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Heur(t)s et malheurs du funiculaire de Belleville (1891-1924), épisode 1/3

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Qui prenait le funiculaire de Belleville, au tournant du XXe siècle, n’était pas assuré d’arriver à destination ! L’exploitation de ce tramway, émaillée d’accidents, lui valut une piètre réputation. Il rendit pourtant un fier service aux Bellevillois qu’il transportait cahin-caha sur les hauteurs de l’Est parisien, avant d’être remplacé par un service d’autobus, puis par la ligne 11 du métro.

« Inauguration du funiculaire de Belleville », À la mémoire de Fulgence Bienvenüe, réalisateur du métropolitain, Paris, Editions Perceval, 1937

Quelle solution de transport pour desservir la colline de Belleville ?

« Coteau de jardins et de vignes, où pullulaient les guinguettes joyeuses », à la fin du XVIIIe siècle, Belleville connaît, au siècle suivant, avec la révolution industrielle et les travaux haussmanniens, une forte croissance démographique, et compte 65 000 habitants en 1860, au moment où elle devient un quartier de Paris (Frantz Funck-Brentano, Belleville : histoire d'une localité parisienne pendant la Révolution…, 1912). En 1890, ce sont 30 000 ouvrières et ouvriers, et 9 000 petits fabricants et employés habitant ces hauteurs, qu’il s’agit d’acheminer sur leur lieu de travail… En raison de la dénivellation, le quartier ne peut être desservi par des omnibus à impériale, pour des raisons de sécurité.

Depuis fort longtemps les habitants des hauteurs de Belleville réclamaient un moyen de transport certain et économique pour se rendre dans le centre de la capitale. Aujourd’hui seulement, on a fait droit de la façon la plus complète à leur demande en commençant les travaux du premier tramway funiculaire qui fonctionnera dans Paris.

Le Monde illustré, 24 mai 1890

La solution est apportée par un ingénieur civil, M. Fournier, qui sollicite, auprès de la Ville de Paris, la concession de la construction et de l’exploitation d’un funiculaire.

Rue de Belleville, photographie de presse, Agence Rol, 1924

Le contentieux opposant Ville de Paris et Compagnie générale des Omnibus

Les difficultés touchant le funiculaire de Belleville commencent avant même sa construction. En effet, un contentieux oppose la Ville de Paris à la Compagnie Générale des Omnibus à son sujet, cette compagnie estimant que construction et exploitation de la ligne devaient lui être concédées en raison du monopole qu’elle détenait depuis le traité du 18 juin 1860 conclu avec la Ville de Paris « de faire circuler, avec faculté de stationnement sur la voie publique dans l’enceinte de Paris, les voitures employées au transport en commun des personnes », et du traité du 21 juillet 1877 qui reconnaissait ces dispositions applicables aux tramways.

Affaire du tramway funiculaire de Belleville, Paris, impr. de A. Maulde, 1889

Le Conseil d’État ayant refusé que la ligne soit exploitée par la Ville de Paris, le conseil municipal la concède non à la CGO, mais à M. Fournier, initiateur du projet (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 6 juillet 1889). Il décide cependant que la Ville de Paris prendra en charge la construction. Le budget alloué aux travaux, d’un million de francs (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 2 janvier 1888) se révélera insuffisant. Un décret du 24 janvier 1889 déclare d’utilité publique l’établissement de la ligne. Les travaux commencent l’année suivante, sous la direction de Fulgence Bienvenüe, le futur « père du métro ». Le constructeur est Théophile Seyrig, précédemment associé de Gustave Eiffel.

21/3/31, Inauguration du nouveau tronçon de métro, ligne 8, de d. à g. Lyautey, Renard, Bienvenüe, père du métro, photographie de presse, agence Rol, 1931

Quelques considérations techniques

Le tracé, d’une longueur de 2 020 mètres et marqué par un dénivelé de 63 mètres entre les points d’arrivée et de départ, débute place de la République et remonte la rue du Faubourg-du-Temple, puis la rue de Belleville, jusqu’à l’église Saint-Jean-Baptiste.

Plan commode de Paris avec les lignes d'omnibus et tramways, L. C. Gigon, Paris, L. Joly, ca 1892-1893
Cliquez sur le plan pour l’agrandir et voir le trajet du funiculaire de Belleville

Le numéro du 19 juillet 1890 du Génie civil, revue générale des industries françaises & étrangères décrit la technologie adoptée.

Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, 19 juillet 1890

Il s’agit d’un funiculaire à câble sans fin, comprenant des rails de roulement et un câble souterrain en acier de 4 200 mètres, avec des brins montant et descendant. Un grip, logé sous chaque voiture et actionné par le conducteur, saisit ces brins, par une rainure centrale pour mettre en mouvement le véhicule et le lâche en station.

Le funiculaire de Belleville, photographie de presse, agence Meurisse, 1920

Initialement, les voitures étaient au nombre de quinze, pouvant accueillir vingt-deux voyageurs chacune. Par la suite, elles ont circulé par deux accrochées ensemble et les plates-formes ont été allongées portant la capacité à cinquante-sept voyageurs.
Un bâtiment, rue de Belleville, abritait les machines motrices et le matériel roulant.

« La salle des machines », Le Génie civil, 11 octobre 1890

Les difficultés rencontrées par les ingénieurs tenaient notamment à la largeur, limitée à sept mètres, de la rue de Belleville, qui a nécessité le recours sans précédent à une voie unique, avec cinq zones de garage correspondant aux stations, et permettant aux voitures montant et descendant de se croiser. Les parties du trajet en ligne droite n’ont donné lieu à aucune complication, mais le tracé comportait vingt-quatre courbes, dont la gestion a été plus complexe, comme l’explique un numéro ultérieur du Génie civil !

Les débats au sein du conseil municipal parisien, retracés dans le Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, montrent l’impatience des conseillers municipaux et les interrogations provoquées par le retard pris dans les travaux de construction et la mise en service de la ligne, lors de la séance du 19 mars 1891, par exemple.

Comme tout arrive, l’inauguration du funiculaire a enfin lieu le 28 mai 1891, et les Bellevillois se réjouissent déjà de pouvoir en profiter ! Le service rendu n’est hélas pas encore optimum ! C'est ce que nous verrons dans un prochain billet. À suivre...

C'est le funiculaire : chansonnette, paroles d’Albert Burlot-Bural ; musique de Émile Spencer, Paris, F. Bigot, 1891

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