe Colomb - lanceront nombre d'expéditions dans l'espoir de le découvrir..

C’est dans le sillage de la découverte du Japon en 1543 par des navigateurs portugais, que débute la première mission chrétienne en 1549. Elle est menée par le père jésuite François Xavier, ami d’Ignace de Loyola et co-fondateur de la Compagnie de jésus.
En 1552, année de la mort de François Xavier, une première anthologie des lettres du père jésuite est publiée à Coïmbre. L’humaniste Guillaume Postel dans ses Merveilles du monde (ca. 1550) s’en inspire pour dresser le portrait d’un pays aux antipodes du nôtre, où l’on trouve « les choses les plus admirables du monde ».

En 1585, après trois années de voyage, une ambassade de jeunes chrétiens japonais est reçue en audience à Rome le 23 mars, par le pape Grégoire XIII. Cette ambitieuse entreprise est le fruit de la ténacité du jésuite Alessandro Valignano, qui échafauda ce projet à son retour de mission en Asie en 1581.

Une seconde mission vers l’Europe est commanditée en 1615 par l’un des plus puissants daimyô de l’époque, Date Masamune, seigneur de Sendai, favorable aux chrétiens et curieux des techniques occidentales. Elle est confiée à  l’un de ses vassaux, converti au christianisme, Rokuemon Tsunenaga Hasekura, ambassadeur "globe-trotter", qui parcourt aussi le Mexique, Cuba et, lors du voyage de retour, les Philippines.

Face à l’expansion de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC) en Extrême-Orient, Louis XIV cherche un homme d’expérience pour établir une Compagnie française des Indes orientales. En 1665, Colbert, alors contrôleur des finances, charge François Caron, Néerlandais issu d’une famille française huguenote, de prendre la direction commerciale de la compagnie, et le fait alors naturaliser français.

Après l’expulsion définitive des Portugais en 1639, la VOC (Compagnie hollandaise des Indes orientale, Vereenigde Ostindische Compagnie) transfère ses établissements commerciaux vers le seul lieu où sont admis les étrangers : la concession de Dejima, îlot artificiel construit dans le port de Nagasaki. La factorerie hollandaise accueille des commerçants, mais aussi des savants d’origine européenne, médecins, botanistes, historiens. Ils rassemblent des renseignements sur le Japon avec l’aide des interprètes, notamment lors des visites du directeur de la factorerie au shôgun.

>

La description fabuleuse que Marco Polo fait du Japon dans son Devisement du monde alimente la fascination des Occidentaux durant toute la fin du moyen âge et le début de la Renaissance.

Au milieu du XVIe siècle, les premiers négociants et missionnaires portugais débarquent au Japon, nouvelle terre de conquête commerciale et religieuse. Leurs comptes rendus circulent en Europe, sous forme imprimée. Avec le revirement du shôgun Hideyoshi (1537-1598) commencent les premières persécutions : le "siècle chrétien" s'achève en 1640, avec l'expulsion des derniers Portugais et la fermeture du pays aux étrangers.

Seuls les Hollandais, peu soupçonnés de prosélytisme religieux, sont admis à séjourner en terre japonaise, sur un minuscule îlot jouxtant le port de Nagasaki : Deshima. De là, les savants au service de la Compagnie hollandaise des Indes (VOC) étudient la civilisation japonaise. L'influence de leurs écrits se laisse sentir sur les philosophes des Lumières, pour lesquels le Japon sert de contre exemple (voir "le Japon dans l'Encyclopédie"). Jusqu’en 1850, au moment de la réouverture du pays, le Japon reste l’objet d’imaginations exotiques, comme par exemple dans les fictions littéraires du XVIIIe siècle.