La Culinary Review, le magazine des chefs américains
Dans le sillage d’Auguste Escoffier apparaît au États-Unis la Culinary Review, écrite par des chefs, pour des chefs. Gallica met à votre disposition plus de 30 ans d’archives de cette revue américaine, qui retrace l’évolution de la profession culinaire aux États-Unis de 1933 à 1965.
Dans le cadre de son partenariat avec la Fondation Auguste Escoffier, Gallica a numérisé les ouvrages et revues de sa bibliothèque, parmi lesquels on peut être surpris de trouver... un magazine américain !
La Culinary Review, inédite dans le fonds gastronomique de Gallica, doit beaucoup à Joseph Donon, cuisinier français, disciple d’Escoffier au Carlton à Londres et fondateur du Musée Escoffier de l’Art Culinaire.
Joseph Donon, l’American Culinary Federation et la Culinary Review
Engagé comme chef privé par les plus grandes fortunes américaines (il officie chez les Frick de 1912 à 1914, puis chez les Vanderbilt jusqu’en 1955), Joseph Donon est réputé pour avoir introduit la cuisine française et les principes de la cuisine moderne d’Auguste Escoffier aux États-Unis.
Les recettes de Joseph Donon, Culinary Review, janvier 1947
Avec cinq grands chefs européens installés comme lui aux États-Unis, Donon crée à New York en 1929 l’American Culinary Federation, une organisation professionnelle de chefs et de cuisiniers, issue de la fusion de la Société Culinaire Philanthropique, du Vatel Club et de l’Association des Chefs de Cuisine d’Amérique.
La création de cette nouvelle association intervient quelques mois avant le krach boursier de 1929. Son rôle s’avérera déterminant pour faire face à la Grande Dépression et protéger les intérêts économiques et sociaux de la profession culinaire. Parmi les mesures mises en œuvre pour former, informer et protéger les travailleurs du secteur de la restauration, le lancement d’une revue mensuelle, la Culinary Review, marque un tournant majeur dans l’histoire culinaire américaine.
Les enjeux de la revue
Sous l’égide d’Edouard Panchard, de Joseph Donon et de Charles Bournez, la Culinary Review répond à un objectif bien précis : « suivre à la lettre et dans l'esprit un programme national d'éducation pour la promotion de l'intérêt et de l'unité de la profession culinaire ».
Cette démarche, au cœur de la ligne éditoriale, s’appuie sur plusieurs principes fondateurs : la Culinary Review doit permettre de réunir une élite de cuisiniers capables de se soutenir mutuellement et d'échanger des informations, tout en favorisant l’emploi et la régulation du secteur.
As Abraham Lincoln freed the slaves, so will the A.C.F. free the culinarians of the slavery of the kitchen »
Il s’agit, pour ses fondateurs venus d’Europe, de combler le retard de la profession aux États-Unis. En particulier, dans le contexte de la politique économique du New Deal, ils revendiquent une nouvelle qualification du statut professionnel des cuisiniers. La revue sera l’organe de l’American Culinary Association pour faire évoluer le code du travail : grâce à elle, les employés de la profession culinaire passeront du statut de « servant » à celui de « industrial worker », avant d’accéder à celui de « skilled worker ».
De nombreux articles de la revue contribuent à fixer les codes de la cuisine moderne, à pérenniser les normes d’hygiène et à former la main d’œuvre culinaire. On y trouve en outre offres d’emplois et annonces de concours et de salons culinaires américains.
Évidemment, la Culinary Review comprend une dimension gourmande. Elle est riche en recettes, rubriques gastronomiques et conseils en réalisation, adaptés à la grande restauration comme à l’échelle domestique. Elle contribue à diffuser la culture culinaire française, tout en mettant ses enseignements au service de l’avènement d’une cuisine américaine de qualité.
La revue au fil du temps
Témoins des évolutions économiques et sociales du pays, les rubriques piliers du magazine évoluent au fil du temps. C’est le cas, par exemple, du « Market Basket » (Le panier du marché), contribution du Bureau of Home Economics du gouvernement, qui offre durant la Grande Dépression et la Seconde Guerre Mondiale des conseils d’économie domestique. À partir des années 1950, la rubrique accompagne le boom économique du pays et prend le titre triomphal de « The Horn of Plenty » (La corne d’abondance).
Publicité Maggi, Culinary Review, décembre 1944
Le financement de la revue est assuré en partie par l’abonnement mensuel de ses lecteurs, mais aussi par l’espace important alloué aux annonceurs publicitaires — jusqu’à 10 pages sur les 20 de chaque numéro. Des publicités pour les jambons fumés de Virginie aux grandes marques industrielles comme Maggi, jusqu’à l’émergence des premiers McDonalds, c’est toute une histoire de l’alimentation américaine qui se dévoile au fil des pages et des couvertures...
Culinary Review, septembre 1956
Pour aller plus loin :
Sélection Gallica consacrée à Auguste Escoffier
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Valentine Lacoste
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