Esprits tactiles (3/4)
A l'heure des gestes barrières, abordons les séances de spiritisme de la fin du 19e et du début 20e s. sous un angle bien spécifique : le CONTACT PHYSIQUE ! Au programme de ce troisième épisode : des mains fluidiques, des messieurs respectables s’émouvant de la tendresse des revenantes, une médium anglaise se plaignant d’attouchements désagréables et une nébuleuse d’esprits distribuant des baisers.
Nous avons vu dans le premier et le deuxième billet de la série combien le contact physique entre participants était primordial lors des séances de spiritisme. Les protagonistes se tiennent par la main (« chaîne médiumnique ») mais aussi se touchent pieds et avant-bras pour deux raisons : d’abord, pour favoriser les matérialisations d’esprits selon une croyance qui emprunte au mesmérisme et s’imprègne des récentes découvertes de l’électricité ; ensuite pour garantir un protocole expérimental solide (ou supposé tel !) dans lequel le toucher fait partie des dispositifs de contrôle pour éviter toute supercherie d’un médium (ou d’un comparse) qui quitterait par exemple l’assistance pour aller se déguiser en fantôme et duper tout le monde.
Nous verrons dans ce troisième billet qu'au cours de ces séances spirites, durant lesquelles les participants se touchent et s’entre-touchent pour les motifs évoqués plus haut, les esprits ne sont pas non plus en reste !
Des esprits parfois fort tactiles avec les participants
Dans de multiples récits, les esprits se matérialisent sous forme de mains vues (généralement dans un halo lumineux) et/ou senties par les participants. Ce sont les « mains fortes », « mains fluidiques » ou « mains fantômales » du lexique spirite.
Ces « mains fluidiques » que l’expérimentateur différencie des mains charnelles d’Eusapia posées sur la table et contrôlées, « donnent parfois des attouchements dans le cabinet » (L'extériorisation de la motricité : recueil d'expériences et d'observations [4e éd. mise à jour] d'Albert de Rochas, 1906)
Dans certains relevés de séances, elles sont une myriade et ne se privent pas de palper les participants :
Il n’est pas rare que certaines apparitions fassent montre de tendresse et distribuent même de bien douces accolades à l’assistance. C’est le cas de l’esprit de la petite Katie Brink qui va jusqu’à s’asseoir sur les genoux du colonel Henry S. Olcott et l’embrasser, lors d’une séance en 1874 qu’il raconte dans People from the Other World, et rapportée par Aksakow :
Mais tous les esprits ne sont pas dans les mêmes dispositions. Si le contact est parfois agréable comme en témoigne encore l’ingénieur Schoultz en 1894 dont la main « fut prise et serrée chaleureusement, trois fois, par une main de femme très douce et tiède », il est parfois totalement déplaisant, voire pernicieux. La médium en fait les frais lors de la même séance :
« Un phénomène lumineux se produisit entre les draperies, au milieu du cabinet ; on eût dit une figure se tenant debout derrière la chaise de la médium. Celle-ci (la médium) poussa un de ces gros soupirs comme il lui en échappait quelquefois durant les séances. Le soupir dénotait une sensation pénible. Puis elle prononça ces mots : - " quelqu'un du cabinet m'a touchée par derrière, je l'ai très bien senti " »
Certains auteurs nous décrivent des esprits taquins, tactiles et blagueurs dont les mains agitées n’ont absolument aucune limite :
Ces baisers que distribuent les esprits de leur propre chef - et sans s'assurer du consentement des destinataires - dans ce petit texte d’un ouvrage de 1907 du Docteur Lapponi (L’hypnotisme et le spiritisme : étude médico-critique), ce sont quelquefois les participants qui les réclament ! C’est ce qui se passe lors d’une séance à Milan racontée par Albert de Rochas dans L’extériorisation de la motricité, recueil d’expériences et d’observations :
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