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Plon : L’ascension d’un grand éditeur

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8 avril 2022

Fondée en 1833, l’imprimerie Plon devient une authentique maison d’édition au début de la IIIe République et bâtit sa renommée sur la publication d’ouvrages d’histoire avant de s’ouvrir à la littérature. Son catalogue se singularise par une ligne éditoriale clairement affirmée, un attachement à des valeurs idéologiques, morales et religieuses.

Bric à Brac, Caran d'Ache, E. Plon, Paris

Le fondateur : Henri Plon (1806-1872)

L’histoire familiale des éditions Plon débute alors que naissent les premières grandes entreprises d’édition, celles de Louis Hachette, de Gervais Charpentier, de Pierre-Jules Hetzel et de Michel Lévy.

Après s’être associé avec Théophile Belin et Maximilien Béthune en 1833 à Paris, Henri Plon crée en 1845 l’imprimerie familiale "Plon frères et Cie" dont il deviendra le seul propriétaire dix ans plus tard. En 1850, c’est des presses des frères Plon que sort Le Napoléon, journal soutenant le programme politique de Louis-Napoléon Bonaparte. Ce soutien apporté au président de la République et les mérites professionnels de son imprimerie valent à Henri Plon d’être récompensé, l’année suivante, par les insignes de chevalier de la Légion d’honneur. Lorsque l’Empire est proclamé, il reçoit le titre d’Imprimeur de l’Empereur. En 1854, Henri Plon installe sa maison rue Garancière, dans le bel hôtel de Sourdéac – elle y restera jusqu’en 1988.

Henri Plon publie d’abord quelques almanachs et ouvrages religieux. Surtout, il va construire son catalogue sur les ouvrages d’histoire, ses deux périodes privilégiées étant la Révolution française (avec principalement des ouvrages légitimistes et contre-révolutionnaires) et le Premier Empire. En 1858, il est désigné pour être l’éditeur de la Correspondance de Napoléon Ier, volumineuse publication qui paraîtra en 32 volumes jusqu’en 1870.

Correspondance de Napoléon Ier, Tome 1, H. Plon, Paris, 1858-1870

Mentionnons aussi, parmi bien d’autres ouvrages, l’imposante Histoire de France depuis les origines jusqu’à nos jours par Antoine-Élisabeth-Cléophas Dareste de La Chavanne (Grand prix Gobert de l’Académie française en 1868) en neuf volumes (1865-1879) et l’Histoire politique et militaire de la guerre de 1870-1871 par les ambassadeurs, les ministres, les généraux et les amiraux qui ont eu la direction des affaires, série lancée dès 1871 et qui comptera quatorze volumes plusieurs fois réédités, dont un atlas de cinquante-deux cartes. Actif pendant quelque quarante années, Henri Plon a bâti sa réputation sur l’excellence de son imprimerie et a su installer sa maison comme l’éditeur de référence de la Grande Histoire. Par son soutien ardent au Second Empire, il a aussi donné à sa maison une identité forte et durable.

De l’imprimerie à l’édition

La seconde moitié du 19e siècle voit la multiplication des points de vente du livre et le succès des collections de romans à bas prix, tandis que les lois Ferry de 1881-1882 achèvent l’alphabétisation de la population. C’est à cette époque que la maison Plon va, tout en conservant son imprimerie, faire de l’édition son activité principale. Succèdent à Henri Plon son fils Eugène Plon (1836-1895) et son gendre Robert Nourrit (1833-1894), lesquels orientent définitivement la maison dans le champ éditorial. L’arrivée de Robert Nourrit dans la société fait évoluer le catalogue vers le roman contemporain. Créée en 1876, la "Bibliothèque de romans à 1 franc le volume" (in-16 ou in-18) offre notamment les œuvres de romanciers populaires, tels que Fortuné Du Boisgobey – l’un des précurseurs du roman policier –, Pierre-Alexis Ponson du Terrail, Pierre Zaccone ou Ernest Daudet.

Le Courrier de Lyon, Pierre Zaccone, E. Plon et Cie, Paris, 1879

C’est à Robert Nourrit que revient d’avoir découvert Henry Gréville (1842-1902, pseudonyme d’Alice-Marie-Céleste Fleury), autrice prolifique dont les œuvres connaissent un rapide et grand succès – Dosia (1876) atteint sa 89e édition et Perdue (1881) sa 44e édition en 1896. Henry Gréville est l’autrice de nombreux ouvrages "à astérisque", qui indique dans les catalogues de Plon les ouvrages "à mettre entre toutes les mains" ou "spécialement écrits pour les jeunes filles".

Dosia, Henry Gréville E. Plon, Paris, 1877

L’année 1889 voit la parution d’un autre grand succès de la maison Plon : Mon oncle et mon curé de Jean de La Brète (pseudonyme d’Alice Cherbonnel), qui sera constamment réédité jusqu’en 1959. Dans les années 1880, le catalogue s’ouvre aussi à la littérature étrangère, notamment russe. Plon est le premier à se lancer dans la traduction des œuvres de Dostoïevski (Le Crime et le châtiment, 1884 ; Humiliés et offensés, 1884 ; Les Possédés, 1886 ; Souvenirs de la maison des morts, 1886 ; L’Idiot, 1887 ; Les Frères Karamazov, 1888). Au total, treize titres sont publiés jusqu’en 1896.

              

L'Idiot, Tome 1, Dostoïevsky, E. Plon, Nourrit et Cie (Paris), 1887
Mon oncle et mon curé, Jean de La Brète, Librairie Plon, Paris, 1898

Une maison d’édition conservatrice et antidreyfusarde

Après la disparition d’Eugène Plon et de Robert Nourrit, la maison passe entre les mains des héritiers de Robert Nourrit – ses gendres, Joseph Bourdel et Pierre Mainguet, et son fils Adolphe Plon-Nourrit –, qui recrutent plusieurs auteurs de renom. Au tournant du 20e siècle, la maison publie quinze titres des frères Paul et Victor Margueritte (de 1898 à 1907) et fait paraître les Œuvres complètes de Paul Bourget (neuf volumes, 1899-1911). Passé chez Plon suite à un procès intenté au début de l’année 1896 à son ancien éditeur Alphonse Lemerre, Paul Bourget devient l’un des auteurs phares d’une maison où il peut côtoyer d’autres maîtres à penser de la droite catholique, dont Henry Bordeaux qui publie son premier livre en 1900.

À la même époque, Plon se range dans le camp des antidreyfusards en publiant, du 5 février 1898 au 16 septembre 1899 (n° 85), le Psst… ! de Jean-Louis Forain et de Caran d’Ache, journal satirique entièrement illustré de quatre pages paraissant le samedi, auquel riposte Le Sifflet (17 février 1898 - 16 juin 1899) de l’éditeur dreyfusard Pierre-Victor Stock.

                  

Psst...!, Forain, Caran d'Ache, Plon, Paris, No 1, 5 février 1898

À la veille de la Première Guerre mondiale, la réputation de Plon, Nourrit et Cie repose toujours sur sa production historique et la maison peut s’enorgueillir de compter parmi ses auteurs plusieurs académiciens. Mais le succès des ouvrages d’Henry Gréville ou de Jean de La Brète, l’arrivée de Paul Bourget, puis d’Henry Bordeaux vont peu à peu imposer Plon dans le secteur de la littérature, qui va devenir, avec l’histoire, l’un des deux piliers de son catalogue.

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