Claude Bourgelat (1712-1779) : aux sources de la médecine vétérinaire
A l’occasion du trois-cent dixième anniversaire de sa naissance, le blog Gallica rend hommage à Claude Bourgelat (1712-1779), père des sciences vétérinaires et fondateur des deux premières écoles vétérinaires de France.
Claude Bourgelat naît en 1712 à Lyon dans une famille fortunée. Son père est marchand de soie et échevin de la ville en 1706-1707. Il décède en 1719, le laissant orphelin à l’âge de 7 ans. Sa jeunesse prête à controverse et les avis divergent selon les historiens : il aurait fait des études de droit à Toulouse et serait devenu avocat dans cette ville, puis au parlement de Grenoble. Des écrits mentionnent qu’ il abandonne la carrière du barreau, suite à une affaire gagnée mais qu’il juge injuste. Bourgelat embrasse alors la carrière militaire et sert dans la troupe des Mousquetaires où il développe son intérêt pour les chevaux, passion qui l’habite depuis ses plus jeunes années.
A partir de 1740, la vie de Claude Bourgelat est mieux renseignée : il obtient le brevet d’Ecuyer du Roi pour diriger l’Académie d’équitation de Lyon dans le quartier d’Ainay, où il crée un enseignement sur l’art de ferrer les chevaux (école de maréchalerie) qu’il complète par l’aspect médical. En 1757, il est nommé inspecteur des Haras de la généralité de Lyon, poste qu’il occupe jusqu’en 1768. De 1758 à 1764, il est également censeur puis inspecteur de la librairie de Lyon : il lit les manuscrits avant leur édition et vérifie leur conformité avec l’autorité royale, la religion et les bonnes mœurs ce qui le met parfois dans des situations délicates. En 1760, il est détenteur pour quinze ans du privilège des carrosses et fiacres publics sur la place de Lyon. En juin 1764, il devient commissaire général des haras du royaume , place qu’il conservera jusqu’à sa mort. En 1765, il renonce à la direction de l’Académie d’équitation de Lyon pour s’installer définitivement à Paris.
Fondateur des deux premières écoles médicales pour animaux, en France
De par ses fonctions consacrées aux chevaux, Bourgelat s’intéresse très tôt à l’hippiatrie (ou hippiatrique), science visant à prendre soin des chevaux, y compris médicalement. En 1744, il publie son premier ouvrage à ce sujet : Le Nouveau Newcastle, ou Nouveau traité de cavalerie. Puis de 1750 à 1753 viennent les 3 volumes des Elémens d’hippiatrique ou Nouveaux principes sur la connoissance et sur la médecine des chevaux. C’est dans la continuité de ses travaux, mais aussi pour étudier et combattre les grandes épizooties animales touchant le bétail depuis plusieurs années, que Claude Bourgelat nourrit l’idée d’une première école de médecine animale. Idée dans laquelle il est conforté et influencé par Buffon qui fait l’éloge de la médecine vétérinaire des Anciens, depuis trop longtemps oubliée, et de ceux qui la développeraient.
Histoire de l'École d'Alfort / par MM. A. Railliet,... et L. Moulé,..., 1908
L’Académie des sciences et autres institutions honorifiques. L’Encyclopédie Diderot- d’Alembert.
Suite à la parution de ses Elemens d’hippiatrie, Bourgelat est présenté par Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes à l’Académie des sciences, le 6 septembre 1752, et en devient correspondant. Diderot et D’Alembert lui proposent alors la rédaction d’articles de l’Encyclopédie traitant la médecine des animaux, le manège et la Maréchalerie. Il écrit près de deux cent cinquante articles qui paraissent dans les tomes V et VII.
Par la suite, en 1763, il est admis à l’Oekonomische Gesellschaft (société économique) de Berne puis à l’Académie royale de Prusse à Berlin le 28 août 1764. Il est aussi membre de la Société royale d’agriculture de Paris. Toutes ces fonctions honorifiques nationales et internationales participent à la renommée de Bourgelat et des écoles vétérinaires qu’il a fondées. Cela permet la création d’autres écoles européennes sur le même modèle expérimental, et le développement progressif de la médecine vétérinaire.
Honneur à Bourgelat, chanson vétérinaire. Paroles et musique de J. Raymond [1 v. et piano], 1909
Raisonnement scientifique et anatomie comparée
Lors de la rédaction du Nouveau Newcastle, Bourgelat remarque des anomalies dans les descriptions antérieures de biomécanique du cheval. Cela l’amène à énoncer pour la première fois ses réflexions sur la différence entre la démarche empirique et le raisonnement scientifique, la similitude entre la «machine humaine et la machine animale», et l'opportunité de créer le métier de « médecin des animaux ». Avec ses Éléments d’hippiatrique, Bourgelat met à nouveau en avant l’observation, le raisonnement, l’analyse et la déduction, bases des sciences expérimentales, méthodes qui repoussent résolument l’empirisme.
De plus en plus convaincu de l’importance d’une école qui enseignerait l’anatomie et la thérapeutique, Bourgelat se met à disséquer les chevaux sous la direction des chirurgiens Claude Pouteau et Jean-Baptiste Charmetton. Il parfait ainsi ses théories et devient un pionnier dans l’anatomie comparée de l’homme et des animaux . En 1766, parait Elemens de l’art vétérinaire. Zootomie ou anatomie comparée. Cette dimension comparative, élément clé de son enseignement, amène plus tard au concept de biopathologie comparée, une des bases de la médecine humaine qui ne cessera ses interactions avec la médecine vétérinaire.
L’éthique vétérinaire
On doit aussi à Claude Bourgelat l'approche éthique dans l’art de soigner les animaux, futures sciences vétérinaires. En effet «Bourgelat exigeait que le vétérinaire, comme un vrai médecin, n’eût rien d’un mercenaire, et qu’il fût un brave homme, expert à bien agir» .
De cette vision du métier de médecin des animaux, reste le serment de Bourgelat équivalent du serment d’Hippocrate de la médecine humaine. Au 19ème siècle, on trouve trace d’un tel cérémonial qui inspire d’autres écoles nationales comme en Hongrie. En France, de nos jours, bien que les nouveaux diplômés ne prononcent ce serment qu’en de rares occasions, son essence demeure au cœur des pratiques et de l’éthique vétérinaires.
Pour aller plus loin :
La série : Claude Bourgelat, pionnier de la médecine vétérinaire
1/2 : Claude Bourgelat (1712-1779) : aux sources de la médecine vétérinaire
3/4 : L’hippiatrie : de l’Antiquité à Bourgelat
4/4 : Claude Bourgelat et l'aventure encyclopédique
Parcours Patrimoine équestre : https://gallica.bnf.fr/html/und/sciences/patrimoine-equestre
Nous remercions la bibliothèque de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) pour son aide.
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