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Le roman-feuilleton, qu’est-ce que c’est ?

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28 octobre 2020

Dans la continuité de la sélection « Les Feuilletons dans la presse » de Gallica, nous vous proposons ici une petite histoire du feuilleton et du roman-feuilleton dans la presse du XIXe siècle. 

Le XIXe siècle est la période du triomphe du roman, mais aussi de la montée en puissance de la presse : c’est l’âge « médiatique », celui où les journaux se multiplient, sont publiés avec d’importants tirages et envahissent le quotidien de leurs lecteurs. Ces deux phénomènes sont liés de bien des manières, et l’un de ces éléments communs est le roman-feuilleton.

Définition : qu’est-ce qu’un roman-feuilleton ?

Le « feuilleton » d’un journal, c’est avant tout une rubrique qui se situe en bas de page – et pas forcément de la première – d’un quotidien et qui est séparée du reste du texte (en général plus sérieux et politique) par une fine ligne. Cet élément, également appelé « rez-de-chaussée », est un des premiers rubricages clairs dans la presse de l’époque (il se développe dans les années 1830). Il est d’abord consacré à des textes de « Variétés » et autres « Revues » : on y trouve surtout de la critique littéraire, artistique et dramatique. Théophile Gautier et Alexandre Dumas, par exemple, en écrivent beaucoup.
 
Journal des débats du 19 juillet 1834
 
Au cours du siècle, l’utilisation de cette rubrique se spécialise : on y fait paraître des extraits littéraires, puis des romans dans leur totalité, publiés par tranches, en parallèle d’articles de critique.
 
Fin d’une publication de La Reine Margot
Le roman-feuilleton est alors caractérisé par une publication morcelée, par la mention « À suivre » ou encore « La suite à demain » et par sa localisation dans la section « feuilleton » du quotidien. En même temps qu’il se développe, le genre se normalise.
 
Certains textes sont écrits spécifiquement pour ce mode de publication : souvent longs, ce sont des romans populaires qui exploitent le suspens des interruptions programmées, et n’hésitent pas à ajouter des péripéties, à réutiliser des personnages d’un roman à l’autre, afin de conserver l’attention des lecteurs : Alexandre Dumas et ses mousquetaires, Eugène Sue avec Les Mystères de Paris ou encore Ponson du Terrail et ses nombreux romans où l’on retrouve Rocambole, en sont d’excellents exemples.
 
Début de la publication du deuxième volume de La Reine Margot

La naissance en 1836

Le roman-feuilleton prend son envol en 1836, de façon quasi-simultanée dans deux journaux : La Presse d’Émile de Girardin et Le Siècle d’Armand Dutacq. Ces deux titres font baisser le prix des journaux grâce à l’introduction de la publicité et y introduisent des romans dont le but principal est d’attirer et de fidéliser le lecteur.
 
On considère souvent que le premier roman publié en feuilleton est La Vieille fille d’Honoré de Balzac, qui paraît dans La Presse en octobre et novembre 1836. S’il s’agit bien d’une publication du roman par tranches dans le quotidien, La Vieille fille ne se trouve néanmoins pas dans le « feuilleton » mais en page trois, sous le titre « Variétés ».
 
Un autre texte qui peut être associé aux débuts du roman-feuilleton est La Comtesse de Salisbury d’Alexandre Dumas : entre juillet et septembre 1836, ce récit se déroulant en Angleterre est publié par La Presse. Cette fois, c’est bien dans le « feuilleton » que l’on trouve ces textes, mais c’est le terme de roman qui fait problème. Les différents extraits sont lâchement reliés entre eux, le titre est modifié d’une publication à l’autre… La cohérence romanesque n’est pas encore présente, et n’apparaîtra que plus tard lorsque La Comtesse de Salisbury paraît en volume en 1839.

Le roman-feuilleton, atout majeur des quotidiens

Le roman-feuilleton connaît très vite un succès fulgurant et participe à faire vendre davantage de journaux : tous les quotidiens publient des romans. Cet engouement pour la littérature amène certains titres à faire paraître également des nouvelles en première page : le Gil Blas et Le Gaulois par exemple publient un roman dans le « feuilleton » et en parallèle de nombreux contes. Certains des textes brefs les plus connus de Maupassant ont d’abord été publiés de cette façon. Ces nouvelles et contes ne sont pas des romans-feuilletons, mais la sélection « Les Feuilletons dans la presse » permet également d’y accéder, afin d’avoir une idée plus générale des formes de publications littéraires pratiquées par les quotidiens du XIXe siècle.
 
Les romans-feuilletons populaires qui ont un franc succès, comme ceux de Paul Féval, Xavier de Montépin ou encore Ponson du Terrail, s’attirent par ailleurs des critiques. Ils sont accusés de manquer de style et de faire du sensationnalisme. Cependant ils séduisent le public, comme le fait remarquer ici Alfred Sirven dans Journaux et journalistes, au sujet du gestionnaire du feuilleton du Siècle, Louis Desnoyers :
M. Louis Desnoyers sait avec quelle joie les abonnés du Siècle suivent dans le feuilleton les sombres histoires aux poignantes péripéties. 
 
Annonce de L’Argent dans le Gil Blas
Toutes sortes de romans trouvent leur place dans la presse. Émile Zola, par exemple, fait paraître les romans du cycle des Rougon-Macquart dans le feuilleton de plusieurs quotidiens. Roman-feuilleton ne signifie pas forcément littérature légère.
Ce mode de publication tout à fait normalisé à partir des années 1840-1850 se développe en parallèle d’éditions plus classiques, en volume, ou encore des parutions en revues, par exemple la Revue des deux mondes. Le feuilleton n’est pas le seul moyen de publication du roman au XIXe siècle, mais il est un des plus populaires.
 
Pour découvrir ces romans parus dans les quotidiens, et pour les parcourir comme un lecteur du XIXe siècle, il ne vous reste plus qu’à explorer la page des Feuilletons dans la presse

Commentaires

Soumis par Michel Niqueux le 15/11/2020

Un très curieux roman-feuilleton, Les Mystères de Saint-Pétersbourg a paru dans Le Petit Parisien du 18 décembre 1877 au 13 juin 1878, sous le pseudonyme d'Ivan Doff. Qui saura trouver qui se cache derrière ce nom ?
Le roman a été réédité en 2013 aux éd. Encrage (Amiens) et est à la BNF

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