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La pollution

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13 mai 2020

La pollution semble devenue le sujet du siècle, en plein débat sur le changement climatique. Elle s’est accélérée depuis un siècle mais était déjà présente aux temps plus anciens.

G. J. Symons, The eruption of Krakatoa and subsequent phenomena, Londres, Trübner, 1888

Le terme prend son sens actuel au début du 19ème siècle, au moment où la Révolution industrielle commence à exploiter intensivement les énergies fossiles. Louis-Sébastien Mercier décrit bien l’état d’une grande ville dans son Tableau de Paris à la veille de la Révolution. La qualité douteuse des eaux qui stagnent dans les rues nécessite le recours au saute-ruisseau qui fait franchir sur son dos cet obstacle au passant. Les ordures sont jetées dans la rue et les boues ramassées pour le maraîchage. La poubelle n’est inventée qu’en 1884. Le dépôt d’ordures est pourtant réglementé depuis longtemps. L’assainissement des villes passe par la lutte contre l’insalubrité.
 

 

Janvier 1910, déchargement des ordures viaduc d’Auteuil, Agence Rol, 1910

 

La ville abrite alors de nombreuses activités artisanales et industrielles. Les animaux de boucherie sont abattus dans la rue. Il faut attendre le 19ème siècle pour disposer d’abattoirs en limite d’urbanisation comme à La Villette. La rivière des Gobelins, qui se jette dans la Seine en amont de l’île de la Cité, attire des teinturiers dès le Moyen Âge. La manufacture des Gobelins y est créée au 17ème siècle ; des ateliers de tannerie s’installent en aval. La petite rivière devient peu à peu un égout à ciel ouvert, se jetant dans la Seine en amont des pompes qui, comme celle de la Samaritaine, alimentent les Parisiens en eau. Elle finit couverte, transformée en un véritable égout.
 
 

Jules-Adolphe Chauvet, Pont de fer sur la Bièvre au n° 93 de la rue Croulebarbe, 1887
 
 
Il faut des catastrophes pour que les pouvoirs publics mettent au point des politiques d’assainissement : épidémie de choléra à Paris en 1832, Grande Puanteur à Londres en 1858… Les eaux usées sont collectées ; à Paris, elles sont épandues à Gennevilliers et Achères ; à Marseille, elles sont rejetées en mer. Des accidents industriels comme l’explosion de la poudrerie de Grenelle en 1794 ou celle de l’usine AZF en 2001 conduisent à éloigner les industries du centre des villes. Le 15 octobre 1810 est publié un décret relatif aux Manufactures et Ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode. L’odeur pestilentielle dégagée par certains ruisseaux ou rivières oblige les habitants à franchir en apnée les ponts qui les enjambent. Le législateur s’inquiète de l’état des cours d’eau.

 


Colette Chassard-Bouchaud, L’écotoxicologie, Paris, PUF, 1995

 

Les suies et poussières dégagées par les industries transforment des vallées en pays noirs. Même les animaux sont obligés de s’adapter à l’instar de la phalène du bouleau. De couleur blanche, elle se fondait sur les écorces blanches des bouleaux. Avec les rejets des usines, les troncs deviennent noirs, avantageant la variété de phalène de couleur noire. Ces poussières atmosphériques nuisent à la santé des populations vivant sous le vent de la pollution de l’air, tandis que les forêts subissent les pluies acides. Même les feux de bruyères peuvent représenter une nuisance.
 

Dominique Bourg, Fukushima, biosphère, catastrophe locale, catastrophe mondiale ? : conférence du 14 mars 2015
 
La liste des types de pollutions s’allonge avec la création de nouvelles industries. Le secteur nucléaire produit des rayonnements ionisants comme le rappellent les accidents de Three Mile Island, Tchernobyl ou Fukushima, sources de radioactivité. Les hydrocarbures ne sont pas en reste avec une série de marées noires, de l’Amoco Cadiz à Deepwater Horizon. Les rejets industriels polluent des sites, des écosystèmes et les populations qui en vivent comme les habitants de la baie de Minamata, souillée par les rejets de mercure. Les accidents chimiques à Seveso ou Bhopal contaminent durablement les eaux et les sols. Les guerres ont apporté leur lot d’espaces ravagés : zone rouge de l’ancienne ligne de front soumise aux bombardements et aux gaz ; mines dérivantes emportées par les courants ; sites irradiés d'Hiroshima et de Nagasaki…
 

Alb Rou, Les animaux sans vermine..., affiche, ca. 1940

 

Les activités agricoles elles aussi causent des pollutions par l’utilisation d’engrais, de pesticides et par le rejet de matières animales (lisier, méthane…). Les fermes dont le tas de fumier voisinait le puits souffraient de maladies de cœur dues à une intoxication aux nitrates. Les matières polluantes sont lessivées et infiltrent les nappes phréatiques ou ruissellent vers les rivières jusqu’à la mer, sujette aux marées vertes. Les sols laissés nus par les cultures subissent l’érosion, phénomène à l’origine du Dust Bowl dans le centre des États-Unis, où le sol est transformé en poussière transportée par le vent, rendant invivables des comtés entiers, obligeant les habitants à migrer.
 
 

Laitue de mer, responsable de marées vertes, dans Émile Wuitner, Les algues marines des côtes de France, Paris, Paul Lechevalier, 1921

Même la nature rejette des polluants. L’éruption des cratères du Laki en 1783-1784 dégage des millions de tonnes de fluor et de dioxyde de soufre qui déciment en Islande la moitié du cheptel et le quart de la population. Dans toute l’Europe, les brouillards du Laki entraînent des hivers très froids ainsi que famines et troubles politiques. L’éruption du Tambora en 1815 aux Célèbes cause aussi des hivers très froids, des récoltes catastrophiques, une année sans été en 1816 et de l’agitation sociale, tout cela à cause de cendres volcaniques qui font le tour du monde. Le Krakatoa en 1883 provoque les mêmes effets, y compris les ciels rougeoyants qu’on retrouve dans les tableaux d’Edvard Munch.

 


Georges Wolinski, À cause de la pollution, de l’effet de serre non maitrisé, de la démographie qui dégringole, nous allons vers l’impasse..., 1990-1999
 
La liste des pollutions est à la fois longue et ancienne. On a proposé le saturnisme – une intoxication au plomb – comme l’une des causes de la chute de l’empire romain. Des progrès sont possibles comme l’atténuation du smog londonien ou la réduction du trou dans la couche d’ozone par l’interdiction du fréon. La lutte contre la pollution, objet d’accords internationaux, est aussi un enjeu du quotidien et l’affaire de tous.
 

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