Janvier 1910, déchargement des ordures viaduc d’Auteuil, Agence Rol, 1910
La ville abrite alors de nombreuses activités artisanales et industrielles. Les animaux de boucherie sont abattus dans la rue. Il faut attendre le 19
ème siècle pour disposer d’abattoirs en limite d’urbanisation comme à
La Villette. La rivière des Gobelins, qui se jette dans la Seine en amont de l’île de la Cité, attire des teinturiers dès le Moyen Âge. La
manufacture des Gobelins y est créée au 17
ème siècle ; des ateliers de
tannerie s’installent en aval. La petite rivière devient peu à peu un égout à ciel ouvert, se jetant dans la Seine en amont des pompes qui, comme celle de la
Samaritaine, alimentent les Parisiens en eau. Elle finit couverte, transformée en un véritable
égout.
Jules-Adolphe Chauvet, Pont de fer sur la Bièvre au n° 93 de la rue Croulebarbe, 1887
Les suies et poussières dégagées par les industries transforment des vallées en
pays noirs. Même les animaux sont obligés de s’adapter à l’instar de la
phalène du bouleau. De couleur blanche, elle se fondait sur les écorces blanches des
bouleaux. Avec les rejets des usines, les troncs deviennent noirs, avantageant la variété de phalène de couleur noire. Ces
poussières atmosphériques nuisent à la
santé des populations vivant sous le vent de la pollution de l’air, tandis que les
forêts subissent les
pluies acides. Même les
feux de bruyères peuvent représenter une nuisance.
Dominique Bourg, Fukushima, biosphère, catastrophe locale, catastrophe mondiale ? : conférence du 14 mars 2015
La liste des types de pollutions s’allonge avec la création de nouvelles industries. Le secteur nucléaire produit des
rayonnements ionisants comme le rappellent les accidents de Three Mile Island,
Tchernobyl ou Fukushima, sources de
radioactivité. Les hydrocarbures ne sont pas en reste avec une série de
marées noires, de l’
Amoco Cadiz à
Deepwater Horizon. Les rejets industriels polluent des sites, des écosystèmes et les populations qui en vivent comme les habitants de la baie de
Minamata, souillée par les rejets de mercure. Les accidents chimiques à
Seveso ou Bhopal contaminent durablement les eaux et les sols. Les guerres ont apporté leur lot d’espaces ravagés :
zone rouge de l’ancienne ligne de front soumise aux bombardements et aux
gaz ;
mines dérivantes emportées par les courants ; sites irradiés d'
Hiroshima et de Nagasaki…
Les activités agricoles elles aussi causent des pollutions par l’utilisation d’
engrais, de
pesticides et par le rejet de matières animales (lisier, méthane…). Les fermes dont le
tas de fumier voisinait le puits souffraient de maladies de cœur dues à une intoxication aux nitrates. Les matières polluantes sont lessivées et infiltrent les nappes phréatiques ou ruissellent vers les rivières jusqu’à la mer, sujette aux
marées vertes. Les sols laissés nus par les cultures subissent l’
érosion, phénomène à l’origine du
Dust Bowl dans le centre des États-Unis, où le sol est transformé en poussière transportée par le vent, rendant invivables des comtés entiers, obligeant les habitants à
migrer.
Laitue de mer, responsable de marées vertes, dans Émile Wuitner, Les algues marines des côtes de France, Paris, Paul Lechevalier, 1921
Même la nature rejette des polluants. L’éruption des cratères du
Laki en 1783-1784 dégage des millions de tonnes de fluor et de dioxyde de soufre qui déciment en Islande la moitié du cheptel et le quart de la population. Dans toute l’Europe, les brouillards du Laki entraînent des
hivers très froids ainsi que famines et troubles politiques. L’éruption du
Tambora en 1815 aux Célèbes cause aussi des hivers très froids, des récoltes catastrophiques, une année sans été en 1816 et de l’
agitation sociale, tout cela à cause de
cendres volcaniques qui font le tour du monde. Le
Krakatoa en 1883 provoque les mêmes effets, y compris les ciels rougeoyants qu’on retrouve dans les tableaux d’Edvard Munch.
Georges Wolinski, À cause de la pollution, de l’effet de serre non maitrisé, de la démographie qui dégringole, nous allons vers l’impasse..., 1990-1999
La liste des pollutions est à la fois longue et ancienne. On a proposé le
saturnisme – une intoxication au plomb – comme l’une des causes de la chute de l’empire romain. Des progrès sont possibles comme l’atténuation du smog londonien ou la réduction du trou dans la
couche d’ozone par l’interdiction du fréon. La lutte contre la pollution, objet d’accords internationaux, est aussi un enjeu du quotidien et l’affaire de tous.
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