L'invention du japonisme

C'est Philippe Burty (photographie par Carjat) qui crée le mot en 1872 pour une série d'articles publié dans La Renaissance littéraire et artistique (1ère année : n° 4, 8,11, 14, 16 ; 2ème année : n° 1). Grand collectionneur d'art japonais, c'est d'abord à lui-même et à ses complices en japonisme (Henri Fantin-Latour, Félix Bracquemond, Zacharie Astruc...) qu'il applique le terme, défini comme un "caprice de dilettante blasé"... Car le néologisme désigne d'abord une mode, un engouement pour l'estampe ou le bibelot japonais.

Même si très tôt plusieurs auteurs pointent l'influence de l'art japonais sur l'art moderne, sur Les peintres impressionnistes (1878) en particulier, tel Théodore Duret, ce n'est qu'au cours des années 1890 que deux historiens d'art ébauchent une vision d'ensemble du phénomène. Le premier, Roger Marx, publie un article Sur le rôle et l'influence des arts de l'Extrême Orient et du Japon dans le dernier numéro du Japon artistique (avril 1891), où il va jusqu'à comparer cette influence à celle exercée sur les arts de la Renaissance par l'Antiquité.

Il appartient à l'historien d'art allemand Richard Graul d'avoir été le premier, en 1906, à consacrer une monographie entière à l'influence de l'Extrême-Orient sur les arts européens, où sont étudiés à la fois le goût chinois des XVIIe-XVIIIe siècles et le japonisme du siècle suivant. Rien d'équivalent en France au même moment, même si l'étude de Louis Aubert sur Harunobu et Toulouse-Lautrec (La Revue de Paris, 15/02/1910) est peut-être la première à mettre ainsi en parallèle un artiste français et un artiste japonais...

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"Et quand je disais que le japonisme était en train de révolutionner l’optique des peuples occidentaux…" (Edmond de Goncourt, Journal, 19 avril 1884).

Une "révolution qui fut une révélation, ce délicieux 93 de bambous où ne furent guillotinés que des magots, des iris et des libellules", comme l'écrit avec déjà tant de nostalgie Robert de Montesquiou dans Japonais d'Europe (1897).