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Bon anniversaire Monsieur Pasteur ! Retour sur le centenaire de Pasteur en 1922 et 1923

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Gallica fête aujourd’hui le jour anniversaire du bicentenaire de Louis Pasteur, né le 27 décembre 1822. À cette occasion, nous replongeons cent ans en arrière, pour dérouler le fil des multiples manifestations ayant ponctué le centenaire de Pasteur.
Détail de l’affiche de l’Exposition internationale du Centenaire de Pasteur par A. Beck, 1923

Louis Pasteur meurt le 28 septembre 1895. Tout au long de notre série Gallica consacrée à Pasteur, nous avons vu qu’il a été vigoureusement contesté de son vivant, mais aussi comblé d’honneurs. Sa mémoire s’est largement diffusée jusqu’à nos jours. Aujourd’hui encore, la figure de Pasteur reste familière et incarne le savant par excellence. C’est également le cas au début des années 1920, lorsque s’envisagent les célébrations pour le centenaire de sa naissance. Le monde est encore ébranlé par la Première Guerre mondiale, dramatiquement meurtrière. Les progrès de l’hygiène et de la médecine, impulsés par Pasteur, ont toutefois permis de limiter la propagation de redoutables microbes et de sauver bien des vies.

Dans ce contexte, le gouvernement français souhaite donner aux célébrations du centenaire de Pasteur une ampleur internationale. L’anniversaire de Pasteur tombant le 27 décembre, il est décidé d’organiser des cérémonies officielles en plusieurs temps : en décembre 1922 mais également en mai 1923, période plus clémente pour les déplacements et rassemblements. Y seront associées Paris, la Franche-Comté, terre natale de Pasteur, ainsi que Strasbourg, redevenue française, où il a débuté sa carrière. De nombreuses autres villes françaises et étrangères auront également à cœur de rendre hommage à Pasteur.

Les célébrations du centenaire en décembre 1922

Le centenaire de Pasteur à l’Institut le 27 décembre 1922 : visite du président Millerand, Agence Rol et M. Millerand dans la crypte au-dessus du tombeau de Pasteur, Agence Meurisse

Pour marquer la date anniversaire du centenaire de Pasteur, plusieurs hommages sont organisés en décembre 1922 et début 1923. Le programme débute le 24 décembre par une cérémonie en petit comité à l’Institut Pasteur, à laquelle assiste la famille de Pasteur, le personnel et des amis de l’Institut. Une séance solennelle de l’Académie nationale de médecine a lieu le 26 décembre en l’honneur de Pasteur. Le président de la République Alexandre Millerand visite l’Institut Pasteur le 27 décembre, jour de la naissance de Pasteur. Les célébrations du centenaire seront accompagnées de quantités d’allocutions : les journalistes rapportent que pas moins de 19 discours ont été prononcés ce jour-là à l’Institut Pasteur ! L’hommage se poursuit le 7 janvier à l’École normale supérieure, rue d’Ulm, où Pasteur a mené une grande partie de ses recherches.

Le centenaire de Pasteur à l’Hôtel de Ville : les délégations des étudiants français et étrangers arrivent à l’Hôtel de Ville et les délégations de l’Université de Toulouse, Agence Meurisse, 1922

L’Association générale des étudiants français, dont Pasteur était le président d’honneur, souhaite associer la jeunesse aux hommages rendus à leur ancien président en décembre 1922, avec la participation d’étudiants venus de France et d’Europe. Ils élaborent un programme d’accueil pour les délégués des associations d’étudiants, qui arrivent de Grenoble, Lyon, Nancy, Orléans, Rennes, Strasbourg ou Toulouse, mais aussi de Copenhague, Londres et Rome, du Luxembourg, de la Suisse, des Pays-Bas, de Suède ou de Tchécoslovaquie. Deux cents étudiants belges font le déplacement à Paris. Le 27 décembre, les étudiants défilent vers l’Hôtel de Ville et assistent le soir à une cérémonie dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne.

Les célébrations à Paris en mai 1923

La célébration nationale du centenaire de Pasteur débute mercredi 24 mai 1923, avec l’arrivée des délégations étrangères. Au programme pour les délégués étrangers : cérémonies et visites à l’Institut Pasteur, à la Sorbonne et à l’École normale supérieure, mais aussi réception à l’Élysée, soirée de gala à l’Opéra et au Théâtre Français, banquet à Versailles et garden-party à Chantilly. Les délégations viennent du monde entier : leur accueil est aussi un exercice diplomatique visant à renforcer les liens et les échanges entre pays.

Des représentants d’universités et de sociétés savantes françaises et étrangères sont présents à Paris ou plus tard à Strasbourg. Le centenaire de Pasteur permet de conforter les relations entre sociétés savantes ou de reprendre contact à distance. Ainsi, L’Excelsior du 30 janvier 1923 signale : « Pour la première fois depuis la guerre, l’Académie des sciences recevait, hier, une lettre officielle de l’Académie des sciences de Petrograd, et cette lettre est un hommage à Pasteur ».

Buste de Pasteur par Naoum Aronson et le sculpteur Aronson près de son buste de Pasteur à l’Institut, Agence Rol, 1923

La journée du vendredi 25 mai 1923 commence par une visite à 9h30 à l’Institut Pasteur et au tombeau de Pasteur. Un buste de Pasteur, réalisé par le sculpteur Naoum Aronson, est remis à l’Institut Pasteur lors de cette visite. Les particuliers intéressés par ce buste officiel peuvent acquérir des reproductions en plâtre patiné ou en bronze, ou encore des reproductions photographiques.

Le centenaire de Pasteur à la Sorbonne, 25 mai 1923 : tribune des officiels, sous la présidence de M. Millerand et le public dans la salle, Agence Meurisse

Le même jour, à 15h, a lieu une cérémonie solennelle à la Sorbonne, dont l’ampleur rappelle le souvenir du Jubilé de Pasteur en 1892 en ces mêmes lieux, assortie de discours célébrant l’œuvre et la personnalité de Pasteur. Le soir, le président Millerand quitte Paris pour entamer un voyage officiel jusqu’au 2 juin en Franche-Comté, Alsace et Lorraine, qui fait l’objet d’un compte rendu minutieux dans le Journal officiel du 5 juin 1923. Les délégations étrangères restent à Paris et le rejoindront à Strasbourg le 31 mai.

« À la gloire de Pasteur : une imposante cérémonie s’est déroulée à la Sorbonne », Excelsior, 26 mai 1923

Les célébrations en Franche-Comté, région natale de Pasteur, en mai 1923

Centenaire de la naissance de Pasteur à Dole, 26 mai 1923 : façade de la maison natale de Pasteur et la foule devant le monument Pasteur à Dole, Agence Meurisse

Louis Pasteur est né à Dole dans le Jura mais sa famille a ensuite déménagé à Arbois, à une trentaine de kilomètres, où Pasteur a gardé des attaches sa vie durant. Dole, fière d’avoir vu naître l’illustre savant, ne veut pas être oubliée des fêtes officielles du centenaire de Pasteur. Relayée par le journal Le Matin, sa protestation est entendue et le ministre de l’hygiène confirme que Dole sera comprise dans les cérémonies officielles. Le jour de la naissance de Pasteur, le 27 décembre 1922, à 7 heures, les cloches de Franche-Comté carillonnent pour célébrer l’enfant du pays. En mai 1923, la région est en liesse et Dole arbore des atours fleuris. Si les photographies d’époque ne permettent pas d’apprécier les couleurs, les journalistes rapportent que les façades des maisons sont décorées de guirlandes de glycine mauve, qu’affectionnait Pasteur.

Des cérémonies officielles sont organisées du 26 au 28 mai 1923 à Dole, Arbois, Lons-le-Saunier, Salins et Besançon. Le président Millerand commence son voyage en l’honneur de Pasteur à Dole le samedi 26 mai. Le train présidentiel arrive à 8h50. Malgré la pluie, Pasteur est fêté dans toute la ville avec une réception des officiels, un cortège, une visite de sa maison natale et une cérémonie au monument de Pasteur, avec danses et chœurs chantant la gloire de l’enfant chéri de Dole.

Centenaire de la naissance de Pasteur à Arbois, 27 mai 1923 : M. Millerand quitte la maison de Pasteur et danses devant le monument de Pasteur, Agence Rol

Le train présidentiel repart de Dole le même jour à 14h et arrive à Lons-le-Saunier à 16h20. Le lendemain, il quitte Lons-le-Saunier à 8h45 et arrive à 10h à Arbois, où a lieu une visite de la maison familiale de Pasteur – aujourd’hui la maison de Pasteur à Arbois, ouverte au public – et une cérémonie devant le monument de Pasteur. Là aussi, des danses accompagnent les hommages officiels : des jeunes filles drapées symbolisent la vigne, le blé et le houblon, sauvés par la science. Le président Millerand reprend le train à 14h05 pour Salins, où une plaque est apposée sur la maison que la famille Pasteur habita, puis à 15h30 pour Besançon, dernière étape franc-comtoise.

Les célébrations à Strasbourg en mai 1923

Inauguration du monument de Pasteur devant l’Université de Strasbourg, 31 mai 1923 : vue d’ensemble et vue latérale, Agence Rol

Après la Franche-Comté, le président Millerand poursuit son voyage en Alsace et en Lorraine du 28 mai au 2 juin 1923. Le projet d’honorer Pasteur à Strasbourg prend forme peu de temps après l’armistice de 1918, se concrétisant pour le centenaire de Pasteur par l’inauguration d’un monument, d’un musée et d’une Exposition internationale d’hygiène. Pasteur a enseigné à Strasbourg au début de sa carrière et a épousé Marie Laurent, fille du recteur de l’Université de Strasbourg mais d’autres facteurs entrent en jeu dans le choix de la ville d’accueil. L’Alsace et la Moselle sont redevenues françaises en 1918 et cette manifestation d’envergure, un an avant les Jeux Olympiques de 1924 à Paris, est l’occasion de célébrer l’unité et la grandeur de la France à travers la figure emblématique de la science et du progrès.

L’inauguration du monument de Pasteur à Strasbourg, Excelsior, 2 juin 1923

Le comité pour le monument Pasteur lance une souscription internationale pour élever un hommage à Pasteur devant l’Université de Strasbourg. Le projet du sculpteur Jean-Baptiste Larrivé, grand prix de Rome en 1904, est retenu. Le monument se compose d’un obélisque en grès haut de neuf mètres, orné d’un médaillon de Pasteur, planté dans un bassin décoré de deux groupes en bronze : un chien enragé attaquant Joseph Meister ainsi qu’un jeune berger avec deux moutons agonisants, évoquant la maladie du charbon. Le monument est inauguré en grande pompe le 31 mai 1923 par le président de la République Millerand et le président du Conseil Raymond Poincaré, avec les délégations étrangères arrivées entre-temps à Strasbourg. Il sera malheureusement détruit en 1940 lors de l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne nazie.

Le musée Pasteur à Strasbourg, Agence Meurisse, 1923

Le Musée Pasteur, construit en face de l’Institut d’hygiène et de bactériologie, rue Koeberlé, est inauguré le même jour. Les visiteurs sont accueillis dès l’entrée par un portrait de Pasteur réalisé par l’artiste verrier René Lalique. Le rez-de-chaussée est consacré à une rétrospective des recherches de Pasteur et présente ses instruments de travail : ses modèles de cristaux en bois et liège, des flacons avec des étiquettes écrites de sa main, son microscope ou les ballons utilisés pour réfuter la théorie de la génération spontanée. Les étages supérieurs abordent la microbiologie, les maladies infectieuses et l'hygiène, avec des pièces et documents envoyés par des laboratoires de recherche français et étrangers.

L’Exposition internationale d’hygiène à Strasbourg de juin à octobre 1923

Affiche de l’Exposition internationale du Centenaire de Pasteur par A. Beck, 1923

Un bel hommage est rendu à l’œuvre de Pasteur avec l’organisation de l’Exposition internationale d’hygiène à Strasbourg de juin à octobre 1923. L’objectif affiché est de présenter les applications actuelles des travaux de Pasteur dans tous les domaines industriels, agricoles, médicaux ou domestiques : « L’exposition du centenaire de Pasteur, tout en comprenant les nombreuses applications, tant scientifiques que pratiques de la bactériologie, doit particulièrement mettre en lumière la grande révolution qu’on apportées les découvertes de Pasteur dans les conditions de vie ». L’affiche de l’exposition associe le monument symbole de Strasbourg, sa cathédrale reconnaissable à sa tour unique, et la médaille de Louis Pasteur réalisée par Oscar Roty en 1888. Les rayons entourant ces deux éléments expriment l’espoir d’un avenir radieux dans une France réunie et tournée vers le progrès.

Plan d’ensemble de l’Exposition, dans La Technique sanitaire et municipale, novembre 1923

Installée au Wacken, l’exposition s’étend sur 18 hectares, avec 20 000 mètres carrés de constructions et 1 800 exposants. Plusieurs pays participent à l’exposition : Brésil, Italie, Tchécoslovaquie, Luxembourg, Belgique, Suisse, Pologne, Roumanie ou encore Danemark. L’agriculture occupe une grande place, avec plus de trois hectares ensemencés de céréales et plantes diverses, des expositions de machines et des concours d’animaux. Le hall des industries chimiques se déploie sur plus de 1 500 mètres carrés. Trois halls sont consacrés à l’hygiène urbaine, l’alimentation, les boissons, les industries du froid, du textile et de la soie. Deux pavillons de 2 500 mètres carrés regroupent l’hygiène sociale, l’urbanisme, les œuvres sociales, les dispensaires et sanatoriums.

Plan d’ensemble du groupe n° IX consacré aux industries du froid, La Revue générale du froid et des industries frigorifiques, novembre-décembre 1923

L’exposition intéresse des publics professionnels variés, des agriculteurs aux industriels du froid ou de la soie, en passant par les militaires marins, les coiffeurs et les boulangers. Des jurys récompensent les meilleurs exposants de chaque groupe, par exemple au sein des groupes d’hygiène collective et hygiène générale. De nombreuses distinctions sont attribuées, permettant aux lauréats de communiquer via des affiches ou des réclames dans la presse.

En parallèle, les savants du monde entier se rendent à Strasbourg pour assister à de multiples congrès nationaux ou internationaux, organisés à Strasbourg entre juin et septembre 1923 : congrès d’hygiène sociale, de la tuberculose, du cancer, de la lèpre, de la fièvre puerpérale, de l’urbanisme, de la laiterie, du froid, des apiculteurs, des colonies de vacances, des jardins ouvriers

Centenaire de Pasteur : fête de bienfaisance au profit des tuberculeux de guerre, par Henri Solveen, 1923

Le public peut assister à diverses démonstrations, manifestations sportives – dont une grande fête le 5 août 1923 – ou fêtes caritatives. À l’entrée de l’Exposition, un pavillon est mis à disposition du Syndicat d’Initiative pour promouvoir les visites dans les régions françaises. Y sont proposés des photographies des plus beaux sites, ainsi que brochures, dépliants et informations pratiques sur les trajets ou l’hôtellerie.

Des facilités sont mises en place pour se rendre à Strasbourg : les billets d’aller et retour délivrés par une gare française à destination de Strasbourg ont une validité de quinze jours pendant la durée de l’exposition et le 1er septembre 1923, la Compagnie des chemins de fer de l’Est et de l’Alsace-Lorraine met en marche un train spécial à prix réduits de Paris à Strasbourg, passant par Châlons-sur-Marne, Bar-le-Duc, Nancy, Blanville-la-Grande et Lunéville. Partant de Paris-Est à 21h40, ce train arrive à Strasbourg le lendemain à 7h25.

Des célébrations dans toute la France et à l’étranger

En plus des manifestations officielles, le centenaire de Pasteur donne lieu à un grand nombre d'hommages en France et à l’étranger. En décembre 1922, l'anniversaire de Pasteur est célébré par des conférences ou des événements plus festifs. Dole, Arbois ou Besançon, associées aux fêtes officielles du centenaire Pasteur prévues en mai 1923, ne manquent toutefois pas de marquer le jour de la naissance de Pasteur. À Lille, trois jours de manifestations en l’honneur de Pasteur se clôturent par une grande fête populaire. Des villes comme Toulon proposent de renommer des voies publiques du nom de Pasteur. Les mois suivants sont ponctués de conférences, hommages et événements autour de Pasteur : à Nice et au Havre en janvier, à Toulouse en mars ou à Pau et au Mans en avril 1923.

Photographies de Warren G. Harding, Agence Meurisse, 1920 et Pie XI, Agence Rol, 1922

L’œuvre de Louis Pasteur dépasse les frontières françaises : les journaux rapportent les initiatives prises dans de très nombreux pays pour honorer la mémoire de Pasteur, à Belgrade et Bucarest, Constantinople, Montevideo et Buenos Aires, Quito et Rio-de-Janeiro, Riga, Madrid et Christiana, Tunis, Saïgon, Athènes, Sofia, Prague, Bruxelles ou encore Montréal. Dans cette période de l’entre-deux-guerres, le centenaire de Pasteur est l’occasion de resserrer les liens entre les nations. Warren G. Harding, le président des États-Unis, envoie un message à l’occasion des célébrations organisées par la ville de Philadelphie le 27 décembre 1922 : « L’Amérique a été une des premières nations à mettre en pratique les travaux de Pasteur et le percement du canal de Panama n’a été possible que grâce aux découvertes de ce grand Français sur les germes qui causaient la fièvre jaune ». Un hommage est aussi rendu à Pasteur à l’Institut Koch à Berlin, malgré la rivalité ayant existé entre Pasteur et Robert Koch et les tensions entre la France et l’Allemagne. La Société des nations à Genève célèbre également Pasteur. Le pape Pie XI, invité à participer au centenaire de Pasteur à Paris en mai 1923, adresse un courrier à son représentant, où il loue les succès scientifiques bienfaisants de Pasteur et son œuvre de charité et de dévouement.

« Au profit des Laboratoires ces insignes seront vendus », Le Réveil du Nord, 28 mai 1923

Les célébrations du centenaire prévues en mai 1923 sont préparées avec ferveur, d’autant plus qu’après des appels de soutien aux laboratoires français, qui manquent de moyens matériels et financiers, le gouvernement autorise des collectes en leur faveur lors de la journée Pasteur du 27 mai 1923. Dix artistes, dont Maurice Denis, Paul-Albert Laurens et Poulbot offrent leurs talents pour réaliser les dessins figurant sur des insignes en carton, vendus lors de la journée Pasteur. Les Français sont invités à soutenir la science et la recherche et une multitude de villes et villages s’emparent de cette cause et organisent conférences, projections, spectacles, concerts, bals, soirées de gala ou manifestations sportives pour recueillir des fonds reversés à l’Académie des sciences ou au Comité national d’aide à la recherche scientifique. Pour honorer la science française, un contingent exceptionnel de distinctions dans l’ordre de la Légion d’honneur est également attribué à l’occasion de la célébration du centenaire de la naissance de Pasteur et de l’exposition internationale d’hygiène de Strasbourg.

Pasteur à l’honneur : livres, théâtre, cinéma et presse

« La vaccination des Russes mordus par des loups enragés », reproduction du dessin d’Émile Bayard dans Pasteur : sa vie, son oeuvre de Louis Lumet, 1922

À l’occasion de son centenaire, l'œuvre et la vie de Pasteur sont remises en lumière. Son petit-fils Louis Pasteur Vallery-Radot, qui prend part à l’entreprise entamée par ses parents pour préserver la mémoire de leur illustre ascendant, publie en 1922 les deux premiers volumes des Œuvres de Pasteur et poursuivra cette tâche jusqu’en 1939. La Vie de Pasteur par son gendre René Vallery-Radot, initialement parue en 1900, est à nouveau éditée et d’autres biographies sont proposées. La pièce Pasteur de Sacha Guitry est reprise, avec Lucien Guitry dans le rôle-titre. Un film sur la vie de Pasteur, dirigé par Jean Benoît-Lévy et réalisé par Jean Epstein, est en préparation en 1922, avec des expériences reconstituées à l’Institut Pasteur. Il sera diffusé dans les salles de cinéma au printemps 1923.

Ce événement est abondamment couvert et commenté dans la presse. Plusieurs revues consacrent des numéros à Pasteur, comme Je sais tout le 15 décembre 1922 ou L’École et la vie le 19 mai 1923. La Revue scientifique du 28 juillet 1923 décline tous les domaines étudiés par Pasteur : chimie, fermentations, hygiène, rage, pathologie exotique, chirurgie, maternité, sériciculture, agriculture, médecine vétérinaire et urbanisme. La Revue médicale française propose elle aussi en 1923 un numéro exceptionnel dédié à Pasteur, tout comme L’Université de Paris. Des articles paraissent dans les revues les plus diverses, des Annales politiques et littéraires au Petit écho de la mode, en passant par Le Monde illustré, Le Cuir technique, le Bulletin agricole de l’Ouest, le Journal de médecine vétérinaire ou La mère éducatrice.

« Avant les fêtes du centenaire du grand Pasteur », Le Petit journal, 20 décembre 1922 et « La commémoration du centenaire de Pasteur », Excelsior, 27 décembre 1922

La presse d'information accorde également une place de choix à Pasteur à l’occasion de son centenaire. Le Petit Journal s’est entretenu avec Joseph Meister et Jean-Baptiste Jupille, les deux premiers patients à avoir bénéficié de la vaccination antirabique en 1885. Le Grand écho du Nord de la France évoque les liens entre Pasteur et Lille ainsi que les « deux industries du Nord qui doivent beaucoup au savant ». L’Humanité retient les victoires de Pasteur, Le Peuple l’œuvre accomplie grâce à « une vie de labeur » et La Dépêche sa « gloire immortelle célébrée par l’univers entier ». De leur côté, L’Œuvre revisite l’enfance de Pasteur et Le Journal s’attarde sur ses talents de dessinateur et écrivain. Jour après jour, la presse relaie les hommages officiels ou les propos élogieux parus dans les journaux étrangers. Le 27 décembre 1922, la une de l’Excelsior célèbre la naissance de Pasteur à travers une sélection d’illustrations représentant le savant, ses collaborateurs et des lieux familiers.

Le timbre Pasteur remplace la semeuse le 25 mai 1923

Reproduction du timbre à l’effigie de Pasteur, Excelsior, 19 mai 1925 et Rébus autour du timbre Pasteur, Le Monde illustré, 9 juin 1923

Le 15 octobre 1922, le journal Le Matin propose que le nouveau timbre international soit réalisé à l’effigie de Pasteur, « la figure simple et grave du Français qui a le plus noblement servi la cause éternelle de l’humanité ». Dès le lendemain, Le Matin se félicite d’avoir été entendu par Paul Laffont, sous-secrétaire d’État aux postes et télégraphes et publie la lettre où celui-ci indique que « [son] concours est acquis au projet d’émission d’une vignette postale à l’effigie de ce grand Français, bienfaiteur de l’humanité ». Ces échanges suscitent l’émoi d’un rédacteur du Timbre-Poste, dont la proposition d’un timbre Pasteur en 1908 serait restée sans réponse.

Explication du rébus, Le Monde illustré, 23 juin 1923

Sollicitée par Paul Laffont, Marie-Louise Vallery-Radot, la fille de Pasteur, choisit le portrait de son père par Georges-Henri Prudhomme. Le timbre est émis le 25 mai 1925 pour la fête du centenaire de Pasteur. Réalisé en typogravure, il est proposé en trois valeurs : vert (10 centimes), rouge (30 centimes) et bleu (50 centimes). Les vignettes Pasteur se substituent à celles de type « Semeuse » par Roty. Si le choix du graveur et la réalisation des timbres ne font pas l’unanimité auprès des cercles philatéliques, leur mise en circulation est un événement présenté en une de journaux comme Le Peuple, Le Rappel, L’Excelsior-Dimanche, Le Grand écho du Nord de la France ou L’Ouest-Éclair. Le succès est au rendez-vous : en mai 1923, tout le monde veut un timbre Pasteur pour orner sa correspondance !

Timbres Pasteur : tableau de photographies de l’atelier de fabrication des timbres-poste montrant le portrait de M. Pasteur à plusieurs étapes de leur fabrication, Agence Rol, 1923

Le timbre Pasteur, le trente-deuxième de la série française depuis la mise en place de la vignette postale en 1849, est le premier à l’effigie d’un grand homme. Cette initiative suscite des réactions diverses : si le choix de Pasteur est généralement bien accueilli, certains journalistes craignent qu’il ouvre la voie à des personnalités plus contestables. D’autres au contraire souhaitent décliner le principe et discutent des figures à retenir : faut-il rendre hommage à Ronsard, au poilu à la silhouette bleu horizon ou encore à Parmentier ? Ailleurs, on se gausse parfois de voir le père de l’hygiène moderne figurer sur des vignettes où prospèrent les microbes. Cette contradiction est mise en rimes : « Au recto l’idée indirecte / Des microbes à déloger / Au verso, pour peu qu’on l’humecte / Les microbes et leurs dangers ».

Pasteur, un modèle pour la jeunesse

Monument Pasteur de Dole et enfants assistant à la cérémonie du centenaire de Pasteur, 26 mai 1923 et Statue de Louis Pasteur, place de Breteuil, décorée pour la Journée Pasteur, 27 mai 1923, Agence Rol

Les enfants sont largement associés aux manifestations du centenaire de Pasteur. Le 25 mai 1923 est une journée dédiée à Louis Pasteur dans toutes les écoles de France et les enseignants sont invités à consacrer une partie des heures de classe à un exposé sur Pasteur et son œuvre. À Paris, le Conseil municipal offre aux écoliers une représentation du film Pasteur au Gaumont Palace. Les écoliers participent à des cortèges, comme à Dole, lors de la visite du président Millerand, ou à Paris devant la statue de Pasteur place de Breteuil. Lors de la journée Pasteur le 27 mai 1923, ils font appel à la générosité des passants pour l’achat d’insignes au profit des laboratoires. Une souscription spéciale est également autorisée dans les écoles, dans le sillon d’une initiative des écoliers de Marnes-la-Coquette, dernier lieu de résidence de Pasteur.

« Un savant modeste » en une de Pour la famille, 17 décembre 1922

Pour les écoliers français, Pasteur est une figure familière. De son vivant, son autorité est reconnue et ses travaux sont cités dans les manuels pour la jeunesse. Ainsi, les découvertes de Pasteur sont rapportées dans le Monde animal de Léonie Meunier en 1884, dans le Précis élémentaire des sciences physiques et naturelles d’Émile Gripon en 1890 ou encore dans Hygiène de Léon-Henri Thoinot en 1895. Lors de leurs études, les enseignants sont également sensibilisés aux travaux de Pasteur et à la promotion de la santé par les cours d’hygiène scolaire. Aussi Pasteur fait partie de l’univers quotidien des enfants, à l’instar d’un des protagonistes d’une nouvelle parue dans Lisette en novembre 1921, qui explique : « Je l’ai rassurée en lui racontant que j’avais été mordu par un chien enragé et que j’allais me faire piquer à l’Institut Pasteur ».

À l’occasion du centenaire de Pasteur, la presse jeunesse revient elle aussi sur l’œuvre et la personnalité de Pasteur. En décembre 1922, Mon Journal présente l’histoire des jeunes Joseph Meister et Jean-Baptiste Jupille. En une de Pour la famille du 17 décembre 1922, une anecdote illustrée met en avant la modestie du savant. Dans son numéro du 17 décembre 1922, la revue Les Jeunes évoque le patriotisme de Pasteur. Suivent les semaines suivantes deux autres parties sur son œuvre et sur sa force morale. La Jeunesse, revue de l’Association de la jeunesse française tempérante, rappelle en janvier 1923 les origines modestes de Pasteur et sa grande bonté. Dans les années d’avant-guerre et du nouveau conflit mondial, Louis Pasteur continuera à servir de modèle de ténacité et de patriotisme, comme en témoignent les articles parus dans les revues jeunesse Pierrot en septembre 1930, Guignol en août 1934 ou en avril 1936, À la page en novembre 1938, Lisette en février 1939, La Guide de France en avril 1942 ou Louveteau en février 1943.

Avant de conclure : caricatures du centenaire de Pasteur

Caricature de Dharm dans La Dépêche, 29 novembre 1922

Clin d’œil au billet d’ouverture de la série Gallica sur Pasteur : Si Pasteur et le vaccin antirabique inspire toujours les caricaturistes des années 1920, sa figure disparaît des dessins et le propos est plus badin, moins polémique. Les illustrateurs tournent volontiers en dérision les relations familiales conflictuelles, faisant intervenir gendres victimes ou potaches et belles-mères supposées enragées.

Caricature de Ch. Brouty dans L’Afrique du Nord illustrée, 16 juin 1923

Et aujourd’hui ? Pasteur au XXIe siècle

En 1923, la presse évoque également le centenaire d’Ernest Renan ou Théodore de Banville, hommes de lettres à la renommée aujourd’hui plus confidentielle. Cent ans après, Pasteur reste quant à lui une figure incontournable de la science moderne. S’il n’a pas échappé aux contestations tout au long de sa carrière posthume, les nombreuses manifestations autour du Bicentenaire Pasteur et les publications toujours abondantes autour de Pasteur reflètent la vitalité et l’actualité de son œuvre.

Pour aller plus loin

Cycle de billets Gallica réalisé à l’occasion du Bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur
Bibliographie sélective d’œuvres de Pasteur et sur Pasteur
Œuvres de Pasteur, réunies par Louis Pasteur Vallery-Radot
Correspondance de Pasteur, 1840-1895, réunie et annotée par Louis Pasteur Vallery-Radot
Bibliographie des écrits de Pasteur réalisée par le Centre de Ressources en Information Scientifique (CeRIS) de l’Institut Pasteur
Site du Bicentenaire de la naissance de Louis Pasteur

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