Juliette Drouet, compagne du siècle et femme de lettres
La parution d’une nouvelle biographie de Juliette Drouet (1806-1883) offre l’occasion de revenir sur cette figure attachante, qui fut bien plus que la maîtresse officielle de Victor Hugo pendant un demi-siècle.
Juliette Drouet, compagne du siècle : avec cette nouvelle biographie, Florence Naugrette, professeur à la Sorbonne, spécialiste du romantisme et de l’histoire du théâtre, s’emploie, après Gérard Pouchain, à sortir cette femme exceptionnelle de l’ombre écrasante de Victor Hugo, ombre sous laquelle elle s’était librement placée de son vivant et pour la postérité. Elle apporte notamment de nouvelles connaissances sur la vie de Juliette avant Hugo, et sur sa carrière théâtrale, moins mineure qu’on ne l’a dit : elle fut bien, pendant quelques années, une des comédiennes les plus en vue de la scène parisienne, et pas seulement pour son admirable beauté. Elle aurait même pu rêver d’une carrière à la Marie Dorval ou à la Rachel, si la féroce compétition qui régnait dans ce milieu, ses difficultés financières, ses propres fragilités, et, paradoxalement, sa liaison même avec Hugo, pourtant l’auteur le plus prestigieux de la nouvelle génération avec Alexandre Dumas, n’avaient finalement ruiné ses ambitions.
Mais la biographie de Florence Naugrette tire aussi abondamment parti de la meilleure connaissance acquise ces dernières décennies des lettres de Juliette Drouet, et de leur libre accès en ligne, en particulier sur Gallica et sur le site juliettredrouet.org.
On connaît l’histoire : Juliette et Victor se rencontrèrent pendant les répétitions de Lucrèce Borgia, où elle tenait un petit rôle. La séduction fut immédiate et réciproque, et leur amour fut consommé dans la nuit du 16 février 1833, « nuit mystérieuse » que Hugo célèbrerait en écrivant pendant presque un demi-siècle un hommage annuel dans leur « Livre de l’anniversaire ».
À cette date, Juliette, orpheline de naissance, avait déjà beaucoup vécu, et connu plusieurs amants et protecteurs, notamment le sculpteur James Pradier, dont elle avait eu une fille, Claire, et le journaliste Alphonse Karr ; Hugo, lui, découvrait pour ainsi dire l’amour extra-conjugal, son épouse Adèle lui ayant depuis trois ans imposé une chasteté de fait après cinq maternités successives. Juliette fut donc pour lui plus qu’une maîtresse : une révélatrice.
Le 26 février 1802 je suis né à la vie, le 16 février 1833, je suis né à l’amour. Ma mère m’a fait, et tu m’as créé. […] J’ai tété ma mère qui a été ma nourrice ; j’ai bu ton âme sur tes lèvres, et tu as été ma nourrice aussi, car tu m’as rempli d’idéal. Sois bénie, ô ma bien-aimée. Je baise ton corps, je baise ton âme. Tu es la beauté, tu es la lumière. Je t’adore. (Victor Hugo à Juliette Drouet, 26 février 1874)
Si la dimension érotique resta intense pendant les premières années de leur liaison, ce qui se noua alors fut surtout une relation affective d’une intensité peu commune, une interdépendance que rien ne pourrait briser, faite de tendresse profonde mais aussi de possessivité et de jalousie féroce, que le temps n'atténua pas, bien au contraire.
Leur couple connut quelques tempêtes, dues principalement aux infidélités de Hugo, mais il fut soudé par les épreuves endurées ensemble : les deuils parallèles qui les frappèrent avec la mort, à dix-neuf ans à peine, de leurs filles respectives (Léopoldine Hugo en 1843, Claire Pradier en 1846), et surtout le coup d’État du 2 décembre 1851, au cours duquel Juliette sauva littéralement la vie de Hugo en le cachant de la police de Louis Napoléon Bonaparte et en lui permettant de quitter la France sous une fausse identité. Elle parvint ensuite à faire sortir de France la malle où Hugo conservait ses manuscrits, et le rejoignit dans son exil, en Belgique d’abord puis dans les îles anglo-normandes.
Commentaires
un grand amour comme ca c
un grand amour comme ca c est merveilleux
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