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Station Abbesses : la traversée de la butte Montmartre

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12 janvier 2021

Découvrez grâce à la RATP et Gallica l'histoire des stations du métro parisien. Aujourd’hui, descente station Abbesses, au pied de la butte Montmartre.

Diverses vues de Montmartre. Chemin conduisant à un moulin, 1826

La station Abbesses se situe dans le 18ème arrondissement, au pied de la butte Montmartre et sur la ligne 12 du métro. Elle évoque par son nom, comme le rappelle la chronique de la RATP, un jour, une station, la présence d’une abbaye royale de femmes fondée en 1133-1134 et active jusqu’à la Révolution française.

Le dénivelé de la butte est ici reproduit sur ce plan du XVIIIe siècle de l’ingénieur-cartographe Roussel (16..-1733,) grâce à des traits verticaux hachurés et resserrés, une technique figurative ancienne pour représenter les monts et la pente mais qui ne donne pas de précisions chiffrées sur l’inclinaison de celle-ci ou sur l’altitude. Cette feuille de ce plan en 7 parties, largement diffusé à l’époque, permet également de situer l’abbaye.

Dès le XVIe siècle, la butte est occupée par de très nombreux moulins à vent : on en dénombre plus de vingt-cinq au XVIIIe siècle. La butte est même nommée « butte des moulins ». lls servent à presser le raisin des vignes voisines, à moudre la farine et permettent également de broyer divers matériaux nécessaires pour la construction et la manufacture de porcelaines de Clignancourt. Les jours de fêtes et les dimanches, ces moulins se transforment en lieux de rencontres, de bals pour les ouvriers du quartier. Ils sont par la suite peu à peu détruits et les trois qui subsistent  deviennent des lieux festifs à la mode, rendus célèbres par les chansonniers et les artistes, tel le célèbre Moulin de la Galette.

Au pied des moulins, le gypse présent dans le sous-sol est exploité, ce dont informe cette carte topographique et géologique dressée en 1889 par Vallet. Le dénivelé de la butte qui culmine à plus de 131 mètres est cette fois-ci bien indiqué par les courbes de niveau présentes sur le plan. Cette situation élevée fait d’ailleurs choisir Montmartre comme une des premières étapes de la ligne de télégraphe Chappe Paris-Lille établie en 1794. Une tour dite « tour du télégraphe » est alors érigée sur l’église Saint-Pierre de Montmartre. Enfin, les zones vertes de la carte correspondent aux carrières souterraines exploitées.

L’exploitation du gypse de la butte existe depuis l’époque médiévale afin d’en faire du plâtre en le chauffant. Le plâtre obtenu à Montmartre est considéré comme de très bonne qualité. L’exploitation se fait d’abord à ciel ouvert puis des carrières souterraines grignotent progressivement la butte entre la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle. « L’exploitation des carrières de Montmartre prit dès lors une allure si active qu’en moins de cinquante ans, il ne restait plus rien à extraire de la butte. (…) Il était donc temps de s’arrêter à moins de voir tout d’un coup Montmartre s’engloutir dans ses propres flancs. » raconte en 1893 Charles Sellier dans  Curiosités du vieux Montmartre : les carrières à plâtre. Plusieurs moulins et jardins publics s’effondrent avant l’interdiction en 1837 de creuser de nouvelles galeries et l’arrêt de l’exploitation de gypse à Montmartre aux environs de 1860. Les carrières à ciel ouvert sont remblayées et les carrières souterraines, d’abord consolidées sont ensuite murées.

Le quartier de Montmartre, rattaché à Paris en 1860, est aussi le foyer de la Commune de Paris entre le 18 mars 1871 et sa répression lors de la Semaine sanglante du 21 au 28 mai de la même année, puis le lieu de l’érection du Sacré-Cœur décidée en 1873. C’est un quartier qui attire les artistes et se peuple rapidement à la fin du XIXe siècle. Pourtant les six premières lignes du chemin de fer métropolitain, déclarées d’utilité publique en 1898, n’intègrent pas sa desserte et ne prévoient qu’une seule ligne verticale nord-sud, la future ligne 4 (Porte d’Orléans-Porte de Clignancourt). Jean-Baptiste Berlier (1843-1911), qui avait déjà proposé en 1887 un projet de tramway tubulaire, demande une concession pour l’exploitation d’une nouvelle ligne Nord-Sud, dénommée alors ligne A et visible sur le plan de métro ci-dessous datant de 1914.

Le projet est adopté par la Ville de Paris en décembre 1901 et la Société du chemin de fer électrique souterrain Nord-Sud est fondée en 1902. Ce chemin de fer ne s’appelle pas métropolitain, appellation réservée à la CMP (Compagnie du Chemin de fer métropolitain de Paris). La presse, tel le Journal des Transports, le nomme même « tube Berlier ». Mais ses grandes caractéristiques techniques (écartement des voies, traction électrique) sont les mêmes que le métro, avec lequel il correspond « gratuitement » comme l’indique le Journal des transports en 1911 et les prix des tickets sont identiques. La Compagnie Nord-Sud se distingue cependant par plusieurs éléments comme une double alimentation électrique assurée par un rail de traction et un fil aérien (alors que le métro n’utilise que le rail), par un aménagement des stations et des voitures qui lui est propre.

Le tracé de la future ligne prévoit la traversée de la butte Montmartre et la construction de deux stations Abbesses et Lamarck. Il faut pour cela éviter les carrières souterraines et composer avec la nature des autres couches géologiques, notamment les marnes trop instables. Mais il faut également gravir la pente avec une rampe de 35/1000 pour atteindre la station Abbesses, puis de nouveau 40/1000 jusqu’à la station Lamarck, comme le montre la coupe du tracé ci-dessous.

La station Abbesses, dont la partie supérieure de la voûte se trouve à un ou deux mètres sous les anciennes carrières est construite sans piédroits, qui normalement se placent de part et d’autre de la voûte. Elle repose sur des culées comme le détaille le numéro du 25 septembre 1914 du Génie Civil. La Nature revient également sur le procédé inédit de construction des voûtes. Deux grands puits en béton armé ont été construits, le premier pour abriter les escaliers, le second pour les ascenseurs qui permettent de desservir la station enfouie à 30 mètres de profondeur, la plus profonde du réseau. La station est ouverte le 30 janvier 1913.

La Station Abbesses, c’est aussi :
La mire du nord
A quelques mètres de la station Abbesses, impasse Girardon, se trouve la mire du nord. La mire doit servir, selon Picard qui la fait installer en 1675, de point de repère, pour mesurer l’arc du méridien de Paris depuis l’Observatoire de Paris installé à Port Royal. La mire est d’abord un simple poteau en bois indiqué sous le nom de «poteau du  méridien » sur le plan de Montmartre établi par Roussel. En 1736 la mire est reconstruite par Cassini fils et surmontée d’une fleur de lys remplacée par un globe puis une pointe en 1840. Les quatre points de la triangulation du méridien (qui va de Dunkerque au Canigou) sont établis par la tour de Montlhéry au sud, le clocher de Brie-Comte Robert au sud-est, la tour de Montjay à l’est et le clocher de Saint-Martin du Tertre au nord. « Ces quatre points déterminent donc », ainsi que l’indique en 1896 la société du Vieux Montmartre, « avec notre mire, trois triangles adjacents dont celle-ci forme le sommet commun ».

Pour aller plus loin

- "Un jour, une station : Abbesses, sous la "Butte".
- Présentation en direct dans Gallica part en live à l'occasion des 120 ans du métro parisien
- Le métropolitain dans la sélection Gallica consacrée aux transports
 

Commentaires

Soumis par Bernard Hanquez le 14/01/2021

La station Abbesses du métro n'a pas été ouverte en 1912 comme indiqué dans votre billet, mais le 30 janvier 1913 comme en atteste l'annexe 4 du compte-rendu de la séance du 8 février 1913 de la "Commission du Métropolitain", consultable ici :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6560266h/f108.image.r=%22station%...

La date de 1912 à la vie dure (y compris à la RATP) et correspond en fait à l’ouverture de la section Pigalle - Jules Joffrin le 31 octobre 1912. La station Abbesses a été ouverte plus tard, ses accès n'étant pas terminés.

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