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L'aconit napel

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15 janvier 2024

L’aconit napel arbore de belles fleurs violettes en forme de casque grec. Il faut néanmoins l’admirer à distance car c’est la plante la plus toxique de notre flore. Les Anciens empoisonnaient leurs pointes de flèches avec elle, et les Borgia s’en servaient également.

Joseph Roques, Phytographie médicale, tome 2, Paris, 1821

L’aconit napel (Aconitum napellus) appartient à la famille des Ranunculacées comme la renoncule rampante, l’anémone pulsatille ou la nigelle. Le genre Aconitum regroupe des espèces particulièrement toxiques aux noms évocateurs comme l’aconit tue-loup (Aconitum lycoctonum), l’aconit vénéneux (Aconitum anthora), ou comme l’aconit féroce (Aconitum ferox), la plante la plus toxique au monde. Aconit viendrait du grec akê (pointe) car la plante était utilisée pour empoisonner les pointes de flèche. Napel dérive du latin napellus (fuseau) en raison de la forme renflée de la racine, qui a été aussi qualifiée de navet du diable. Ses autres noms renvoient à la forme de la fleur en forme de casque grec : capuchon, casque-de-Jupiter, monkshood (capuchon de moine), blaue Eisenhut (casque de fer bleu), etc.

Jean Loiseleur-Deslongchamps, Flore générale de France, ou Iconographie, description et histoire de toutes les plantes phanérogrames, cryptogames et agames qui croissent dans ce royaume disposées suivant les familles naturelles, Paris, 1828

La plante, vivace, se repère facilement : une tige d’un à deux mètres porte une grappe de fleurs bleues ou violacées en forme de casque doté d’un éperon, s’épanouissant de mai à août et donnant de nombreuses graines ovales. Ses feuilles palmées sont vert foncé. La racine contient de l’aconitine, un poison violent : 5 mg suffisent pour tuer un adulte. L’aconit napel renferme de nombreux alcaloïdes et toutes ses parties sont toxiques. Elle pousse en montagne jusqu’à 2500 mètres d’altitude, dans les prairies humides riches en azote, les haies ou les lisières. L’aconit de Corse (Aconitum napellus subsp. corsicum) est une sous-espèce poussant dans l’ile méditerranéenne.

Jean-Augustin Barral, Le règne végétal : Flore médicale, Atlas, Tome 1, Paris, 1864-1869

Sa toxicité est connue depuis l’Antiquité. Les Grecs la font naître de la bave répandue par Cerbère quand Héraclès vient le chercher aux Enfers pour accomplir le dernier de ses douze travaux. Médée y recourt pour tenter de tuer Jason, son mari infidèle. Hannibal se serait servi d’un mélange d’aconit et de ciguë contenu dans sa bague pour se suicider. Les nombreux empoisonnements ayant cours dans la Rome antique poussent Trajan à interdire la culture de l’aconit. Mithridate VI du Pont l’utilise pour se mithridatiser, c’est-à-dire s’immuniser contre le poison. La thériaque, remède contre les morsures de serpent, a aussi servi contre les empoisonnements à l’aconit. De la guerre de Troie au siège de Grenade, les pointes de flèche sont enduites d’aconit pour faire pénétrer le poison dans les plaies. Les Borgia n’ont pas ignoré son potentiel toxique. Au 17ème siècle, l’ingénieur lituanien Kazimierz Siemienowicz propose de remplir des boulets avec de l’aconit, de l’anémone, de la jusquiame et de la ciguë afin qu’ils dégagent des fumées toxiques en explosant : c’était l’ancêtre de nos obus chimiques. L’aconit, disposé en bouquets dans les maisons, repoussait même les créatures menaçantes comme loups-garous ou vampires.

Henri Baillon, Dictionnaire de botanique, tome 2, Paris, 1886

La toxicité de la plante a été testée au 18ème siècle par le médecin autrichien Anton von Störck qui en consomme en très petites quantités pour en vérifier l’effet. Elle a également servi à calmer la douleur et décongestionner les voies respiratoires. Elle entre dans les ingrédients de la médecine chinoise traditionnelle. Il n’en reste pas moins que l’aconit napel est la plante la plus toxique de notre flore nationale. Des empoisonnements sont survenus par confusion de sa racine avec celle des navets. Son simple contact provoque des irritations de la peau, voire des intoxications en cas d’écorchure. Il vaut donc mieux l’admirer à distance raisonnable, et elle peut être utilisée comme plante ornementale.

Charles Flahault, Nouvelle flore coloriée de poche des Alpes et des Pyrénées. Série 2, Paris, 1908

Pour aller plus loin

Apprenez à distinguer les plantes toxiques en feuilletant la sélection Botanique du parcours Gallica La Nature en images.

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