Le Tennis, jeu, sport et marqueur social, 2/2
Né à la fin du XIXe siècle, le tennis, d’abord pratiqué par quelques clubs anglais, conquiert l’Europe en quelques décennies grâce au tourisme balnéaire.
« The tennis courts below the ramparts »
Boulogne. A Base in France : being 32 drawings from the sketchbook of Capt. Martin Hardie, [19..]
Le tennis, jeu ou sport ?
Dès l’origine, deux directions se dessinent. Un tennis ludique est pratiqué par la bonne société, à la plage ou à la campagne, en groupe mixte lors de réunions familiales ou amicales. Une pratique plus compétitive apparait peu à peu. Des championnats interscolaires comme ceux de la SSIP, société de sport de l'île de Puteaux, puis nationaux sont organisés dès 1895 en France sur le modèle de Wimbledon où eut lieu le premier championnat de lawn-tennis en 1877.
Championnat double interscolaire de l'Union, Cercle de Puteaux, 21-26 mai 1896
Le Sport universel illustré, 1er octobre 1895
M. Vacherot, le champion de tennis du Racing club de France
Le sport universel illustré, 1er janvier 1897
Le tennis devient un sport à part entière. Pierre de Coubertin s’y intéresse. Il parvient à le faire retenir comme discipline olympique lors des jeux de 1896. John Pius Boland (Royaume-Uni) s'y illustre en simple, ainsi qu'en double en compagnie de Friedrich Traun (Allemagne).
Les Jeux olympiques en 1896, La Bicyclette, 30 avril 1896
Dans les années 1920, le tennis se professionnalise. La carrière de Suzanne Lenglen, cette championne toute catégorie à laquelle est consacré un billet illustre cette transition difficile entre le statut d’amatrice et celui de professionnelle. Après un match contre Helen Wills, qualifié par la presse de « match du siècle », le 17 février 1926 et des déboires avec la presse britannique, elle décide de « jeter aux orties sa blanche hermine » et de se professionnaliser, mais encourt de ce fait les reproches de la Fédération française de tennis et des journalistes.
Pourquoi après avoir fait la fortune de tous ceux pour qui j'ai joué, ne songerais-je pas à mon avenir ? Ceux que j'ai enrichis m'aideraient-ils, si, un jour, j'avais besoin d'eux ? Non ! Tant que j'ai été amateur, j'ai suivi les règlements imposés. Maintenant je préfère devenir professionnelle.
Les débuts, en Amérique, de Suzanne Lenglen comme professionnelle
Le Miroir des sports, 12 octobre 1926
La Fédération française de tennis est contrainte de modifier sa définition de l’amateurisme pour éviter de perdre ses meilleurs joueurs. Ce faisant, elle s’oppose au Comité international olympique (CIO) qui, en 1928, exclut le tennis des disciplines olympiques. Il ne sera réintégré qu’en 1988 aux Jeux de Séoul.
Le tennis, marqueur social
La tension entre amateurisme et professionnalisme traverse l’histoire du sport jusqu'à aujourd'hui.
Le modèle du sport amateur trouve son origine dans les clubs anglais dominés par l’aristocratie et ses valeurs. L’amateur, par définition, ne doit retirer aucun avantage matériel ou financier de sa pratique. En France également, des aristocrates, comme Coubertin ou Jenzé, sont, à la fin du XIXe siècle, des promoteurs de la pratique du sport. Ils parviennent à imposer cette obligation de l’amateurisme, notamment aux Jeux olympiques où le CIO applique strictement cette règle, conformément aux principes du Congrès de 1894.
Durant l’entre-deux-guerres, la pratique du sport se développe et gagne l’ensemble de la société, y compris les classes populaires. Différentes initiatives encouragent la démocratisation de la pratique du tennis. En 1920 les championnats populaires des Tuileries font leur apparition sous le patronage d'Adine Masson, figure pionnière du tennis féminin en France (elle fut la première gagnante des championnats de Paris en 1897). En 1938 Borotra promet la création de « cent courts au Bois de Boulogne et cinquante au Bois de Vincennes pour le tennis populaire ».
Le professionalisme apparaît qui rentre frontalement en conflit avec la conception aristocratique et élitiste du sport, comme le rappelle le billet Bandes d’amateurs !
Le conflit est d’autant plus violent au tennis que ce sport fait partie des sports aristocratiques avec l’équitation, le golf ou l'escrime. Apprendre à jouer au tennis fait partie de toute bonne éducation bourgeoise ou aristocratique. Le terme tournoi qui évoque la chevalerie et les joutes aristocratiques est utilisé aux échecs, au polo et dès l’origine au tennis. À l’origine, le tennis est considéré comme un descendant du jeu de paume (il tire son nom du français « tenez » utilisé avant le service dans ce jeu), pratiqué à la Cour de France jusqu’au XVIIe siècle.
Plus que d’autres sports, il est associé à la bonne société. Il est pratiqué par les classes oisives dans les stations balnéaires à la mode. On en trouve l’écho dans les gazettes mondaines, comme on le voit dans cette chronique de L'Art et la mode : journal de la vie mondaine de 1891 : « A Dinard, l’arrivée du grand-duc Michel Michaïlovich a donné une impulsion nouvelle aux fêtes de bienfaisance. Sur la plage le lawn-tennis fait fureur. », événement abondamment repris par ailleurs.
Présenté, avant la Première guerre mondiale, comme « le sport favori des rois et des princes », la pratique du tennis, nouvelle activité de loisir et de sociabilité, restera longtemps une pratique socialement discriminante et ce, malgré la généralisation du professionnalisme, la promotion du tennis populaire et la réintégration du tennis comme discipline olympique.
Numéro spécial consacré au tennis, La Vie au grand air, 30 mai 1914
Voir aussi :
- Antoine Provansal, Le Tennis, jeu, sport et marqueur social, 1/2
- La page "Tennis" dans la sélection Disciplines sportives (parcours Histoire du sport)
- Une sélection de billets de blog sur le tennis
Pour aller plus loin :
- Peter, J. & Tétart, P. L'influence du tourisme balnéaire dans la diffusion du tennis. Le cas de la France de 1875 à 1914. Staps, n° 61. 73-91 (2003), https://doi.org/10.3917/sta.061.0073
- Bonhomme, Guy. De la paume au tennis, Gallimard, 1991 (Découvertes Gallimard : sports et jeux ; 112)
- Piffaut Jean-Christophe. L'invention du tennis. Les Quatre chemins : Musée national du sport, 2007
L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques.
La série "Histoire du sport en 52 épisodes" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.
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