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Les cordonniers : réparer et prendre soins de ses chaussures

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13 octobre 2022

Après les techniques de fabrication des chaussures, nous allons voir le rôle du cordonnier qui, de fabriquant, devient réparateur. Puis, nous verrons comment garder ses chaussures en bon état avec le cirage et les accessoires et leur histoire.

Pâte Marcerou. Crème cirage à la cire... : [affiche] / [Georges Meunier], 1913

L’origine

Deux frères, Crépin et Crépinien, fuient Rome au IIIe siècle, subissant les persécutions contre les chrétiens. Ils trouvent refuge à Soissons et, pour subsister, deviennent cordonniers. Ils acquièrent une bonne réputation par la qualité de leur travail et en ne faisant pas payer les pauvres. Ils meurent en martyrs vers 286. Ils sont devenus les saints patrons des cordonniers fêtés le 25 octobre. En référence à leur nom, crépin a désigné le sac dans lequel le cordonnier ambulant mettait ses outils et accessoires qui servaient à fabriquer les chaussures. Crépin est aussi le commerçant qui vend des fournitures et du cuir aux cordonniers. Mais, le terme tombe en désuétude.
L’origine du mot cordonnier daterait du Moyen Âge : cordouan (de Cordoue). La ville est, alors, réputée pour le tannage du cuir depuis le VIIIe siècle grâce au savoir-faire est importé par les Maures. A cette époque, le cordonnier est celui qui fait les chaussures à partir de cuir de qualité préparé à la façon de Cordoue.

Les corporations

Au Moyen Âge, le métier de cordonnier est réglementé. Il est composé de plusieurs branches hiérarchisées.
En haut de l’échelle, le cordonnier travaille un cuir de luxe, en général de chèvre. Il fabrique et vend les souliers dans sa boutique.
Ensuite, vient le savetonnier ou basanier qui travaille un cuir de moins bonne qualité appelé la basane et qui est de la peau de mouton.
Enfin, le savetier, n’est autorisé qu’à réparer les chaussures. C’est un corps plus important mais gagnant peu d’argent. Jean de la Fontaine a en fait une fable : Le savetier et le financier.
L’ensemble des métiers du cuir se réunissent en corporation suivant leur branche. Les savetiers de Paris fondent une confrérie en 1444.
En 1486, Charles VIII établit un nouveau règlement pour les métiers de cordonnerie, basanerie et saveterie.

Le savetier par Bosse, Abraham, 1602-1676, BNL

Au XVIIe siècle, Colbert renforce les corporations. C’est ainsi que, jusqu’à la moitié du XVIIIe siècle, se forment dans plusieurs villes en France des communautés de Frères cordonniers. Pour entrer dans ces corporations, il faut s’acquitter d’une somme d’argent versée à l’Etat et cela permet aussi un contrôle des artisans. Vers 1745, les savetiers ou savetonniers ne sont plus cités. Ils tombent en désuétude à la fin du XVIIIe siècle. Seul subsiste le terme cordonnier. Vers 1768, un arrêt du Conseil du Roi réunit les différentes communautés à celle des cordonniers.

La révolution de 1789 va faire disparaître ces institutions. La loi Le Chapelier, promulguée le 14 juin 1791, interdit tout groupement professionnel, que ce soit de gens de métier ou de leurs ouvriers et apprentis. Malgré cette loi et la répression, des organisations se forment appelées syndicats, associations, sociétés ou coopératives tout au long du XIXe siècle, souvent issues du compagnonnage. Citons, par exemple : l’Association laborieuse et fraternelle des ouvriers cordonniers-bottiers fondée en 1840 à Paris. Elle devient une société commerciale en 1849 sous le nom : Société laborieuse des ouvriers cordonniers-bottiers ou en 1850 : l’Association fraternelle des ouvriers cordonniers.

Appel à tous nos Frères de la Corporation des Ouvriers Cordonniers Et Bottiers de la Ville de Paris [etc.] [Recueil. Collection de Vinck. Un siècle d'histoire de France par l'estampe, 1770-1870. Vol. 112 (pièces 14054-14186), République de 1848]

La loi Le Chapelier est abrogée en 1864 par la loi Ollivier qui n’interdit plus les regroupements professionnels ou le droit de grève puis en 1884 par la loi Waldeck-Rousseau qui légalise les syndicats. Cette loi du 21 mars 1884 permet aux ouvriers de se réunir en syndicat. Les cordonniers sont les premiers à fonder un syndicat mixte de patrons et d’ouvriers sous le nom de Corporation chrétienne de Saint-Crépin à Lille, puis à Reims en 1887.

Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés

A l’époque, il est appelé cordonnier-bottier. C’est un artisan qui fabrique sur mesure. Mais, du fait de l’industrialisation de la fabrication des chaussures, il va avoir un autre rôle : réparer et remettre en état des chaussures abîmées, changer les talons, poser des patins, des fers, des antidérapants ou mettre des semelles.
Pendant la Grande guerre, les cordonniers participent à l’effort de guerre en réparant les chaussures des militaires. Ce sont surtout les femmes qui assument ce rôle.

Usine anglaise, réparation de vieilles chaussures : [photographie de presse] / [Agence Rol], 1917

Outillage et accessoires

 

Le cordonnier = Der Schuhmacher, 1847, BNU

L’outil principal du cordonnier est l’enclume, généralement en fonte et posée sur un établi avec un tire-pied. Elle doit permettre de clouer les talons et les semelles. Le cordonnier utilise plusieurs marteaux : un pour battre le cuir et un autre pour clouer.
Pour couper les cuirs, il lui faut des tranchets de plusieurs tailles, formés d’une lame d’acier plate terminée en pointe. La râpe anglaise, l’alêne pour faire les trous, les tenailles et pinces coupantes servent également au cordonnier.Il possède d’autres accessoires comme la cire, des colles, des teintures, des brosses, du papier de verre, des pinceaux…

La réparation des chaussures à la portée de tous, 1936

De nos jours, la principale fonction du cordonnier est le ressemelage. Cela consiste à mettre des patins et des talons ou bonbout quand les semelles sont usées. Bien souvent, le cordonnier se fournit en patins en caoutchouc de toute taille chez un fabricant dont le plus connu est Topy,  entreprise fondée dans les années 1930 dans le Maine-et-Loire par la famille Herpe.

Cordonnerie, Roubaix, La rue de l'Epeule, Labbé Daniel (collectionneur), Bn-R, 1995

Les produits de soins

Scocard, cireur [de chaussures à Paris] : [photographie de presse] / [Agence Rol], 1928

Pour garder le plus longtemps possible ses chaussures comme neuves, il importe de les nettoyer, les cirer, les lustrer. Les chaussures en cuir doivent être nourries pour rester souples et imperméables. La fonction du cirage est d’entretenir le cuir et de le faire briller. Le mot cirage est apparu au XVIIIe siècle.

Cirer les bottes

En 1765, M. Day, un coiffeur anglais, rencontre un soldat, M. Martin, qui a mis au point une recette pour cirer les bottes de ses officiers supérieurs. Ensemble, ils ouvrent une boutique au 97, High Holburn à Londres en 1770 et mettent en vente le produit avec succès. La société est rachetée en 1923 par un sellier et fonde Carr & Day & Martin qui existe encore aujourd’hui.

La société Kiwi est fondée en 1906 à Melbourne par un émigré écossais. Cette société domine, encore aujourd’hui, le marché mondial.
La Corio-Méléine est une graisse d’entretien des cuirs, fabriquée à Chantenay-sur-Loire à partir d’un brevet déposé en 1870. Sa production cesse vers 1930.
 

Corio-mélanine, conservation, brillant pour les cuirs, les chaussures : {affiche]/ G. Morinet, 1890, BHVP

Baranne est fondée en France en 1913. Monsieur Roger Baranne tient un commerce de meubles et met au point un produit pour entretenir les meubles en cuir. Il commercialise ensuite le produit pour les chaussures de cuir.
En 1920, est créée la marque Saphir considérée comme produit de qualité pour l’entretien et la rénovation du cuir. Cette marque a obtenu la médaille d’or lors de l’exposition des arts décoratifs de 1925 à Paris. Les produits sont toujours commercialisés et sont à base de produits naturels.

Les matières nourrissant le cuir sont, au début, naturelles comme la cire, la graisse végétale ou animale, la lanoline, la gomme arabique, du noir d’os ou de suif, du sirop de fécule, du blanc d’œuf, de l’huile de poisson ou de l’essence de térébenthine comme diluant. Au début du XXe siècle, l’industrie chimique s’empare du cirage en ajoutant des solvants comme l’acide sulfurique, du phosphate de chaux, de la potasse, de la soude, de la vaseline, des huiles minérales, de la silicone et d’autres dérivés du pétrole. Le cirage est vendu dans des boîtes plates en fer blanc avec un couvercle décoré portant la marque du fabricant. Il est aussi commercialisé en tube ou flacon.

Cirage végétal parfumé : [affiche] ([Tirage de 1909] / [d'après Albert Guillaume]

D’autres accessoires comme les embauchoirs servent à garder la forme des chaussures ou les chausse-pieds pour les enfiler. Les brosses à chaussures, pour nettoyer ou reluire, sont en crin de cheval, en soie ou en matières synthétiques. Les chiffons, dont les meilleurs sont en peau de chamois, servent à faire briller le cuir.
Du Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle, les cordonniers ont fabriqué des chaussures. Puis, à l’ère industrielle, des manufactures de chaussures ont transformé ce métier en réparateur. Tout comme les cordonniers, les cirages et accessoires aident à conserver ses chaussures en bon état.

Pour en savoir plus

Blog Gallica : Parcours textiles
Les établissements Godillot : de la malle aux chaussures / Chloé Cottour

Les techniques de fabrication des chaussures / Chantal Puech

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