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Piscine Molitor : splendeur et déclin de la piscine de la jet-set

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11 avril 2024

La piscine Molitor est sans doute la plus célèbre des piscines parisiennes. Dès sa création, ce « paquebot blanc » connaît un grand succès et attire le Tout-Paris. Sauvée de justesse de la disparition totale dans les années 2000, elle a été reconstruite à l’identique, dans l’enceinte d’un hôtel de luxe.

Piscine Molitor, photographie de presse, Agence Rol, juillet 1931 (réf. Rol, 156680)

Des fortifs aux bassins

A l’origine du projet, il y a Antoine Berverge, un entrepreneur privé. Il a l’idée de faire construire deux bassins, sur les terrains des anciennes « fortifs », c’est-à-dire l’enceinte de Thiers, situés à la Porte Molitor, dans le 16ème arrondissement. En ce début du 20ème siècle, les piscines ouvertes au public sont trop peu nombreuses à Paris, la France accuse un retard dans ce domaine, ce projet est donc le bienvenu. Il est accepté par le Conseil de Paris en 1928 et un bail de trente ans est signé. Il s’insère assez logiquement dans un quartier qui compte déjà plusieurs équipements sportifs : le Parc des princes, Roland-Garros... La conception en est confiée à l’architecte Lucien Pollet (1888-1962). Il imagine un complexe sportif avec un bassin olympique extérieur de 50 mètres bordé de trois étages de cabines et un bassin d’hiver couvert de 33 mètres entouré de deux galeries de cabines mais aussi un restaurant, un gymnase et un practice de golf.

La « nouvelle piscine d’Auteuil » le 13 août 1929, soit 2 jours avant son inauguration, photographie de presse  Agence Rol

Avec ses lignes épurées et ses hublots, le bâtiment est emblématique du style art déco alors à son apogée. Il est surnommé « le paquebot blanc ». La décoration est soignée. Lucien Pollet fait appel aux meilleurs artisans de l’époque : le maître-verrier Louis Barillet (1880-1948) signe les vitraux de l’entrée et de la verrière. Par la suite, la Société des piscines de France lui confie la construction d’autres piscines à Paris dont celle de la rue de Pontoise dans le 5e arrondissement.

La piscine de la jet-set

Les « grands établissement balnéaires d’Auteuil » s’adressent dès le départ à une clientèle aisée puisque le ticket d’entrée correspond à trois semaines de salaire d’un ouvrier. Ils sont inaugurés le 15 août 1929 en présence de deux champions de natation : le quintuple médaillé olympique Johnny Weissmuller, futur interprète de Tarzan pour la Metro-Goldwyn-Mayer et l’Américaine Aileen Riggin Soule.
Les événements mondains s’enchainent au rythme des saisons : défilés de mode, galas nautiques des artistes, ou représentations théâtrales. On peut y croiser Mistinguett en compagnie d’autres « vedettes »  de l’époque et de nombreuses photos sont publiées dans ce qu’on n’appelle pas encore la presse people.

Toute la coiffure : revue artistique mensuelle, août 1932, p. 22

La saison atteint son acmé lors de la fête de l'eau avec son défilé de maillots et le concours de la plus jolie baigneuse, élue par un jury composé de stars.

 23 juin 1931, piscine Molitor, gala nautique des artistes, concours de tenues et maillots de bain, photo de presse Agence Rol

L’hiver, grâce à un système de fabrication de glace artificielle conçu par Lucien Pollet, le bassin extérieur se transforme en patinoire pour la plus grande joie des sportifs occasionnels et l’entraînement des champions français de patinage.

La piscine Molitor transformée en patinoire, photographie de presse, Agence Mondial, 1932

Après la guerre, elle s’ouvre à un public plus populaire.

La plus grande rave party d’Île-de-France

À la fin des années 70, Molitor entre dans une période de déclin. Trop chère, la patinoire n’est plus mise en activité. Trop dégradé, le bâtiment doit fermer définitivement. Des travaux de rénovation seraient trop coûteux. Suite à une décision de la mairie de Paris, le couperet tombe le 27 mars 1990. Devant la menace d’une destruction totale, les riverains et amateurs d’architecture art déco s’émeuvent et créent l’association « SOS Molitor » pour sauver le bâtiment. Ils obtiennent gain de cause puisqu’il est inscrit à l’inventaire des monuments historiques.

Abandonné, pillé, le complexe devient le repaire des street artistes et des fêtards. En 2001, il est le décor de la plus grande rave party jamais organisée en région parisienne.

La mairie de Paris prend enfin conscience de son potentiel. En 2007-2008, sous la mandature de Bertrand Delanoë, un appel à candidature pour la réhabilitation et l’exploitation du bâtiment est lancé. Les travaux de reconstruction durent trois ans, de 2011 à 2014 mais le bâtiment est trop dégradé pour être conservé. La plupart des éléments ornementaux d’origine ont disparu.

Malgré son inscription aux monuments historiques, l’ensemble est détruit en totalité en 2012 à l’exception du mur de la façade est et de quelques éléments décoratifs.

Inauguré en 2014, le complexe hôtelier s’adresse à une clientèle de luxe. Pour accéder aux bassins et aux équipements de bien-être et de sport, il faut être client de l’hôtel ou membre du Club de Molitor. La direction a renoué avec une phase de l’histoire de Molitor en faisant appel à des street artistes pour décorer les cabines.

Après bien des péripéties et ayant failli disparaître, la piscine Molitor a retrouvé aujourd’hui son statut d’établissement réservé à une élite.

L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques.
La série "Histoire du sport en 52 épisodes" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.

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