Heur(t)s et malheurs du funiculaire de Belleville (1891-1924), épisode 1/3
Qui prenait le funiculaire de Belleville, au tournant du XXe siècle, n’était pas assuré d’arriver à destination ! L’exploitation de ce tramway, émaillée d’accidents, lui valut une piètre réputation. Il rendit pourtant un fier service aux Bellevillois qu’il transportait cahin-caha sur les hauteurs de l’Est parisien, avant d’être remplacé par un service d’autobus, puis par la ligne 11 du métro.
Quelle solution de transport pour desservir la colline de Belleville ?
« Coteau de jardins et de vignes, où pullulaient les guinguettes joyeuses », à la fin du XVIIIe siècle, Belleville connaît, au siècle suivant, avec la révolution industrielle et les travaux haussmanniens, une forte croissance démographique, et compte 65 000 habitants en 1860, au moment où elle devient un quartier de Paris (Frantz Funck-Brentano, Belleville : histoire d'une localité parisienne pendant la Révolution…, 1912). En 1890, ce sont 30 000 ouvrières et ouvriers, et 9 000 petits fabricants et employés habitant ces hauteurs, qu’il s’agit d’acheminer sur leur lieu de travail… En raison de la dénivellation, le quartier ne peut être desservi par des omnibus à impériale, pour des raisons de sécurité.
Depuis fort longtemps les habitants des hauteurs de Belleville réclamaient un moyen de transport certain et économique pour se rendre dans le centre de la capitale. Aujourd’hui seulement, on a fait droit de la façon la plus complète à leur demande en commençant les travaux du premier tramway funiculaire qui fonctionnera dans Paris.
Le Monde illustré, 24 mai 1890
La solution est apportée par un ingénieur civil, M. Fournier, qui sollicite, auprès de la Ville de Paris, la concession de la construction et de l’exploitation d’un funiculaire.
Le contentieux opposant Ville de Paris et Compagnie générale des Omnibus
Les difficultés touchant le funiculaire de Belleville commencent avant même sa construction. En effet, un contentieux oppose la Ville de Paris à la Compagnie Générale des Omnibus à son sujet, cette compagnie estimant que construction et exploitation de la ligne devaient lui être concédées en raison du monopole qu’elle détenait depuis le traité du 18 juin 1860 conclu avec la Ville de Paris « de faire circuler, avec faculté de stationnement sur la voie publique dans l’enceinte de Paris, les voitures employées au transport en commun des personnes », et du traité du 21 juillet 1877 qui reconnaissait ces dispositions applicables aux tramways.
Affaire du tramway funiculaire de Belleville, Paris, impr. de A. Maulde, 1889
Le Conseil d’État ayant refusé que la ligne soit exploitée par la Ville de Paris, le conseil municipal la concède non à la CGO, mais à M. Fournier, initiateur du projet (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 6 juillet 1889). Il décide cependant que la Ville de Paris prendra en charge la construction. Le budget alloué aux travaux, d’un million de francs (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 2 janvier 1888) se révélera insuffisant. Un décret du 24 janvier 1889 déclare d’utilité publique l’établissement de la ligne. Les travaux commencent l’année suivante, sous la direction de Fulgence Bienvenüe, le futur « père du métro ». Le constructeur est Théophile Seyrig, précédemment associé de Gustave Eiffel.
Quelques considérations techniques
Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, 19 juillet 1890
Il s’agit d’un funiculaire à câble sans fin, comprenant des rails de roulement et un câble souterrain en acier de 4 200 mètres, avec des brins montant et descendant. Un grip, logé sous chaque voiture et actionné par le conducteur, saisit ces brins, par une rainure centrale pour mettre en mouvement le véhicule et le lâche en station.
Retrouvez les autres billets de la série :
Pour aller plus loin
- Sélection Gallica Transports en commun - Tramways et funiculaires
- Jean Gennesseaux, Funiculaires et crémaillères de France, Paris, La Vie du rail et des transports, 1992 (accessible sur Gallica intramuros, voir notamment « Le funiculaire de Belleville » p. 30-32
- Albert Lévy-Lambert, Chemins de fer funiculaires, transports aériens, Paris, Baudry, 1894 (accessible sur Gallica, voir notamment « Tramway à câble de Belleville » p. 205-210)
- Michel Ostertag, Le tramway-funiculaire de Belleville, 1891-1924 : échec et réussite du cable-car français, Saint-Denis, Édilivre, 2017
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