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Victor Hugo et les États-Unis d’Europe - I

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A l’approche des élections européennes, la séance des Rendez-vous du politique, le samedi 13 avril prochain, traitera de « la démocratie européenne à l’heure du vote ». C'est l'occasion pour le Blog Gallica de revenir sur le discours d’ouverture du Congrès de la paix prononcé par Victor Hugo en 1849.

Congrès de la Paix du 21 août 1849, discours d'ouverture (épreuves corrigées)
 

L’un des textes les plus marquants de l’histoire de l’idée européenne, présents sur Gallica, est le discours d’ouverture du Congrès de la paix prononcé par Victor Hugo en 1849, dans lequel il appelle de ses vœux la constitution des « Etats-Unis d’Europe ». Retraçons le contexte dans lequel Victor Hugo a été amené à présider ce congrès, avant d’en aborder la teneur…

 
 

Une époque marquée par une vague pacifiste et le Printemps des peuples

A partir de 1843, les sociétés de paix qui ont vu le jour au début du XIXe siècle, à l’initiative des sociétés anglo-saxonnes en particulier, organisent des congrès internationaux. 1848 et les années suivantes, marquées par une aspiration à un monde plus juste, comme en atteste la vague de révolutions qui se diffuse dans toute l’Europe, sont propices à l’organisation de ces congrès. On parle de « première vague du pacifisme », concernant ces années 1840-1850.
 

Révolution de 1848. Paris, Publié par Binet.

 
Dans ce contexte, s’ouvre le 21 août 1849, le Congrès des amis de la paix universelle, organisé par diverses sociétés de paix d’Europe et des Etats-Unis d’Amérique.

Il réunit, pour trois jours de débat, 600 Anglais, 60 Américains, des Hollandais, des Belges et des Français, mais aucun Allemand. Le Comité élit Victor Hugo président du Congrès. Il doit prononcer l’allocution inaugurale, diriger et conclure les débats.

 

L’expérience politique de Victor Hugo en 1849

Victor Hugo a, en effet, une activité politique : en 1845, Louis-Philippe le nomme à la Chambre des pairs. En 1848, il est successivement nommé maire du 8e arrondissement de Paris, et élu député à l’Assemblée constituante sur une liste de droite. En 1849, bien qu’élu comme député de droite en mai à la Législative, il partage de plus en plus souvent les idées défendues par la gauche.
 
Il a, de plus, déjà conçu, en écrivant Le Rhin (tome I, tome II), en 1842, un projet de réconciliation franco-allemande, aux qualités diplomatiques incertaines.
 

Fonds Victor Hugo. II -- ŒUVRES. Le Rhin. Manuscrit autographe

Il voit dans le réveil des nations la promesse d’une unification européenne. Malheureusement, le « Printemps des peuples » est réprimé partout par les forces contre-révolutionnaires. C’est après ces événements que Victor Hugo décide de changer de camp. Il rompt avec la droite monarchiste, se rallie à la République et s’affirme comme homme de gauche. Il a déjà « à son actif » plusieurs discours politiques remarquables : le discours à l’Assemblée nationale contre la peine de mort du 15 septembre 1848 ou le discours contre la misère du 9 juillet 1849.
 

Le contenu du discours d’ouverture du Congrès de la Paix de 1849

L’idée-force est que l’organisation politique de l’Europe engendrera inévitablement la paix.

Il fait le parallèle avec la situation des anciennes provinces françaises, en conflit permanent, il y a quatre siècles. Ces guerres ont pris fin, grâce aux élections, les intérêts des anciennes provinces françaises étant désormais défendus par leurs représentants élus au sein d’un parlement national. De même, …

Un jour viendra où […] vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne […].
- Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d’un grand sénat souverain […].
- Un jour viendra où l’on verra ces deux groupes immenses, les Etats-Unis d’Amérique, les Etats-Unis d’Europe, placés en face l’un de l’autre, se tendant la main par-dessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies […] !

Les armées nationales n’ayant plus lieu d’être entretenues dans un contexte de paix pérenne, Victor Hugo met en avant, par ailleurs, que la fin des dépenses d’entretien de ces armées permettra la mise en œuvre de grands travaux qui concourront à éteindre la misère.

Hugo évalue à quatre milliards ce que les nations européennes dépensent chaque année, au total, pour l’entretien de leurs armées. Si cette somme avait été mieux mise à profit, « La face du monde serait changée », selon Hugo qui imagine toute une série de grands travaux concourant à l’extinction de la misère : l’extension du chemin de fer, le creusement de fleuves, de ports, la construction de villes… Les révolutions n’auraient plus lieu d’être, l’Europe pourrait œuvrer à la colonisation (nous sommes en 1849 !).

Il conclut en reconnaissant un rôle moteur joué par l’Angleterre et la France :

 
Dans notre vieille Europe, l’Angleterre a fait le premier pas, et par son exemple séculaire elle a dit aux peuples : Vous êtes libres. La France a fait le second pas, et elle a dit aux peuples : Vous êtes souverains. Maintenant faisons le troisième pas, et tous ensemble, (…) disons aux peuples : Vous êtes frères ! 
La mise en place d’un parlement européen, la réalisation de grands travaux, le rôle moteur reconnu à l’Angleterre et à la France… Le projet européen d’Hugo est proche de celui défini par Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), dans son ouvrage De la réorganisation de la société européenne (1814).
 

Deux documents exceptionnels conservés par la BnF 

La BnF conserve, depuis qu’elle les a achetées début 2017, les épreuves corrigées de la main de Victor Hugo du discours d’ouverture du congrès. Ce document provient de la bibliothèque de l’homme d’affaires et mécène Pierre Bergé.

Le département des manuscrits de la BnF détient, en outre, dans le « Fonds Victor Hugo », le manuscrit autographe de ce discours.

 

Les manuscrits des discours au congrès de la paix de 1849

 

Victor Hugo, un président du congrès de la paix confiant en l’avenir de l’Europe

Trois jours après le discours d’ouverture, le 24 août 1849, Victor Hugo prononce le discours de clôture du congrès. Il rappelle que le 24 août est un funeste anniversaire : celui de la Saint-Barthélémy, en 1572, mais il mesure le progrès parcouru et se réjouit de la pacification des relations entre catholiques et protestants. Il souhaite que ce jour marque la fin des massacres et des guerres et « inaugure le commencement de la concorde et de la paix du monde ».

La présidence du congrès de la paix de 1849 est donc caractérisée par l’optimisme de Victor Hugo quant à la pérennité de la paix en Europe. Les observateurs de l’événement, qu’ils soient politiques, journalistes, caricaturistes…, ne partageront pas tous sa confiance en l’Europe. La « pensée hugolienne » évoluera elle-même avec l’exacerbation des tensions opposant la France et la Prusse.

 

A suivre...

Victor Hugo est convaincu de la nécessité de construire des « Etats-Unis d’Europe », qui conduiront inéluctablement à la paix. Les observateurs du congrès, journalistes, caricaturistes, politiques… ne partagent pas tous cette confiance en l’Europe : Victor Hugo et les Etats-Unis d'Europe II - Revue de presse
et
La présence et l’influence de Victor Hugo aux congrès de la paix qui se succèdent à partir des années 1840 ne se limitent pas à l’édition de 1849, mais la confiance en la paix dont il fait preuve alors ne perdurera pas : Victor Hugo et les Etats-Unis d'Europe III - Congrès de la paix 1867-1872
 

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