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Les techniques de fabrication des chaussures

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12 mai 2022

Avant la révolution industrielle, la confection des chaussures est l’affaire des cordonniers-bottiers. Au milieu du XIXe siècle, les manufactures de chaussures connaissent un fort développement en France du fait de la demande du gouvernement pour fournir les armées ainsi que des innovations techniques.

Maison A. Fretin, rue de Rennes, 64, Paris. Chaussures [affiche] / Albert Guillaume, 1895

La fabrication d’une paire de chaussures est très complexe et nécessite un savoir-faire. Selon les modèles et la méthode de fabrication choisie, de nombreuses étapes sont nécessaires pour fabriquer une paire de chaussures : le modélisme, le patronnage, la coupe, la piqûre, la fabrication de la tige (dessus de la chaussure), le montage (assemblage de la tige, de la semelle et du talon) et la finition.

La Réparation des chaussures à la portée de tous, 1936

Concevoir un modèle, choisir la matière

La première étape avant la fabrication de la chaussure est de concevoir un modèle. C’est le styliste qui le crée en dessinant une chaussure sur papier. Il choisit la forme, la matière, la couleur.  Ensuite, on fait le patron qui servira de base à toutes les autres étapes de fabrication. C’est le travail du modéliste. Il doit faire un moule ou une coquille à partir du dessin. Il doit tenir compte du volume, de la forme. Il découpe les différentes parties de la chaussure. Un moule, en forme de pied, est utilisé pour chaque taille et chaque modèle. Les artisans utilisaient des moules en bois mais aujourd’hui ils sont majoritairement en plastique. Le brevet du moule à chaussures a été déposé par Jean-Baptiste Vouillot demeurant boulevard des Batignolles à Paris en 1851.

Les chaussures peuvent être faites de matériaux divers, le plus souvent, elles sont en cuir mais aussi en tissu, en bois, en paille, en caoutchouc ou en matière synthétique.

Chaussures des Anglais prisonniers en Allemagne : [photographie de presse] / [Agence Rol], 1918

Les chaussures en cuir existent depuis la nuit des temps. La peau des animaux a toujours été utilisée pour la fabrication des chaussures. C’est au Moyen Âge que les Ottomans et les Arabes ont introduit le tannage du cuir en Europe et notamment en Espagne. Le mot cordonnier a pour origine la ville de Cordoue. Les tanneries se développent alors pour la préparation des peaux issues principalement des troupeaux de bétail. Le cuir est tanné à partir de tannins d’origine végétale, animale ou chimique qui lui donne sa couleur. Aujourd’hui, le tannage végétal est réhabilité pour des questions environnementales.

C’est au Pays Basque, dans le Sud-Ouest de la France, que fut inventée, au XIIe siècle, une chaussure en toile de lin et semelle en corde de chanvre, nommée espadrilleespardenya en catalan. Au XIXe siècle, elle est surtout portée par les ouvriers et les paysans. Des manufactures sont alors nombreuses dans les Pyrénées- Atlantiques. Le magazine Vogue la décrit comme un objet de mode estival dès le début des années 1920. Elle est depuis synonyme de vacances d’été et de plage.

Les sabots en bois sont creusés d’une pièce en général dans le bois de hêtre ou de noyer. Ils protègent de l’humidité et du froid; l’hiver, ils étaient fourrés avec du foin ou de la paille. Ainsi, les pieds sont au chaud et au sec. Ils sont utilisés par les paysans mais aussi les écoliers jusqu’à la fin de la guerre 1939-45 dans certaines régions du fait d'une pénurie de chaussures en cuir  pendant cette période. Existent aussi les galoches dont seule la semelle est en bois et le dessus en cuir. Les souliers de cuir sont réservés pour le dimanche.

​Jusqu’au XIXe siècle, ils sont fabriqués à la main. Ils peuvent être sculptés ou décorés.  Ensuite, la fabrication s’est industrialisée. La ville de Limoges est réputée pour la fabrication des sabots. Depuis les années 1970, les sabots suédois, avec la semelle en bois et la tige en cuir cloutée, connaissent un grand succès auprès d’un public jeune et dans la mouvance du retour à la nature. Il existe aussi des sabots en paille tressée, réservés aux jardiniers.

Patin caoutchouc-fer, fabrication Menier, 1890

Au milieu du XIXe siècle, apparaît un nouveau matériau qui va entrer dans la composition de certaines chaussures, le caoutchouc. Ce matériau est produit à partir de latex issu de l’hévéa, arbre originaire d’Amérique du Sud. A la fin du XIXe siècle les Anglais plantent des graines d’hévéas dans leurs colonies. Les Français et les Belges font de même quelques années plus tard.

En 1853, l'Américain Hiram Hutchinson achète les brevets de Charles Goodyear portant notamment sur la vulcanisation, procédée qui rend le caoutchouc élastique et imperméable. Commence, alors, la confection de bottes, chaussures et souliers en caoutchouc. Il démarre la fabrication dans l’ancienne filature de Langlée à Châlette-sur-Loing dans le Loiret. La Compagnie du caoutchouc souple commence alors à produire des chaussures et des vêtements imperméables. La marque À l'Aigle est déposée en 1853 et existe toujours sous le nom Aigle avec un certain succès.

Buvards - Á l'Aigle Hutchinson, 1930, Bn-R

Après 1945, de nombreux modèles de chaussures adoptent les semelles en caoutchouc, particulièrement les chaussures de sport.

​Dans les années 1920, un autre matériau fait son apparition : le cuir synthétique ou cuir artificiel. Lié à l’industrie pétrochimique, il est nommé « Fabrikoïd » par la société Du Pont de Nemours and C°. Si la société est américaine, elle a été fondée, en 1802, par un chimiste français disciple de Lavoisier, Éleuthère Irénée du Pont de Nemours, réfugié aux États-Unis après la Révolution de 1789.

​Le Fabrikoïd, dont le brevet est déposé en 1921, est composé de coton et enduit de pyroxyline qui, après traitement, ressemble à du cuir. L’avantage est surtout économique.

​Malgré tout, le cuir reste utilisé majoritairement et a la faveur du public du fait de sa qualité.

Le découpage, le montage et le piquage

Après la conception du modèle et le choix du matériau, vient le découpage à l’emporte-pièce à l’aide d’une machine à découper les peaux. Ensuite, la chaussure est passée dans une machine à cambrer pour lui donner sa forme. Le talon est assemblé à la tige par collage ou vissage.

Etablissements Gavelle : fabrication de la chaussure : [photographie de presse] / Agence Meurisse, 1924

Une fois découpés à partir du gabarit, tous les éléments vont être assemblés pour former la tige ou le dessus de la chaussure. C’est ce qu’on appelle le piquage. C’est à partir de cette étape que les différents morceaux de cuir vont être cousus ensemble pour commencer à donner une forme à la chaussure. Les chaussures sont cousues au fil.

Pour éviter d’avoir une surépaisseur lorsque deux morceaux de cuir ou autre matériau se superposent, le piqueur doit les parer : cela signifie qu’on réduit volontairement l’épaisseur au niveau des liaisons entre les morceaux. Cela permet d’éviter d’avoir trop de matière au niveau des coutures. Cette opération est très importante car, si on a trop enlevé de matière, la couture est alors fragilisée ; si au contraire on n’en a pas enlevé assez, on risque d’avoir une démarcation ou une gêne peut apparaître lors du porté de la chaussure.

Le piqueur réalise aussi le rempliage : le bord de certaines pièces est replié sur lui-même puis collé et cousu afin d’obtenir une finition plus esthétique. Le piquage se termine par le claquage qui est une opération au cours de laquelle on assemble l’avant et l’arrière de la chaussure ensemble pour obtenir la tige.

​​Le montage d’une chaussure décrit généralement le procédé par lequel la tige est fixée à la semelle. La chaussure prend alors sa forme.

En Angleterre, en 1809, apparait une machine destinée au clouage des semelles. En 1830, Thimonnier invente la machine à coudre. Vers 1860, les ateliers de fabrication de chaussures commencent à utiliser des machines plus perfectionnées pour coudre les tiges en matière souple.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’évolution technologique de la fabrication des chaussures est rapide, en particulier pour le montage.

​Après l’assemblage des différentes parties de la chaussure-tige, semelle et talon- vient le finissage, qui donne à la chaussure un aspect attrayant et propre. Au stade des finitions, on entre ici dans les petits détails qui ont néanmoins toute leur importance. Des œillets sont posés si le modèle le nécessite, les fils qui dépassent sont brûlés. C’est à ce moment que les lacets et la semelle intérieure dite de propreté sont ajoutés et les étiquettes de marque apposées. La chaussure est nettoyée, astiquée, choyée avant d’être contrôlée puis conditionnée dans sa boîte.

Pour cause d'expropriation pour l'avenue de l'Opéra de la Maison Caulon... La grande spécialité de chaussures ou la Manufacture F. Pinet est transférée... : [affiche] , 1877

Les pointures

Trouver chaussure à son pied

L’expression date du XVIIe siècle et son sens s’est élargi pour trouver ce dont on a besoin ou rencontrer une personne qui nous convienne.

Pour être bien chaussé il faut trouver des chaussures à sa taille, ni trop grandes, ni trop petites afin de pouvoir marcher sans douleur.

​Les chaussures doivent s’adapter à la morphologie du pied ; pour cela, il faut repérer les courbures et  les points d’appui de la plante des pieds. Le pied est composé de 28 os formant 16 articulations et reliés par 100 ligaments et 20 muscles. Chaque pied est unique.

Grande cordonnerie modèle 15 Bd Poissonnière... : [affiche], 1890

Avant le XVIIIe siècle, les artisans cordonniers faisaient les chaussures sur mesure. Avec l’industrialisation, les fabricants de chaussures ont dû standardiser les tailles des chaussures exprimées en pointure. Ce n’est qu’après 1870, que l’utilisation d’une forme pour chaque pied se généralise.
La pointure, c’est l’ensemble des mesures, exprimées en points, qui caractérise un pied. Il existe trois systèmes basés sur un système métrique ou sur les normes anglaises.

Trouvez votre pointure si vous êtes une femme ou un homme selon l’échelle du point français ou point de Paris. Un point correspond 2/3 de cm ou 6.66 mm. Si votre pied mesure 26 cm, votre pointure est du 39 en point français et 10 en point anglais.

Dans l’échelle du point anglais, plus ancien, les pointures vont de 1 à 8 pour les femmes et de 5 à 12 pour les hommes. Un point correspond au tiers du pouce soit 25.4 mm. Le même système est utilisé aux États-Unis si ce n’est que l’échelle recommence à 1 pour les pointures des adultes. L’écart est donc de 1 à 2 entre les deux systèmes. Une pointure homme 41 correspond à 7,5 UK, 8,5 US ou 260 en Mondopoint.

Ce dernier système, plus récent, dit le Mondopoint est aussi un système métrique exprimé en millimètre correspondant à la longueur du pied, un point correspondant à 5 mm ou 7,5 mm. L’intervalle correspond à une demi-pointure. Ce système de pointure est défini selon des normes ISO depuis 1972. Il est officiel en Russie, en Chine et au Japon.

Seule la longueur est prise en compte dans ces différents systèmes. La largeur, la voûte plantaire et la forme ne le sont pas. Seul l’essayage peut garantir une chaussure adaptée au pied.

Concours du pied le mieux chaussé : les concurrentes : [photographie de presse] / Agence Meurisse, 1938

Où sont (étaient) fabriquées les chaussures en France ?

Fabrique de chaussures de F. Pinet, CNUM

Deux villes sont particulièrement connues en France pour la fabrication des chaussures : Romans-sur Isère et Fougères.

C’est au milieu du XIXe  siècle que des manufactures de chaussures apparaissent  à Romans-sur-Isère. Des tanneries sont présentes dans la région depuis le Moyen-Âge et des ouvriers sont disponibles à proximité du fait d’une crise liée à l’économie des draps. La mécanisation, les machines-outils et la machine à coudre  contribuent à la modernisation de la fabrication des chaussures et la production s’industrialise sous le Second Empire. La Première Guerre mondiale voit une hausse de la demande en brodequins militaires fabriqués dans la région.

Dans les années 1920, l’industrie de la chaussure connait une forte concentration à Romans-sur Isère qui devient la capitale internationale de la chaussure de luxe. Des formations professionnelles sont mises en place dès la fin du XIXe siècle.  Un collège technique d’enseignement professionnel pour les métiers de l’industrie du cuir existe à Romans-sur-Isère depuis 1894. Ceci a permis le développement de la ville. Charles Jourdan y fonde sa société en 1921. En 1938, la ville compte 42 fabriques de chaussures. Cette croissance est ponctuée de mouvements de grève qui réclament de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail dans les années 1950-60. L’expansion va continuer jusqu’aux années 1970. Elle connaît, alors, un déclin, du fait des importations et de la concurrence.

Cependant, grâce à l’industrie du luxe, elle se redéploie  dans les années 1990, principalement comme sous-traitant de grandes marques.

Le développement de l’industrie de la chaussure a également commencé vers 1850 à Fougères et s’est développée dans les années 1880 grâce à la mécanisation, non sans opposition.  Au début des années 1930, l’électrification accélère son déploiement. En 1939, la ville compte 61 fabriques de chaussures. Dans les années 1970, des usines ferment leurs portes du fait des importations et délocalisations. En 1996, il reste 6 fabricants de chaussures. Actuellement, si on ne fabrique plus de chaussures à Fougères, il reste, toutefois, 2 distributeurs JB Martin et Royer qui est le distributeur des baskets Converse en France.

​Hand-ball : bulletin fédéral, 1988

Si l’homme a conçu des chaussures depuis l’Antiquité pour protéger ses pieds, les modèles et les matériaux n’ont cessé d’évoluer en fonction de ses besoins, du climat, des cultures et de la mode. Les procédés de fabrication ont eux aussi suivi des innovations technologiques, en passant de la fabrication artisanale à la fabrication industrielle.

Pour en savoir plus

Blog Gallica : Parcours textiles
Les établissements Godillot : de la malle aux chaussures / Chloé Cottour

Pour aller plus loin

Exposition sneakers / Musée de l’Homme
Fougères capitale de la chaussure / Jean Herisset
Musée de la chaussure à Romans-sur-Isère
Bibliothèque numérique de Roubaix (Bn-R)

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